Lady Oscar - André
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 XYZ, dernier espoir (City Hunter)

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macema
Le serviteur de la rose
Le serviteur de la rose
macema

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XYZ, dernier espoir (City Hunter) Empty
MessageSujet: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyDim 9 Jan 2011 - 5:19

Voilà je me décide à mettre cette fic ici aussi ^^ certains ont pu la lire déjà ailleurs. Elle se situe 4 ans après la fin du manga City Hunter, et bien des choses sont arrivées depuis. Je préviens que cette fic peut être dure à lire. J'y aborde un thème difficile... et plutôt violent. Macéma distribue des mouchoirs à l'entrée pour chaque lecteur. J'espère en avoir assez pour tout le monde. Je vous rassure cependant, tous les chapitres ne sont pas dark ^^. Bisous. Bonne lecture ^^

Pour les commentaires c'est ici : ICI !!!!


Chapitre 1 : Au clair de lune



Le clair de lune l’éclairait... Ce rayon argenté qui l’amenait à rêver de nuits calmes et sereines, jouait sur ses pieds pour ensuite s’évanouir de temps à autre au rythme des nuages qui passaient devant l’astre. Elle aimait cette lumière douce et reposante, ce silence, cet instant qui semblait infini dans la pièce, son seul moment de douceur.... Elle jouait de ses pieds pour faire apparaître les vagues blanchâtres de cette lumière juste à la limite de ses orteils, s’amusant à compter les fois où l’astre réussissait à la surprendre.

- Trois à Huit, ma blanche Séléné... Tu gagnes pour le moment ! Souffla-t-elle...

Sa voix était si faible, un murmure si on pouvait l'appeler comme cela. Un soupir aurait été encore plus exact. Elle ne voulait pas risquer de briser cet instant... Elle voulait préserver ce moment de plénitude pour reprendre quelques forces sous le clair de lune... Un moment de repos... Elle en avait si peu ces derniers temps...

- Il faudra que tu m’aides cette nuit Séléné ! J’aurais besoin de toi...

Elle frissonna, et se colla un peu plus contre le mur qui lui servait d’appui. La pièce était petite, mais nullement chauffée, et souvent, quand arrivait la nuit, elle se sentait glacée sous l’air frais qui passait par le conduit d’aération. Quelle idée aussi !!! Il avait fallu qu’elle choisisse cette pièce comme seul refuge... Le balatum était froid et le sol inconfortable... Mais c’était le seul endroit où elle pouvait apercevoir la lune, le seul endroit où il la laissait un tant soit peu tranquille du moment qu’il ne la voyait ou ne l’entendait pas...

La jeune femme était assise en position fœtale, ses bras recroquevillés sur ses chevilles. Le corps calfeutré entre le meuble de la salle de bain et la machine à laver. Ainsi, il avait beau passer devant la porte ouverte, il ne faisait pas attention à elle... Du moins, pas tant qu’elle ne se faisait pas remarquer... Alors c’était devenu son antre... Cet endroit précis où seuls dépassaient ses pieds. C’était d’ailleurs le seul mouvement qu’elle s’autorisait, jouer de ses orteils avec le rayon de lune.

Dès qu’elle devait se faire discrète, elle se calait là, attendant que la nuit tombe, ne bougeant plus un membre. Elle s‘endormait de temps en temps, la tête contre le mur, se réveillant à cause de la douleur que lui procuraient son cou endolori ou ses muscles raidis par l‘immobilité. Jusqu’à ce que vienne la nuit... Jusqu’à ce qu’il ...

Depuis combien de temps était-elle là ? Elle avait retrouvé ce refuge salvateur avant qu’il ne se lève, se faisant aussi discrète qu’une souris. Elle lui faisait remarquer sa présence en ces lieux le moins possible : n'entrait que très rarement dans les pièces où il se trouvait, l'évitait dès qu'elle le pouvait, ne jamais faire de bruit, ne pas pleurer... C’était devenu ses règles de vie, ou plutôt de survie... Oui, elle resta longtemps dans son refuge, suffisamment longtemps pour que l’obscurité de la nuit gagne la pièce et que Séléné vienne y poser de temps en temps un timide rayon de lune, caressant parfois ses orteils. Elle était la seule amie qu’il lui restait à présent.

Elle osa tendre un bras vers cette lumière, jouant de ses doigts, regardant les ombres créées, l’éclat de cette blanche luminescence sur ses phalanges. Elle fit glisser un à un ses doigts dans la clarté. Et osa un gloussement de joie. Ce bruit brisant le silence de la pièce lui fit peur.. Elle replia immédiatement son bras contre son corps. Et s’il l’avait entendue ? Mon dieu, elle en était réduite à avoir peur de ses propres mouvements, des petites expressions de joie qu’elle osait avoir...

C’est alors qu’elle l’entendit. Il venait de poser un pied à terre. Elle reconnaissait désormais le moindre de ses mouvements aux sons qui en provenaient. Se pourrait-il qu’il l’ait entendue ? Elle se prostra un peu plus et tenta de reculer encore son corps au plus près du mur, si seulement cela était encore possible. Elle réussit à recroqueviller ses pieds loin de la seule lumière qui entrait dans la salle de bain, se cachant derrière le meuble au maximum, ralentissant sa respiration, alors même que son cœur accélérait. Elle l’entendait cogner si fort dans sa poitrine, qu’elle était effrayée qu’il puisse seulement en entendre un battement.

Il posa la seconde jambe sur le parquet du salon. Il se levait... Il allait sûrement se rendre aux toilettes et devrait passer devant la porte de la salle de bain restée ouverte. Elle n’avait pas le droit de fermer la pièce où elle se trouvait. Elle avait bien essayé une fois de fermer la porte, mais elle n’était plus prête maintenant à réitérer cette expérience. Pas après la douleur qu’elle avait ressentie dans le poignet pendant plusieurs semaines... Son poignet... Heureusement que la salle de bain possédait de quoi faire des bandages bien serrés.. Elle était pratiquement certaine qu‘il lui avait cassé quelque chose ce jour là. Au début, elle n‘avait pas ressenti de douleur, d’ailleurs elle n’avait plus rien ressenti du tout de l’extrémité de ses doigts à la moitié de son avant-bras. Mais quelques heures après, son poignet et sa main avaient enflé, et elle avait passé plusieurs jours dans la souffrance, sans pouvoir même gémir alors qu’elle effectuait les tâches ménagères. Tordre la serpillère avait été la pire des choses dans son état. Heureusement pour elle, c’était sûrement une fêlure, ou alors une fracture franche, car son bras n‘avait pas eu d’angle bizarre et désormais, elle n’en avait plus la trace si ce n‘était une marque encore verte-jaunâtre qui courrait le long de sa main.

Il se leva. Elle entendit ses pas se rapprocher de son antre, et plaqua tout son corps au maximum pour que rien ne soit visible à ses yeux. Il savait pertinemment qu’elle se trouvait là de toute façon. Comment aurait-elle pu s’échapper ? Elle l’entendit rire en passant devant la salle de bain, et tout en ouvrant la porte des toilettes, elle l’entendit lui demander :

- Alors bien dormi aujourd’hui ?

Dieu qu’elle pouvait détester cette voix. Cette voix qui faisait qu’elle obéissait désormais directement à ses ordres. Elle avait cessé de se battre depuis longtemps. Elle connaissait maintenant les conséquences si elle n’obéissait pas de suite. Et elle savait pertinemment que si elle avait eu le malheur de dormir à ce moment là, ou qu’elle ne répondait pas immédiatement à sa question, il serait entré dans son refuge pour l’y arracher de force. Elle s’entendit alors balbutier un léger oui.

Mais pourquoi ne fermait-il jamais la porte des toilettes ? Elle pouvait entendre le bruit de son urine qui aspergeait la cuvette des toilettes, l’odeur qui s’introduisait dans sa pièce par les bouches d’aération reliées entre elles et les portes ouvertes. Elle ressentit comme à l’accoutumée cette envie de rendre ses tripes, mais retint cette sensation de dégoût. Il ne fallait pas qu’il le sache. Surtout pas. Qu’il ne vienne pas la chercher pour avoir entendu autre chose que ce qu’il voulait entendre. Le moindre bruit en dehors de ses règles et ses demandes à lui était un son agressif, un signe qu’elle n’était toujours pas soumise, un signe de révolte... Elle posa sa main devant son nez et sa bouche pour tenter de calmer la gêne qui montait en elle.

Il repartit en remontant sa braguette, sans même tirer la chasse d’eau ou fermer la porte des toilettes. Elle l’entendit alors retourner vers le salon. Il se préparait, il allait enfin sortir. C’était le moment qu’elle attendait depuis le début de cette soirée. Et elle tenta un bref, coup d'œil vers la porte du salon. Elle ne pouvait pourtant pas l’apercevoir, les pièces étant séparées par un couloir et le salon se trouvant dans le sens opposé à la salle de bain. Mais c’était plus fort qu’elle. Elle avait l’impression de mieux tendre l’oreille en jetant un coup d'œil vers la lumière qui émanait du salon et se répercutait dans le couloir...

