Lorsqu’il l’aperçu , elle était assise sur les marches de la chapelle où celui qu’elle aimait avait été transporté .Cette femme colonel que la vie avait déjà bien éprouvé malgré son jeune age venait de perdre son seul soutien depuis toutes ces années .Il l’observa , hésitant à aller la rejoindre ; mais que lui aurait il dit ? Que dit on à une amie quand tout s’effondre autour d’elle ? Que pourrait il lui dire alors que son cœur à lui saignait aussi ? Certes , celle qu’il aimait était toujours en vie , bien protégée par les grilles de son immense demeure , mais pour combien de temps ?Depuis quelques jours les rues de la capitale drainaient des rivières de sang . La population hurlait sa colère et sa violence détruisait tout sur son passage .Et il était assez intelligent pour savoir que cela ne s’arrêterait pas de sitôt .
Il se souvenait de leur première rencontre ,ils avaient failli en venir aux mains ;à cette époque il ignorait encore qu’Oscar François de Jarjayes était un membre de ce qu’il appelait encore le sexe faible .Elle n’avait certes pas le même sexe que lui mais elle n’était pas faible pour autant ; bien au contraire ,elle était plus forte que certains hommes qu’il avait croisé dans sa vie , Oscar était peut être même plus forte que lui . En tant qu’officier elle représentait le modèle à suivre : droite , ne cherchant pas les honneurs mais accomplissant son devoir sans faiblir et ne se laissant acheter par personne . Il l’admirait .
En tant qu’amie elle donnait sans rien demander en échange et même si elle faisait quelques fois preuve de caractère ,on ne pouvait nier qu’elle avait un cœur en or ;et cela en dérangeait certains .Dans son ensemble , Oscar était une femme exceptionnelle à tout point de vue : belle mais sans artifice , dure mais juste , intelligente mais modeste , exigeante mais pas méchante ,avec un fort caractère et une obstination à toute épreuve .
Il se souvenait du jour où il avait appris que ce colonel qui était prêt à donner sa vie pour son valet , qui était aussi son ami d’enfance ,était une femme ;il en avait était surpris . Il avait ,par la suite ,cherché à en savoir plus sur elle et ce qu’il avait découvert l’avait conforté dans son envie de s’en faire une amie .
Aujourd’hui , il se trouvait là , dans cette ruelle sombre ,planqué sous une grande cape noire afin que personne ne le reconnaisse ,la voyant détruite , hésitant entre l’envie d’aller la prendre dans ses bras pour lui montrer qu’elle pouvait compter sur lui et la crainte de ne pas pouvoir trouver les mots qu’il fallait pour la réconforter .Il se sentait impuissant face à la détresse de la jeune femme .Si elle survivait à cette révolution ,aurait elle quelqu' un sur qui s’appuyer ; le général ne voudra certainement plus revoir sa fille après cette trahison et madame et grand-mère n’auront pas d’autre choix que de se plier à sa volonté; il y aura bien Rosalie mais elle avait sa vie . Il commençait à s’inquiéter sur l’avenir de sa jeune amie (la meilleure qu’il ait eu en France ),sans André pourra-t-elle survivre ?
Il allait la rejoindre lorsqu’il vit un soldat des gardes françaises s’approcher d’elle ; il le vit mettre sa cape sur les épaules de son commandant .Axel de Fersen fit demi tour .Il rentra en Suède et il apprit, quelques jours après son retour en Suède , la mort du colonel de Jarjayes lors de la prise de la Bastille . Il la pleura .
FIN