ceci est une lettre qu'Oscar aurait pu écrire à André pour épancher son coeur; pour exprimer des sentiments qu'elle redoutait d'admettre; un peu comme un journal intime.

1ère partie

Tous mes pensées convergent vers toi;
Quand tu es arrivé à Jarjayes, la première chose que j'ai vu en toi, ce sont tes grands yeux expressifs. Tu étais triste et pourtant tu m'as offert le plus tendre des sourires.
Ce jour-là nous n'avons échangé que quelques mots mais nous avions déjà tout compris l'un de l'autre.
Deux enfants, la même solitude ...

Tu as su ouvrir une brèche en moi; depuis ce jour je ne me suis plus jamais sentie seule.

Nous avons partagé une vie ensemble, je commence une phrase et tu la termines. Avec toi je ne joue pas de rôle, je ne porte aucun masque.
A tes côtés, les choses me semblent si simples; le naturel chasse l'artificiel, la simplicité remplace l'ambiguité.

Que n'ai-je souvent rêvé d'avoir le don d'ubicuité pour assister aux parades tel un pantin un instant,et galoper dans les campagnes l'instant suivant avec toi.

Mon rang, mon titre, ma fonction, mon secret, tant de choses pourtant
auraient dû nous tenir à l'écart l'un de l'autre, mais une seule a tout balayé: la pureté de nos sentiments.
Ce qui paraissait insurmontable voire impensable pour tout un chacun, n'a jamais représenté un obstacle pour nous.

Un tel amour ne tolère aucune demi-mesure et ne souffre aucune limite.
Pas de langue de bois, ni de mots superflus; les coeurs battent,les yeux parlent, les corps se cherchent aimantés par la même chimie, la même magie.

Comment résumer un tel amour?
Une tendre amitié, une oreille attentive, une présence discrète et fidèle, une épaule bienveillante et robuste, un rempart solide,une totale abnégation, une passion de tous les instants.

Cher André,

Je ne sais si un jour tu liras ces lignes, fruits d'une torture troublante de mon esprit.
C'est la cohue, la débandade totale de mes certitudes; mon coeur est en émoi. J'ai l'imression que rien ne pourra venir apaiser cette tempête qui gronde en moi.

La fenêtre est entr'ouverte, il fait lourd, une brise légère caresse le rideau qui ondule; et pourtant je ne dors pas.
Je suis agitée, la chaleur sans doute. je m'installe mieux dans mon lit, me débarasse du drap, mais rien n'y fait; c'est inutile d'insister, je n'arriverai pas à dormir.

mon esprit foisonne d'images et mon coeur s'emballe à ces pensées.
Quand cela va-t-il cesser ?

Oh André, André; je me recroqueville contre mon coussin et le serre fort contre moi. c'est ainsi à chaque fois que tu dors au château; ta proximité dans ce contexte intimiste me trouble au delà de toute mesure.

J'aimerais tant être libre dans ma tête, te rejoindre et t'offrir ce même amour indéfectible que tu me témoignes depuis toujours.

Je sens que le sommeil me gagne, je vais donc refermer ce journal pour cette nuit, gardien muet de ce secret si cher à mon coeur.

O rage illusoire d’un temps désormais révolu ;
d’images brumeuses et furtives, de sensations anciennes qu’on croyait agréables,
l’utopie d’un pan de sa vie que nos souvenirs faussés embellissaient par la seule nostalgie d’un passé que la
mélancolie du présent, nous pousse à sublimer à tout prix. L’innocence de notre
enfance nous masquait sournoisement la réalité d’un temps béni , qui n’existait pas vraiment.

Nous voilà bien désarmés devant cette violente constation dont la naïveté coupable de notre
enfance, nous avait si longtemps préservés. A tort ou à raison, je ne
sais vraiment. Tout ce que je sais, c’est que le réveil est brutal. L’âge adulte nous
place cruellement devant une réalité qu’il nous est impossible d’ignorer, et
cette force candide d’autrefois ne nous est d’aucun secours aujourd’hui.
Accepter et combattre jour après jour ou refuser et sombrer dans la peur d’un avenir
qu’on redoute. Le choix semble pourtant si évident, me direz-vous ; sans
doute. Toujours être à la hauteur de ce que l’on attend de vous, c’est une bénédiction autant qu’une
malédiction.

Je n’aspire qu’à la quiétude de mon âme, qu’à la chaleur bienveillante d’une vie simple
et sans contrepartie.
Trouver ma place dans ce monde qui se joue si souvent de moi mais que j’aime
pourtant si fort.