Et là, elle reconnut le son si caractéristique de ses bottes qu’il enfilait l’une après l’autre, le cuir qui frottait contre les pieds nus de cet homme pour remonter à mi-mollet où chacune d’entre elles rencontrait le tissu du jean. Le glissement de son blouson contre son t-shirt, le zip reconnaissable entre tous de la fermeture éclair qui indiquait enfin que son départ était imminent, le bruissement de la capuche de ce même manteau relevée pour aller à la rencontre des cheveux gras et sales de cet homme. Oui, tous ces sons qui faisaient que le moment qu’elle attendait arrivait enfin.

Elle remarqua alors que le bruits des talons raclant le parquet se rapprochaient pour se poser ensuite sur le balatum, et elle recula la tête au moment où elle vit passer le bout d’une des bottes. Il sembla hésiter devant l’entrée de la salle de bain, mais finalement il ne prononça pas un mot et se dirigea vers la sortie de l‘appartement tout en sortant les clefs de sa poche pour ouvrir la porte d‘entrée fermée à clef. Les sens toujours en alerte, elle entendit enfin ses pas qui quittaient l’appartement, le son de la porte d’entrée qui se refermait derrière lui et enfin, le bruit de la serrure qui indiquait qu’il la re-verrouillait à double-tour.

C’est à ce moment là, et seulement à ce moment là qu’elle se mit à se mouvoir. Elle déplia d’abord ses longues jambes durcies et ankylosées par son immobilité, doucement, l’une après l’autre. Elle eut l’impression d’avoir des tiges en fer à la place de ses cuisses, puis de ses mollets. L’engourdissement créa immédiatement un effet “fourmi” et elle eut l’impression que jamais ses membres inférieures n’allaient la porter jusqu’à son but si cela continuait. Elle n’arrivait déjà pas à se relever. Elle s’appuya alors avec ses bras sur la machine à laver, tentant ainsi un mouvement de traction, pour s’apercevoir que si elle n’était pas endormie, ses bras l’étaient eux autant que ses jambes à force de se tenir ainsi dans son refuge. Elle déglutit et se releva péniblement. Il fallait qu’elle se mette en route maintenant. Elle avança difficilement un pied, puis le second. Son corps lui faisait mal au moindre mouvement. Mais finalement, qu’était-ce que cette douleur comparée à celles qu’elle avait déjà subies de la part de son geôlier ? Elle prit son courage à deux mains et avança.

Son regard s’attarda pourtant en passant devant le miroir de la salle de bain. Elle se mit à regarder l’image qu’il lui renvoyait, le visage de cette autre femme qu’elle ne reconnaissait pas. Il était difficile de déterminer où commençait son visage et finissait sa chevelure, ses longs cheveux qui lui faisaient comme un rempart. Ils étaient tellement enchevêtrés. On aurait dit une tignasse de sorcière. Où étaient ses boucles gracieuses ? Elle grimaça et attrapa une brosse. Ramenant sa chevelure en arrière, elle la brossa rapidement. Elle prit un chouchou sur une des étagères du meuble, et attacha ses cheveux en une queue basse. Au moins elle pouvait désormais voir ce qu’elle avait prévu de faire plus facilement. Et puis, c’était un risque en moins. Si un seul cheveux venait à tomber et qu’il le remarquait, s’il apprenait qu’elle était passée dans cette pièce... Non, il ne fallait pas y penser... Ce n'était pas le moment de se ressasser les risques qu'elle encourait. Si elle y pensait maintenant, elle abandonnerait. Elle savait parfaitement ce qu‘elle risquait. Et elle savait aussi, que cette nuit était une de ses dernières chances...

Elle refixa son regard sur le miroir pour observer son visage. Des sillons s’étaient creusés sur ses joues à force de pleurer silencieusement. Ils partaient de ses yeux noisettes complètement cernés pour descendre de chaque côtés de son menton. Son regard lui fit peur, il semblait si vide, si terne... Il n’y existait plus aucune étincelle de joie. Son bourreau les avait une à une éteintes. Ses yeux se posèrent sur ses épaules meurtries. On pouvait voir ici et là, dépasser de ses vêtements, les meurtrissures des coups qu’elle avait reçus. Certaines marques étaient encore violacées, d’autres avaient déjà disparues... Bizarrement, jamais il ne la frappait au visage ! C’était bien la seule partie de son corps qui ne connaissait pas la violence de ses coups. Sous l’éclat de la lune, sa peau semblait si blanche, presque transparente. Elle ressemblait à un spectre, et, à bien y penser, c’était à peu près à cela que ressemblait sa vie maintenant.

Quel jour pouvions-nous être aujourd’hui ? Depuis combien de temps maintenant était-elle arrivée ici ?

Délaissant, le miroir, elle reprit sa marche. Sous l’effet de l’action, ses membres se détendirent et la douleur se fit moins forte, presque acceptable. Ses jambes continuaient à trembler, mais avaient enfin moins de difficulté à la porter. Elle força sa marche, tentant de se concentrer sur son but. Elle devait essayer de faire vite maintenant. Il ne lui restait pas beaucoup de temps. Lorsqu’il sortait en la laissant seule, c’était pour s’acheter des cigarettes, de l’alcool ou que leurs provisions étaient vraiment à sec, comme aujourd‘hui. Dans tous les cas, c’était rare et surtout, c’est qu’il n’en avait pas pour très longtemps. Sinon, il la laissait toujours à la garde d’un de ses amis... Voir de ses amis tout court, lorsqu’il organisait ses soirées poker ou sportives devant la télé. Comment pouvait-on appeler cela soirée sportive d’ailleurs, quand on la passait avachi dans un canapé, des bières à portée de main, à rire bruyamment et à se gaver de cochonneries ?...

Mais cette fois, elle était seule. Elle avait su quelques jours avant cela, qu’il serait obligé de la laisser ainsi dans l’appartement lorsqu'elle avait constaté que leurs ressources venaient à s‘amoindrir et que personne ne venait cette fois les ravitailler... Oui, elle avait su qu‘il serait obligé de sortir, et avait prié pour que ce souhait se réalise, que personne ne vienne. Et deux jours auparavant, elle l’avait surpris en pleine conversation téléphonique sur la livraison de leur denrées alimentaires et avait compris que ce ne serait pas le cas avant au moins la semaine suivante, ce qui voulait dire qu’il serait obligé de sortir. Elle avait payé chère cette information et son corps se souvenait encore des coups subis. Sa peau sensible tremblait encore au simple frôlement du vêtement qu’elle portait contre la marque violacée qui parcourait l’arrière de son dos. Mais elle avait su qu’elle pourrait bientôt agir, et rien que de savoir cela, elle savait qu’elle n’avait pas à regretter la meurtrissure de son corps. Elle était enfin seule.

C’était un des rares moments où elle pouvait tenter de crier au-secours. Elle avait d’ailleurs bien tenté les premiers jours de le faire de vive voix, mais n’avait eu pour réponse que l’écho de sa voix et le silence pesant de cet appartement. Elle avait vite compris qu’à part eux, il n’y avait aucun autre locataire... Juste un immeuble vide et eux au dernier étage. Elle s’était époumonée jusqu’à n’avoir plus de voix, jusqu’à ce que celle-ci se brise, la laissant aphone et la gorge enflée et douloureuse pendant quatre jours... Et il en avait ri... La forçant à parler... Ses cordes vocales la brûlant alors qu’il lui disait de parler plus fort encore et encore. Il avait ri, et quand elle n’avait plus réussi à sortir le moindre son, il avait encore augmenté son hilarité en détachant son ceinturon...

Elle secoua la tête.... Ce n’était pas le moment d’y penser, elle n‘en avait pas le temps. Elle se re-concentra, ramenant son esprit vers son but. Sans allumer aucune lumière, elle se dirigea au fond d’un grand couloir, là où, elle le savait, se trouvaient les objets qui lui seraient indispensables pour lancer son S.O.S.

Arrivée devant la pièce, elle prit peur. La porte était close devant elle. L’avait-il verrouillée comme la dernière fois ? Elle lâcha un gémissement de crainte, ses yeux s’embuant à l’idée d’échouer une nouvelle fois si près du but. Deux mois auparavant, elle avait déjà réussi à venir jusque là... Mais avait trouvé cette maudite porte fermée à clef. Le désespoir qui l’avait envahie ce jour là avait été si puissant... Elle avait été si mal. Ce désespoir qui l’avait presque poussée à commettre l’irréparable... Et en ce moment, avant même qu’elle sache si ses craintes vis-à-vis de cette porte étaient fondées, ce désespoir envahissait encore plus fort son cœur...

En tremblant, elle posa sa main sur la poignée, et fermant les yeux, elle la tourna... Son cœur s’arrêta de battre, attendant le verdict de cet acte. Puis elle poussa légèrement sur le panneau de bois. La porte s’ouvrit lentement en grinçant. Elle était ouverte. Une sensation de joie s’inséra enfin en elle et son cœur se mit à battre à tout rompre. Elle s’introduisit rapidement dans la pièce. Elle se sentit soudainement légère, l’espoir renaissant enfin en elle, à l’idée enfin possible qu‘elle pourrait un jour sortir de cet enfer.

Scrutant la pièce plongée dans le noir, elle plissa les yeux, tentant de voir où se trouvait ce qu‘elle cherchait. C’était la seule pièce qui lui était interdite. Elle n’y avait jamais mis les pieds depuis qu’elle était arrivée dans cet appartement. Mais elle savait que c’était là que reposait ce dont elle avait besoin. Un rayon de lune vint se poser dans la pièce, traversant la fenêtre. Son cœur s’envola quand elle pu enfin apercevoir ce qu’elle désirait tant. Elle sourit. Sa chère amie ne l’avait pas oubliée. Elle venait l’aider...

- Oh merci, merci Séléné...!

Vivement, elle se dirigea vers le bureau qui trônait dans ce lieu. Elle repéra rapidement l’imprimante où débordait un paquet de feuilles blanches, puis sur un socle, chercha un stylo. Le repérant enfin, elle se saisit d’une des longues feuilles et écrivit rapidement les mots qui la feraient sortir de ce cauchemar. Il lui fallait maintenant trouver où cacher sa missive. Reposant le stylo à l’endroit même où il se tenait précédemment, elle se mit à réfléchir. Dans une de ses poches, elle courrait le risque que la feuille dépasse et qu’il l’aperçoive. Elle ne pouvait pas plus la cacher dans une pièce et prendre le risque de faire un bruit où d’avoir une attitude suspecte à ses yeux. Sa tête commençait à tourner, la solution ne venait pas... Et la peur reprit lentement prise sur elle... Il fallait qu’elle se dépêche de trouver quelque chose... De ses yeux, des larmes commencèrent à perler, se transformant sous leur nombre en un léger ruisseau. Lorsqu’une d’elle s’écrasa sur son chemisier, elle regarda fixement la tâche qu’elle avait formée au niveau de sa poitrine. Et eu le déclic...

Elle essuya ses larmes de sa manche et défit les deux premiers boutons de son chemisier... Puis pliant la feuille en quatre, elle l’inséra dans le bonnet de son soutien-gorge, appliquant contre son cœur son ultime salut.

Aussi rapidement qu’elle était entrée dans la pièce, elle en sortit, prenant bien soin que tout semble être resté en place. Puis retraversant le couloir en sens inverse, elle se dirigea alors vers la cuisine, et alluma enfin une lampe.

*** Lady Oscar Lady Oscar ***

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macema
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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyLun 10 Jan 2011 - 19:24

Chapitre 2 : En pleine lumière


Elle resta interdite sur le seuil de cette pièce, le doigt encore posé sur l’interrupteur de la lampe. Cette lumière vive et jaunâtre agressait ses yeux restés trop longtemps dans l'obscurité... Elle porta son bras devant son visage, laissant son regard s’habituer doucement à l’éclat de l’ampoule qui pendait du plafond. La cuisine était petite, mais bien meublée.. Les murs étaient simplement peints en jaune. Dans un coin un buffet blanc prenait la moitié d‘un mur, tandis qu‘en face, le plan de travail surplombait un espace où étaient rangés les cuit-tout et autres récipients. A son coté, se trouvait un évier encore rempli de la vaisselle sale de la veille. On y trouvait un bon nombres de verres, de couverts, d’assiettes et autres gamelles empilés les uns sur les autres...

S’habituant peu à peu à la lumière, elle alluma le chauffe-eau placé à l’entrée de la cuisine, et se dirigea vers l’évier. Mécaniquement, elle attrapa l’éponge qui traînait sur l’évier et se mit à faire la vaisselle. Ces gestes étaient méthodiques, réguliers et efficaces. D’abord les assiettes, les couverts, puis les verres et les tasses.... Elle avait tellement pris l’habitude de respecter ses ordres, qu’elle ne réfléchissait plus à ces gestes quotidiens... Quelle pouvait être sa façon de faire la vaisselle avant lui ? Comment s’y prenait-elle avant qu’il ne lui dise ? Savait-elle même simplement laver une assiette avant qu’il ne lui dise comment le faire ?

L’eau était bouillante sur ses mains mais elle n’en avait cure. Ses pensées divaguaient sur le morceau de papier plaqué contre son sein. Elle se retenait de lancer tout de suite sa missive par la fenêtre. Elle savait qu’ainsi elle aurait eu moins de risque de se faire surprendre... Mais si c’était lui qui la trouvait... Elle frémit rien qu’en y pensant. Elle ne devait pas y penser... Pas encore, pas maintenant... La tension monta en elle d‘un cran. La fin de son plan serait la plus périlleuse. Il fallait qu’elle attende qu’il rentre. Elle préférait gagner cette chance de plus. Elle eu soudain la sensation que le papier lui brûlait la peau. S’il venait à la surprendre, non seulement, elle aurait risqué tout ça pour rien, mais surtout les coups pleuvraient, et elle n’était pas certaine d’y survivre cette fois. Mais elle ne pouvait le faire qu’en étant sûre que ce ne serait pas lui qui trouverait cette lettre. Il y avait finalement moins de risque à le tenter quand il serait dans l’appartement, que de jeter le papier maintenant et qu’il le découvre en revenant.

Il fallait qu’elle trouve un moyen... Elle jeta un œil vers la fenêtre oscillo-battante sur le mur du fond, vers cette sortie salvatrice... Que pourrait-elle bien prétexter pour qu‘il lui laisse l‘ouvrir ?... Depuis deux mois, il avait bloqué tous les systèmes pour ouvrir les fenêtres en grand, ne laissant que la possibilité de les basculer par le haut pour aérer un peu l’appartement sous l’atmosphère de l’été. Depuis deux mois, elle n’avait plus le droit d’en ouvrir une sans son consentement... Rien que de repenser à ce qui avait été à l’origine de cette consigne, elle se mit à trembler. Cette nuit, par cette même fenêtre... Ce soir là, il l’avait rattrapée de justesse, lui disant que c’était lui aussi qui en déciderait. Il l’avait sauvée avant de la laisser inconsciente sous ses coups à même le carrelage de la cuisine...

La brûlure de ses mains la ramena à la réalité. Elle coupa immédiatement l’eau chaude et tourna le robinet d’eau froide à fond pour calmer ses mains rougies sous le jet. Voilà qu’elle se blessait elle-même maintenant... Finalement, il avait peut-être raison de la traiter d’idiote à longueur de temps. Il n’avait même plus à être là pour qu’elle ait mal. Elle retira ses mains de dessous le robinet. Les essuyant avec un torchon, elle fixa son chemisier et revérifia pour la énième fois si son S.O.S. était bien invisible. Elle avait plus que hâte de pouvoir enfin se séparer de ce bout de papier, s‘en débarrasser, faire disparaître le stress qu’il créait en elle rien que par sa présence. Pour la première fois, elle attendait le retour de son geôlier avec impatience. Mais que pouvait-il faire ? Il en mettait un temps pour revenir.

Elle se tourna une nouvelle fois vers la fenêtre, scrutant le ciel, cherchant son amie dans les nuages. Mais apparemment, même Séléné avait peur de ce qu’il pouvait arriver à présent. Elle soupira et reprit alors son ouvrage, réactivant les robinets, tout en prenant soin cette fois de les mettre à la bonne température. Et eut un rire hystérique en repensant à sa maladresse, mais se reprit rapidement en entendant la répercussion de ce son dans l‘appartement. Elle ré-attrapa l’éponge et commença à s'occuper des plats. C’est à ce moment qu’elle entendit le grincement caractéristique de ses bottes qui remontaient les escaliers.

Elle défit alors le chouchou, le glissant prestement dans la poche de son jean. Il n’aimait pas la voir avec les cheveux attachés et lui avait démontré ce point de vue à plusieurs occasions. D’abord les premières fois où elle avait tenté de se couper les cheveux après qu’ils soient devenus trop longs à son goût. Puis lorsqu’elle avait commencé à les attacher. Elle regrettait amèrement sa coupe courte où ses boucles couleur acajou descendaient à peine contre sa nuque. La sensation de cette masse sur sa tête et ses épaules était parfois suffocante à porter, surtout sous la chaleur et les journées d’été. Mais il les aimait comme ça, longs et emmêlés. Ce qu’elle redoutait plus que tout c’était la façon qu’il avait de lui retirer l’élastique qui entravait ses cheveux, arrachant ces derniers au passage. La douleur qu’elle ressentait alors lui laissait le cuir chevelu brûlant pendant plusieurs heures.

Le bruit de ses pas s’arrêta bientôt devant la porte. Elle entendit le trousseau de clefs qu’il sortait de la poche de son blouson, et enfin l’une d’elles se glissant dans la serrure pour la déverrouiller. Elle ressentit un frisson d’effroi la traverser quand la porte s‘ouvrit, et tenta d’apercevoir une dernière fois Séléné... Mais rien, son amie n‘était pas là. A croire que la lueur de la lampe qui éclipsait ses rayons blancs l’avait faite fuir.

La porte d’entrée se referma, et de nouveau elle entendit le bruit des clefs qui tournaient dans la serrure. Elle sentit le regard de son geôlier dans son dos, puis entendit son rire qui éclata dans le silence de l‘appartement.

- Enfin, tu t’es décidée à t’activer ! Il était temps !

Elle sursauta au son de sa voix, une voix grave, déroutante... Cette voix qui l’avait charmée auparavant... Cette voix qui lui faisait si peur à présent. Elle se retourna et osa le regarder une demi-seconde avant de baisser instinctivement les yeux au sol. Il n’avait pas changé depuis tout ce temps où elle était avec lui. Ses cheveux noirs aux mèches rebelles qui se fixaient autour de son visage... Des yeux noirs auparavant rieurs mais qui la regardaient maintenant avec une lueur sadique... Son rire autrefois clair... Sa voix qui naguère s’était faite si douce pour la séduire... Sa grandeur qui si au début, lui avait fait croire qu’il allait la protéger mieux qu’elle-même ne savait le faire, ne servait aujourd’hui qu'à la jauger... Il était toujours aussi musclé malgré les bières qu’il pouvait s’enfiler. Sa force, elle pouvait à présent la sentir à chaque fois qu’il la touchait...

Il franchit le seuil de la cuisine, un rictus sur le visage. Il tenait dans sa main deux sacs plastiques de couleur orange. Vu la façon dont les frêles poignées s’étiraient presque au point de céder, elle sut qu’ils étaient pleins à craquer. C’était donc pour cela qu’il avait mis tant de temps. Il avait refait le plein de leurs provisions en une fois, le temps qu’arrive la prochaine livraison. Elle osa tenter une nouvelle fois de le regarder et surprit les prunelles sombres qui la regardaient avec une lueur moqueuse.

- Quand tu auras fini de jouer les feignasses, fais nous mijoter quelque chose !!! Et de potable pour une fois !!!

Et sans autre forme de procès, il lui envoya l’un après l’autre les deux sachets en pleine poitrine et se remit à rire avant de se diriger vers le salon. Elle eut le souffle coupé sous les impacts et la lourdeur des sacs remplis de provisions, sentant par la même une des boites de conserve qu’il venait d’acheter s‘incruster dans son sternum. La douleur était forte, mais il ne sortit de sa bouche qu’un simple gémissement. Elle retint les larmes qui commençaient à perler, les effaçant d’un revers de la main. Demain, elle le savait, elle aurait encore une nouvelle marque sur le corps. Mais une de plus ou de moins maintenant, où pouvait être la différence ? Et si elle avait eu la moindre réaction de souffrance vis à vis de ce geste et qu’il l’avait entendu, cela n’aurait fait qu’attiser sa soif de violence envers elle. Mieux valait encore serrer les dents et ne rien laisser paraître.

Respirant un grand coup, elle reprit enfin son souffle, et s’agenouilla pour récupérer la nourriture qui s’était répandue sur le carrelage. Elle posa pêle-mêle, les conserves, les sachets de riz qui s’étaient évadés de leur étui de carton, les poireaux et autres légumes fragilisés et abimés sous la violence du choc contre elle et le sol... Elle rattrapa avec difficulté une boite de conserve qui ne faisait que rouler sous ses doigts... Pour finir par ramasser, deux sachets de viandes et de poissons frais... Oui, il avait vraiment pensé à tout pour ne pas avoir à ressortir de leur immeuble. Elle s’empressa d’ouvrir le sachet de café et mit un nouveau filtre dans la cafetière avant d’y verser sept cuillères rases de cette poudre noire. Remplissant enfin le récipient d’eau, elle le versa dans la cuve prévue à cet effet, et enclencha le bouton d’allumage. Toujours et encore, elle venait de refaire ces gestes sans y penser...

Elle reprit alors sa vaisselle le temps que le breuvage se termine... Ses pensées couraient encore et toujours vers son unique salut , vers ce morceau de papier caché dans son soutien-gorge. Il ne l’avait pas remarqué. Elle savourait enfin une victoire sur lui. Mais, il lui fallait désormais trouver un prétexte pour pouvoir ouvrir cette fichue fenêtre. Elle n’avait plus qu’à trouver la fin de son plan pour réussir à lancer son message et ensuite prier pour que quelqu’un le trouve.

Elle sursauta soudain quand elle entendit un bruit venir du salon. Malgré la télé hurlant dans l'espace de cet appartement, elle l’avait entendu. Il venait d’ouvrir une canette de bière. Cela voulait dire qu’il venait de s’acheter un pack, voire deux de bière, et sûrement aussi une ou deux bouteilles d’alcool ambré. Il avait certainement un troisième sachet lorsqu’il était entré, et l’avait posé dans le couloir avant de la rejoindre dans la cuisine. Ce pschitt si reconnaissable entre tous les bruits, oui elle l’avait remarqué. Et qui disait qu’il buvait, disait aussi que sa soirée n’allait pas être de tout repos. Elle devait maintenant se presser avant même qu’il ne soit que légèrement grisé sous l’effet de l’alcool. Sinon, elle ne pourrait jamais obtenir son consentement.

Sa vaisselle finie, elle se pressa alors pour ranger leurs provisions, ouvrant les portes du placard pour y entasser les conserves en bas, le riz en haut à gauche, les pates à droite... La brique de lait s'était percée et s’écoulait à présent sur la table de la cuisine. Elle sortit du buffet une carafe pour y mettre ce qu’il restait du liquide blanc et nettoya celui répandu sur le bois de la table. Elle s’attaqua ensuite au sachet de viandes fraîches. Prenant un couteau, elle défit habilement l’attache et alla chercher des sacs de congélation. Elle tria la viande, et aspirant au maximum l’air qu’il y avait dedans, ferma chaque sachet avant de les mettre au congélateur. Elle avait pris si vite l’habitude de ces gestes... Jamais elle n’aurait su comment il fallait faire s’il ne lui avait pas appris... Non, elle secoua la tête... Ce n’était pas lui qui lui avait appris cela.. Il ne fallait pas qu’elle rentre dans ce cercle vicieux, dans cette pensée qu'elle n'était rien avant lui. Elle savait le faire bien avant d’être avec lui... Du moins, le croyait-elle ! Elle en était si peu sûre, mais pourtant elle était bien là cette petite voix à laquelle elle se raccrochait. Celle qui lui disait qu’elle avait été quelqu’un avant lui... et qu’elle le serait toujours après lui.

Oui il fallait qu’elle écoute cette petite voix qui lui disait qu’elle était encore une personne, même si elle avait peur d’être enfin sauvée. Les questions se bousculaient dans sa tête et elle ne bougea plus un membre. Pourrait-elle vraiment vivre sans lui ? Elle avait du mal même à penser à une journée sans sa présence, s’inquiétant de son état malgré les blessures et les humiliations qu’il lui faisait subir. L’extérieur lui faisait peur ! Combien de fois lui avait-il dit que si elle passait le seuil de cet immeuble, elle ne tarderait pas à être tuée par le premier voyou qui passait par là ? Que trouverait-elle derrière cette porte ? Peut-être pire encore. Elle l’ignorait, et le fait de savoir qu’elle n’avait d’autre refuge que le mur de la salle de bain, la faisait frissonner. Où irait-elle seulement ? Vers qui se tournait ? Toutes ces questions qui la faisaient encore hésiter... Mais la petite voix et Séléné étaient là pour lui rappeler que si elle ne partait pas, si elle continuait à vivre ainsi, c’était la mort assurée ! Alors qu’à l’extérieur, sa chance était peu être infime, mais elle existait.

Elle ouvrit enfin le sachet contenant le poisson, et s’apprêta à en faire autant qu’avec la viande, lorsque son visage s’éclaira d’un sourire rapide. Elle sortit une assiette et y entreposa deux tranches de saumon, avant d’emballer le reste dans les sacs congélation qui allèrent rejoindre les précédents dans le congélateur. Le plus dur était à venir désormais et elle devait rassembler le maximum de courage qu’il lui restait pour aller le retrouver dans le salon. Elle s’exhorta au calme et arriva un tant soit peu à faire cesser les tremblements qui montaient en elle. Sortant de la cuisine, elle se dirigea d’un pas lent vers son bourreau, mais n‘osa pas en franchir le seuil.

Il était là, à moitié allongé dans le canapé, regardant le téléviseur, la canette de bière à la main. Elle repéra très vite le sac manquant et le pack de bière qui trônaient à ses pieds sur le tapis. Elle avait vu juste... Il avait acheté trois bouteilles de whisky, se qui voulait dire que sa bande de copains n’allait pas tarder à faire leur apparition à leur domicile. Elle prit peur. Allaient-ils venir ce soir ? Et si c’étaient eux qui trouvaient sa missive ?

Sa voix la fit sortir de ses sombres pensées.

- Qu’est-ce que tu veux ? lui demanda-t-il d’un ton sec lorsqu'il s’aperçut de sa présence dans l’entrebâillement de la porte.

- Est-ce que je pourrais ouvrir un peu la fenêtre de la cuisine s’il te plait ?

- Et pourquoi faire ? Si tu as trop chaud devant tes fourneaux, tu n’as qu’à te déshabiller ma belle ! dit-il en la regardant avec envie.

Elle se mit à trembler sous son regard lubrique et prit peur. Tôt ou tard, elle savait qu'il finirait par mettre cette dernière menace à exécution ! Il ne l’avait pas touchée depuis les premiers mois où ils étaient ensemble, les jours où elle était encore heureuse dans ses bras. Depuis, il s’était lassé de son corps, ou plutôt préférait y laisser d’autres marques. Elle n’osait imaginer à présent ce que serait leurs ébats. Elle n’ignorait rien de ses sorties dans les clubs à hôtesses et bénissait ces femmes qui devaient le supporter pendant qu‘un de ses amis la surveillait. Mais cela faisait longtemps qu’il n’était pas sorti pour cela et elle le redoutait. Oui, il était plus que temps qu’elle réussisse son coup, qu’elle réussisse à lancer son S.O.S.

- C’est que..., avança-telle d’une voix timide, nous allons manger du poisson, et l’odeur est particulièrement forte, et comme je sais que tu n’aimes pas sentir cette odeur dans l’appartement. J’ai pensé qu’en ouvrant la fenêtre, cela sentirait moins.

- Ben, pour une fois que tu as une bonne idée !!! Allez, ouvre-la ta foutue fenêtre ! Profites-en pour ranger ça, lui indiqua t-il en lui tendant le dernier sachet. Et dépêche-toi, j’ai la dalle moi.

Il attendit le bras tendu devant lui qu’elle se saisisse du sac pour aussitôt replonger son attention dans le match de foot à la télévision.

Elle se retourna avec une sensation grisante, son cœur battant à tout rompre. Elle y était presque, enfin !!! Arrivée dans la cuisine, elle s’exhorta de nouveau au calme malgré la joie en elle qui grandissait de plus en plus en elle, et rangea prestement les bouteilles dans le placard. S’il lui avait demandé de les ranger, c’est que ses amis ne viendraient pas ce soir. A cette pensée, son cœur se gonfla encore, mais il fallait qu’elle reste impassible, identique à tous les jours. Ne surtout pas lui donner l’occasion de soupçonner quoique ce soit, ne pas lui donner l‘occasion de la rejoindre dans la cuisine. Avec plus de douceur dans ces gestes, elle dressa la table et prépara les ingrédients et les ustensiles dont elle aurait besoin pour le repas. Depuis le temps que Monsieur voulait manger un plat typiquement occidental, elle n’allait pas l’en priver ce soir. Elle allait lui préparer du saumon frit accompagné de riz aromatisé. Elle mit du beurre dans la poêle et alluma le gaz.

Enfin elle ouvrit la fenêtre, la basculant pour l’entrouvrir par le haut. Fébrilement, elle tendit l’oreille pour guetter le moindre de ses mouvements. Mais rien ne vint troubler les cris des supporter qui provenaient de l’écran. Alors elle récupéra son bien dans son chemisier et glissant une main à travers l’ouverture, elle laissa le papier s’envoler avec le vent et le suivit du regard jusqu‘à ce qu‘il disparaisse dans la nuit. Elle trembla, sachant désormais que son avenir se jouait au hasard. C’est alors qu’un rayon de lune refit son apparition sur son visage. Sa douce amie était de retour.

- Veille sur lui , ma Séléné. Toi tu le peux encore...

Laissant son cœur s’envoler avec la brise qui emportait son salut, elle se remit à la préparation de son plat...


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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyMer 12 Jan 2011 - 2:15

La chanson que vous trouverez dans ce chapitre, est là pour ses paroles, mais surtout pour le rythme musical. Il s'agit de Beautiful Days du groupe Venus, tirée de la BO de Immortel ad vitam. Vous pouvez la trouver à cette adresse sur Youtube Voir le clip. Bisous. Bonne lecture ^^


Chapitre 3 : A la croisée des chemins




La douce brise de ce début d’été caressait son visage et le rendait rougi... Il fallait dire que si les journées étaient belles et chaudes, le vent restait encore frais quand arrivait le soir, et elle n’hésitait pas non plus à passer un gilet sur ses épaules lorsque tombait la nuit... Oui, mais là, elle n’avait pas de gilet, elle n’en avait pas prévu... Alors, elle frissonnait parfois sous une petite bourrasque de vent, mais ne s’en inquiétait pas outre mesure... Elle serait bientôt à bon port dans sa cité étudiante...

Elle avait entamé des études de Lettres et Arts dans la prestigieuse université privée de Waseda, et était fière de pouvoir compter parmi les élèves très privilégiés de cette faculté. Le campus se situait juste à coté de la Fac, dans le district tokyoïte du nord de Shinjuku... Elle y aimait les rues animées de ce quartier, le mélange des établissements aussi bien occidentaux que typiquement chauvins... Elle aimait profiter des soirées animées de la ville, des néons des magasins, des animations qui étaient si différentes d’un quartier à l’autre de Tokyo. Elle avait donc décidé de découvrir ces animations en même temps que la ville, quartier par quartier.. Elle avait commencé par visiter le quartier d’Ueno et ses nombreux musées, lieux indispensables selon elle pour perfectionner ses études, mais avait décidé de changer un peu pour ce week-end, et d’aller faire un tour à Shibuya, le quartier branché de Tokyo.

Si Shinjuku possédait les domaines du quartier des affaires, du melting polt et d’une animation incessante, Shibuya avait pour lui l’attrait de tout ce qui pouvait plaire aux jeunes tokyoïtes branchés avec ses magasins de mode, en particulier la Tour 109, symbole entre tous des tendances actuelles, son Apple Store et ses boites de nuit... C’était l’occasion pour elle de se distraire un peu. Et si d’habitude, elle prenait le réseau du métro de Tokyo au départ de la gare de Tozai dans Shinjuku, elle avait estimé que comme le quartier de Shibuya était adjacent, elle pourrait enfin se dégourdir les jambes sur son vélo, et s‘était pour cela levée à l‘aube. Redessinant le trajet du système ferroviaire de la Japan National Railway, elle suivit les arrêts jusqu’à arriver à la gare de Shibuya où elle put admirer la statue d’Hachiko. Quel amour infini cet animal avait dû porter à son maître pour l’attendre tous les jours pendant dix ans devant la gare de Shibuya, jusqu'à ce que la mort emporte ce pauvre animal.

Elle avait pu surtout assister à une représentation de Nô, dans le Théâtre national de Sendagaya... Elle aimait particulièrement ces représentations en costumes et masques, qui mêlaient à la fois les vers du théâtre classique à la pantomime des gestes et surtout de la danse, le tout sur des histoires souvent dramatiques de shôguns et de samouraïs... Les sensations qui se répercutaient des acteurs aux spectateurs étaient uniques et très profondes... La symbolique des gestes des acteurs alliée aux mots avait un impact très personnel d’une personne à une autre, propre à son vécu. Mais elle aimait ressentir au fond d’elle-même cette sensation d’intensité sur la plus petite émotion qu’exerçait sur elle cet art. Vivre avec intensité l’atmosphère qui se dégageait de ces histoires... Les seules représentations qu’elle avait pu en voir dans son village étaient jouées par les enfants aux différentes célébrations de l’année... Déjà les petites mises en scène des enfants la laissaient heureuse, voir une troupe professionnelle devant elle lui fit perdre la notion du temps.

Prise par les émotions, elle n’avait pas fait attention à l’heure qui avançait rapidement, et lorsqu‘elle sortit enfin du théâtre, la lune était déjà levée dans le ciel et la nuit tombée sur la ville... Elle soupira en se disant que sa ballade était belle et bien finie... Elle avait dépassé de toute façon l’heure à laquelle elle aurait dû repartir. Et maintenant, c’était dans le noir qu’elle allait devoir regagner son dortoir en espérant que le gardien ne lui fasse pas toute une scène pour son arrivée tardive... Elle tenait à sa place dans cette université où elle avait réussi à obtenir une bourse d'études exceptionnelle qui lui permettait de gagner l’entrée dans cet endroit privé et particulièrement renommé. Elle ne voulait donc pas récolter un blâme alors qu'elle venait à peine d'arriver... Elle se savait très privilégiée de pouvoir suivre des cours à la Waseda University, elle qui venait de Sarufutsu, un petit village de l’île d’Hokkaidô. Elle avait travaillé dur pour pouvoir en arriver là, réussissant à gagner deux ans d’avance sur les connaissances de ses camarades, puis passant les divers examens et concours d’entrée de Waseda afin de s’y faire remarquer et pouvoir s'y inscrire....

Toute à ses réflexions, Seriinu ne s’aperçut pas que les rues qu’elle empruntait étaient de moins en moins bien éclairées, et qu'avant qu'elle ne s'en rende compte, seuls les rayons de la lune illuminaient son visage... On n’entendait à présent dans la rue que le grincement régulier de ses pédales sur le métal rouillé de son vélo, et le bruit de la friction de ses roues sur le macadam... Elle ne prit conscience de ce fait que sous le silence pesant qui l’entourait...

Pourquoi était-elle passée par là ? D’habitude, elle faisait un crochet par les autres rues plus illuminées, faisant un grand détour pour éviter ce coin aux immeubles délabrés et vides, où ne vivait, lui avait-on dit, que la plèbe de ce monde. Alors pourquoi était-elle passée par là ? Elle ne le savait pas elle-même ! On ne comptait plus le nombre d’agressions dans ce coin ! Quelle mouche l’avait piquée pour qu'elle se retrouve ici ? Intérieurement, elle ne comprit que trop bien comment elle était arrivé dans cet endroit. En fait elle n’avait pas réfléchi où la menait ses pas, trop obnubilée par ses pensées et ses cours ! Mais maintenant, le silence qui pesait sur le quartier lui faisait prendre conscience de l’heure tardive et de l’endroit où elle se trouvait...

Il faut dire que les immeubles alentours n’exprimaient en rien la sécurité. Ils étaient gris et ternes, et on pouvait apercevoir sur certains les traces de début d’incendie. La moitié d’entre eux avaient les portes défoncées et les fenêtres cassées par des pillards. Des bouts de tôles sortaient à droite et à gauche des arbustes mal entretenus qui devaient autrefois bordés les allées des trottoirs, mais qui étaient, sans aucun doute, laissés à l’abandon depuis un bon moment... Des détritus trainaient à terre deçà, delà, papiers, cannettes de bière, journaux et autres emballages de nourriture... Quand aux réverbères qui auraient dû éclairer ces mêmes rues, peu d’entre eux fonctionnaient encore, seuls deux d’entre eux grésillaient dans un coin, tandis que les autres restaient définitivement éteints... Ce quartier avait été annoncé comme étant délabré et le Maire faisait désormais des pieds et des mains pour réussir enfin à démolir cet endroit pour le réaménager en immeubles modernes, sécurisés, et donner une autre dimension à ce morceau du centre de Tokyo, un renouveau...

Seriinu appuya encore plus fort sur ses pédales. Ce quartier ne lui disait vraiment rien qui vaille. Et les tristes échos qu’elle avait pu en avoir ne lui laissait aucune envie de s’y attarder. Agressions, viols, attaques armées... Tous ces mots qui lui faisaient froid dans le dos. Elle avait hâte désormais de retrouver la circulation des véhicules, les passants qui discutaient bruyamment assis aux terrasses des cafés ou marchaient dans la rue bondée, la lumière des néons des magasins qui l‘aveuglaient parfois, mais qui finalement la rassureraient tant à présent. Elle n’avait plus qu’un désir, retrouver enfin l’animation qui faisait la réputation de Shinjuku.

Elle sortit les écouteurs de son MP3, et enclencha le bouton “on” pour ne pas laisser le silence alentour l’envahir plus encore. Le contraste sonore était si incroyable. Comment pouvait-il n’y avoir que ce silence lourd et pesant dans ces quelques rues délabrées alors qu’à peine plus loin, demeurait un brouhaha incessant, jour et nuit, les bruits des autos, des touristes, de la mégalopole en somme. La lumière de son lecteur fit un rayonnement bleuté contre ses doigts, signe qu’il se mettait en route. Cela n’empêcha pas Seriinu de sursauter lorsque commencèrent les premières mesures d’une chanson... Ajustant le volume pour pouvoir entendre les bruits environnants, elle remit le lecteur dans l’une des poches de sa jupe, et se réajusta sur la selle de son vélo avant de repartir.

Il ne lui restait guère de chemin à faire. Quand elle s’était aperçue de l’endroit où elle se trouvait, elle était déjà à la moitié de son chemin. Cela l’avait convaincue de progresser plutôt que de retourner sur ses pas. Surtout que si quelqu’un l’avait aperçue et suivie, elle aurait été droit dans ses bras en faisant marche arrière. Et franchement, courir directement dans les bras de son bourreau possible ne l’intéressait pas !!! Elle se mit a pédaler aussi vite et fort qu’elle le pouvait, au risque d’en faire dérailler la chaîne de sa bicyclette. Mais le revêtement rouillé de son véhicule et le grincement qui en sortait à chaque coup de pédales ralentissaient son allure. Mentalement, elle prit note d’acheter un nouveau vélo... Quoique celui-ci elle y tenait particulièrement, l’ayant récupéré de son grand-père maternel... C’était son bijou... La rouille et ses grincements étaient les signes de son usage durant les décennies... Ce vélo avait une histoire, un cœur, une âme... Il en avait au moins plus que ce quartier qu’elle essayait de quitter...


I wish I was mad
Je voudrais être fou
Fucked up and done
être dérangé et que se soit fini
I wish I was bad
Je voudrais être mauvais
And completely wrong
Et complètement faux

La chanson qui passait à ce moment dans ces oreilles n’était pas faite non plus pour l’aider à se détendre vis-à-vis de l‘atmosphère lourde du quartier. La musique entraînante, le rythme qui semblait être parfait pour une fuite désespérée, sans compter qu’elle avait l’impression d’entendre la voix de quelqu’un qui la guettait dans un des recoins sombres que comptaient les immeubles, la voix d'un fou.... Le vent se leva d’un coup... Créant par ses brises des tourbillons de fraicheur...


I wish I was made
Je voudrais être fabriqué
Rebuilt-up and fake
Reconstruit et falsifié
I wish I could lie
Je souhaiterais pouvoir mentir
And never could fail
Et ne jamais pouvoir échouer

Elle sursauta et s’arrêta d’un coup. Quelque chose venait de lui frôler la joue. Elle la toucha et regarda sa main, vit une trace de sang sur le bout de son index. Pourtant elle ne ressentait pas vraiment de douleur, du moins sur le coup, elle s'était attendue plutôt à une autre douleur, plus intense, car venant de quelqu’un qui aurait l’intention de lui nuire. D’une personne inconnue qu'elle s'attendait à voir débarquer pour lui faire du mal... Sortant un miroir de son sac à dos, elle s’aperçut que sa joue était tout simplement légèrement coupée... Comme lorsqu'elle se coupait les doigts ou la main avec une feuille de papier..


And live some beautiful days
Et vivre quelques belles journées
In a magical place
Dans un endroit magique
Beautiful loves
De beaux amours
Perfect and straight
Parfaits et sans détours
Beautiful days
De belles journées
In a magical place
Dans un endroit magique

Elle se mit à rire en pensant aux paroles de la chanson, vivre de belles journées ici !!! Elle ne voyait pas comment cela pouvait même être possible de vivre tout court dans cet endroit. Regardant ses pieds, elle aperçut un bout de papier qui l’intrigua. Etait-ce cela qui l’avait coupée ? Elle le ramassa avant de l’ouvrir et se qu’elle y lut ne fit que renforcer ses soupçons sur la dangerosité du quartier dans lequel elle se trouvait. Les mots ne voulaient pas dire grand chose pour elle, mais ils ressemblaient au cri qu'on lance à celui qu'on aime, avant de disparaître... Elle frissonna et guetta tout autour d’elle après le moindre bruit suspect. Du regard, elle chercha tout ce qui aurait pu paraître douteux à ses yeux. Si seulement, quelque chose pouvait ne pas être douteux dans cet endroit... Elle remarqua une lumière allumée tout en haut d’un immeuble, seule présence humaine visible dans les parages. La seule lumière avec celle de la lune. Non, ce n’était vraiment pas un endroit magique ici...


A new dream is born
Un nouveau rêve est né
The new freaks have come
Les nouveaux monstres sont arrivés

Sortir d’ici était devenu plus que sa priorité. L'atmosphère de l'endroit et ce qu'elle avait lu de cette missive l'oppressaient. Machinalement, elle mit le papier avec son MP3 dans la poche de sa jupe et remonta sur son vélo. Oui, elle avait encore plus hâte maintenant de retrouver les lumières vives de la ville, les passants bâvards, que ce soit entre eux ou sur leurs téléphones portables. Les nouveaux monstres sont arrivés... Elle en avait bien connu des monstres depuis son enfance... Ceux du placard, ceux de la nuit, les gros monstres qui venaient vous manger les orteils si vous laissiez dépasser un pied en dehors des couvertures. Ce qui faisait qu’elle les tenait encore bien serrées contre son corps, même en étant plus grande, presque qu’adulte... Mais depuis, oui de nouveaux monstres étaient arrivés dans sa vie et dans ses peurs : meurtriers, violeurs, voleurs, agresseurs, offenseurs physiques et verbaux.... Oui, ces nouveaux monstres dont on parlait tout le temps dans les journaux du soir... Ceux dont elle craignait de faire la rencontre à cet instant... Ceux qui, elle le savait, fuiraient devant les lumières du centre-ville.


I wish I was fast
Je voudrais être rapide
And crazy as a dog
Et fou comme un chien
I wish I could last
Je souhaiterais pouvoir durer
As long as the gods
Aussi longtemps que les dieux

Elle en était presque sortie maintenant, il ne lui restait plus qu’une rue à franchir. Elle apercevait tout au fond de cette ruelle étroite, l’éclairage et les néons des boutiques du centre ville. Elle accéléra encore son allure. Les roues de son vélo couinant, sur le métal rouillé qui le composait, menaçant de céder sous la fragilité du vélo, et l‘effort qu‘elle demandait de produire une fois de plus à cette antiquité ... Elle voulait vivre, oui... Et bientôt elle serait en sécurité parmi les lumières et la foule... Elle y était presque...


I wish I could be
Je voudrais pouvoir être
Perfectly free
parfaitement libre

C’est arrivée à la moitié de la rue qu’elle les aperçut... Trois hommes adossés sur les murs de chaque côté de la ruelle... Elle freina d'un coup sec, et le vélo trembla... Rien qu’à voir leurs sourires, elle savait déjà qu’ils n’avaient rien de bon en tête et se mit à trembler... Ils lui bouchaient l’accès à son refuge...

- Alors, la belle, on s’est perdue... Tu vas où comme ça ?

Elle ne pouvait plus avancer pour rejoindre la ville... Et reculer pour retraverser cet endroit en entier alors qu’elle était si près de son but... Non, c’était impensable, ils n’existaient pas... Son imagination lui jouait tellement de tours depuis tout à l’heure, qu’elle devait rêver éveillée sous l’effet de son angoisse... Si elle fermait les yeux juste un instant, ils disparaîtraient... Lorsqu’elle sentit une main se poser sur une de siennes, enfermant son poignet contre son guidon de vélo, elle tressaillit...

- Ben alors la mignonne, tu réponds ou quoi ? Ca cherche quoi une jolie fille comme toi à traîner dans les rues à cette heure, hein ?


Wish I was a creep
Je souhaiterais être cinglé

Pourquoi fallait-il qu’elle soit jolie ? Ca ne lui attirait toujours que des ennuis !!! Elle avait parfois l’envie de s’enlaidir pour de bon... Mais même en cachant son physique sous des vêtements amples, il lui arrivait toujours des ennuis... C’était un leurre que de se dire qu’en portant des vêtements trop grands, ou pas féminins, ou même carrément en jurant comme un garçon, personne ne viendrait lui dire qu’elle était jolie... Elle en avait marre de devoir subir tous les pervers de la Faculté et ceux de la rue qui la harcelaient pour une sortie, un café avec elle... Mais si ces personnes là, elle pouvait refuser poliment leur invitation, il en était autrement avec celles qui lui faisaient face à présent. Coincée entre trois types plus costaux qu’elle, dans une ruelle sombre, avec le bruit des passants qui couvraient tout appel au-secours... Elle se demandait bien comment elle allait pouvoir faire...


Wish I made you bleed
Je voudrais t'avoir fait saigner

Celui qui la tenait par le poignet la tira jusqu’à la plaquer contre un des murs de la ruelle... Elle grimaça sous la douleur... Malgré ses écouteurs, elle entendit le bruit de ferraille de son vélo qui s’écrasait au sol... Les larmes commencèrent à perler à ses yeux. Pourquoi était-elle passée par là au lieu de faire son détour habituel ? Pourquoi s’était-elle arrêtée pour ramasser ce fichu papier ? Pourquoi était-elle jolie ? Pourquoi faisait-elle ses études ici ? Tant de questions qui trahissaient son désespoir... Elle sentit brusquement l’homme la lâcher et s’écroula sur le sol. Elle rouvrit alors les yeux. Des trois hommes, deux étaient déjà à terre, les bras tordus, visiblement fracturés... Ils semblaient souffrir affreusement, bien que de leurs bouches ne sortaient que des gargouillis inaudibles... Le troisième homme gigotait encore, mais était en bien mauvaise posture... Son sauveur le tenait a bout de bras. Il lui avait plaqué d’une seule main la gorge contre le pan d’un des immeubles... Lorsqu’elle croisa son regard Seriinu en eut froid dans le dos... Cet homme venait bien de la sauver, mais vu la lueur qui dansait dans ses yeux, elle était très heureuse de ne pas être à la place de son agresseur.

- Quelle sera sa punition ? demanda l’inconnu froidement

Et elle s’entendit le lui dire : Je veux qu’il saigne.....


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Et vivre quelques belles journées
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Dans un endroit magique
Beautiful loves
De beaux amours
Perfect and straight
Parfaits et sans détours
Beautiful days
De belles journées
In a magical place
Dans un endroit magique
A new dream is born
Un nouveau rêve est né

.... Elle était entrée dans ce café, blanche comme un linge. Cet endroit, un refuge... Elle ne savait pas pourquoi, mais l’endroit respirait la tranquillité... Et de la tranquillité, elle en avait plus que besoin à ce moment... Bizarre d’ailleurs à cette heure tardive que cet endroit soit encore ouvert. Quand elle avait poussé la porte à l’entrée, la cloche signalant sa présence l’avait faite sursauter... Elle était partie sitôt après avoir prononcé cette phrase, puis avait fui en tremblant de la ruelle, y laissant même le vélo de son grand-père... Dès qu’elle avait posé les yeux sur l’enseigne du café, elle s’était réfugiée là , à l’abri... Il fallait qu’elle arrête de trembler avant de reprendre sa route jusqu’au campus... Mais elle n’était même plus certaine de pouvoir arriver jusque là.


The new freaks have come
Les nouveaux monstres sont arrivés

Oui, les nouveaux monstres étaient arrivés : mais les sauveurs en faisaient partis aussi.. La seule chose qu’elle ait entendu dans sa fuite, était les cris de souffrance de son agresseur sous les coups de son sauveur, et le bruit d’un os qui se brise... Elle avait eu une terrible envie de vomir en entendant ce bruit....

- Ca va mademoiselle ?

La patronne de ce lieu venait de s’adresser à elle... Et oui vu son état, ce n’était pas étonnant... Seriinu prit une grande inspiration et retira son lecteur MP3 de sa poche pour le couper, faisant au passage tomber le papier qu’elle avait ramassé... La feuille s’ouvrit en grand laissant découvrir à tous ce qu’il y était écrit... Mais Seriinu n’en avait cure... Elle ne savait même pas pourquoi elle avait ramassé cette feuille... Elle n’avait qu’une hâte, c’était de retourner dans sa chambre d’étudiante, un endroit à elle, où elle se savait en sécurité, un endroit où les monstres ne seraient pas, un endroit où elle pourrait enfin oublier toute cette soirée...

La patronne du bar ramassa la feuille et la lut. Ses yeux s’écarquillèrent et dans un souffle, elle lui demanda :

- Où avez-vous trouvé ça ?



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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptySam 15 Jan 2011 - 12:16

Chapitre 4 : Derrière le comptoir


Derrière le comptoir de son café, la barmaid soupirait. Elle retournait encore et encore le bout de papier dans ses doigts, ce bout de papier plié en quatre... Elle le faisait glisser d’une phalange à une autre, ne sachant quoi en faire. Elle savait parfaitement à qui il était adressé, mais ça faisait si longtemps, tellement longtemps... Plus de quatre ans.... Son regard se fixa sur son alliance. Si seulement son mari avait été là pour le lui dire. Lui, il aurait sûrement su quoi faire... Il aurait su lui dire comment le faire. Oui mais voilà, il n’était pas là. Et elle, seule, pouvait agir en ce moment... Car si une chose était certaine, c’est que ces mots sur ce papier étaient un appel au secours noté noir sur blanc, bien que plus personne n’utilise ce code là depuis tant d’années. Et c’était un appel qui demandait une réponse...

“XYZ, viens me chercher”

Elle n’avait aucun doute sur l’expéditeur de cet S.O.S., elle en avait tout de suite reconnu l’écriture, et rien que les mots voulaient tout dire. “XYZ“, un appel au secours... “viens me chercher”... Il n’y avait qu’une personne en ville qui pouvait répondre à ce genre de message, et une seule autre personne qui pouvait le lui adresser ainsi, sans plus de renseignements. Mais pourquoi sur ce simple bout de papier ?... Et pourquoi était-il arrivé là ? Pourquoi à Tokyo, à Shinjuku ? Et surtout pourquoi dans son café ?... Et d'abord pourquoi un appel au secours ? Rien qu’avec ces trois mots, elle en devinait déjà l’importance, et même l’urgence... Mais il aurait été plus simple de l’envoyer directement à son destinataire. Alors pourquoi ce papier était-il tombé de la poche de la jupe d’une parfaite inconnue ? Une étudiante au vu de ses vêtements et de son allure...

Elle fixa longuement la jeune fille assise au bout du café... Sa nuit avait dû être rude. Elle n’avait pas osé lui en demander plus en voyant sa réaction quand elle s’était inquiétée de son état... Alors elle lui avait simplement amené un café pour au moins la réchauffer un peu. Et la petite avait fondu en larmes, amenant ses bras devant son visage, ses mains sur ses yeux tel un récipient à ses pleurs, ses cheveux ramenés sur le devant de sa figure... Parfois elle lâchait un sanglot, mais la barmaid avait bien entendu ceux qui restaient éteints coincés dans sa gorge. Elle les retenait pour ne pas s’écrouler, se repliant dans une carapace. Et la serveuse n’avait pas osé briser les murs que la jeune fille était en train de monter autour d’elle. Elle savait pour en avoir eu l’expérience qu’elle en avait besoin pour le moment, pour retrouver son calme. Et même si ses sanglots s’étaient tus, les tremblements qui la parcouraient lorsqu’elle était entrée dans le bar n’avaient toujours pas cessé.

Alors bien que l’heure de la fermeture était déjà passée depuis plus d‘une heure, elle préférait lui laisser le temps de se remettre avant de l’interroger malgré les dizaines de questions qui lui passaient par la tête. Elle se mit à énumérer toutes les incohérences de cet S.O.S. Cela faisait longtemps que l’expéditrice de la missive ne lui avait pas donné de nouvelles et plus longtemps encore qu’elle n’avait pas remis les pieds dans son établissement. A cette pensée, elle retrouva en elle cette sensation de solitude et de trahison qu’elle avait pourtant cru avoir perdue depuis tout ce temps. Ne disait-on pas que le temps guérissait toutes les blessures ?... Elle eut un léger sourire en constatant que celle-ci n’était toujours pas refermée. D’ailleurs comment aurait-elle pu oublier sa meilleure amie ? Celle qui l’avait abandonnée, la laissant seule, pour supporter la douleur. Comment oublier que tout était de sa faute ? Impossible !!! Et pourquoi l’aiderait-elle, elle, aujourd’hui ? Avait-elle été là pour l’aider ? Non, elle l’avait simplement laissée avec sa douleur... Elle n’avait même pas essayé de la contacter afin de la réconforter... Elle n’était même pas venue le jour où son monde à elle s’était écroulé... Le jour où elle avait eu le plus besoin d’elle.

Depuis trois ans, depuis ce fameux mois de novembre où la joie de vivre l’avait abandonnée, ce cinq novembre où son mari l’avait quittée.... La barmaid se mit à frissonner... Chaque jour, elle évitait d’y penser, se concentrant sur son travail dans le café. Ce café qui était tout ce qu’il lui restait... Elle se donnait corps et âme à entretenir cet endroit qu’elle chérissait, même s’il lui renvoyait des souvenirs. Pas que ces souvenirs soient douloureux, bien au contraire, mais ils emplissaient sa tête et lui faisaient regretter les jours heureux... Ceux où “sa famille” était encore présente. Ceux où elle revoyait son mari prendre soin des clients à sa manière... Son accueil imposant et froid, tellement à l’opposé de son métier de cafetier, sa carrure avaient effrayé plus d‘une personne entrée dans leur établissement. Mais il était aux petits soins pour chaque client qui osait tout de même se faire servir par lui, certains habitués prenant même à force le temps de le connaître et de plaisanter avec lui. Mais ces habitués là avaient été remplacés depuis par d’autres,... et si le nombre des nouveaux réguliers avait augmenté en conséquence, elle devait avouer que l‘ambiance d‘avant lui manquait.

S’il n’y avait que l’ambiance d’ailleurs, mais non... Là était bien le problème... Les larmes aux yeux, la barmaid cassait une à une les barrières qu‘elle avait érigées autour de son cœur, les écailles qui composaient sa carapace à elle, les souvenirs envahissant de plus en plus son être. Elle revivait chaque sensation. L’odeur du café frais que faisait si bien son mari, les baisers qu’elle lui volait devant les clients et ceux plus ardents qu’il lui donnait dans la réserve ou lorsqu’ils étaient seuls, le son de la cloche entre dix et onze heure, quand sa meilleure amie passait le seuil de leur café, son parfum de chèvrefeuille qui imprégnait la pièce où elle se trouvait, leurs rires qui résonnaient comme du cristal, les cris des passantes dans la rue avant que n’entrent deux des hommes les plus craints de la ville, les fêtes qu’organisait “leur petite famille” pour commémorer les différentes célébrations de l’année et leurs anniversaires... Tout ce qui n’était plus désormais ! Ses jambes la lâchèrent et elle tomba à genoux derrière son comptoir. Ses mains agrippaient de plus en plus fort le torchon qu’elle tenait.

Le torrent de larmes qui ruisselait de ses yeux semblait ne jamais pouvoir tarir. Elle n’avait pas pleuré depuis tant de temps que le chagrin qu’elle retenait depuis ces trois dernières années s’écoulait encore et encore sur ses joues. L’étau qui enserrait son cœur depuis tant d’années avait cédé en ce soir d’été. Pourquoi ce soir ? A cause de sa fatigue ? De l’état de cette fille ? De ce mot ? De son expéditrice ? Ou simplement était-il temps qu’elle se laisse aller à sa douleur ?

Son mari... Dieu qu’il pouvait lui manquer depuis ce cinq novembre, depuis ce moment où il avait quitté le café pour aider une femme qui appelait à l’aide... Tout comme sur ce bout de papier !!!

Chaque jour sans lui était de plus en plus difficile à vivre... Son travail le lui rappelait constamment... Elle le revoyait encore ce cinq novembre, partir avec Mick pour aider une jeune femme. Ce jour était inscrit à tout jamais dans sa mémoire. Depuis le départ de sa meilleure amie, plus personne ne venait relever les XYZ, alors d’un commun accord avec les membres de la bande, Mick et son mari avaient pris le relai de City Hunter. Il était hors de question de laisser les personnes qui avaient besoin d’aide sans quelqu’un pour leur répondre. Alors ce jour là, elle était allée à la gare de Shinjuku relever les messages de détresse. En se rendant devant le panneau d’affichage, un XYZ trônait en bonne et due forme sur le coin en bas à droite. Elle avait relevé les coordonnées et pris rendez-vous avec la cliente.

Elle revoyait encore l’image de son mari accompagnant Mick dans le véhicule trop étroit de l’américain, lui disant de ne pas s’inquiéter. Elle se revoyait encore, confiante, nettoyer une à une les tables du café, l’odeur de la cire d’abeille lui emplissant les narines. Elle aimait tellement cette odeur autrefois. Puis elle s’était attaquée à la vaisselle sachant pertinemment qu’il ne serait pas rentré avant la fermeture du café, même si cette activité était sa préférée... Elle nettoyait encore une tasse lorsque le téléphone avait sonné. Elle avait décroché le combiné d’une main, puis l’avait calé entre son épaule et son oreille pour pouvoir continuer son activité tout en discutant. Vu l’heure tardive, elle avait pensé que c’était un appel de sa meilleure amie.. Elle n’avait plus eu de ses nouvelles depuis trois semaines et ne voyait pas qui d’autre pouvait l’appeler ainsi. Puis elle avait reconnu la voix de Doc. La tasse qu’elle tenait avait explosé sur le sol, sonnant le glas de sa vie qui s’effondrait au même moment.

Et la seule chose qui lui revenait en tête comme un leitmotiv, était qu’elle avait oublié de l’embrasser. Elle avait eu l’occasion de l’embrasser, de lui dire une dernière fois qu’elle l’aimait, mais elle avait oublié. Ce geste, si petit, si habituel entre les gens qui s’aiment, elle l’avait oublié. Elle resterait seule désormais, un cœur vide sans sa moitié, sans l’étincelle qui faisait la gaieté de sa vie. Et petit à petit, elle avait construit des murs, pour ne pas sombrer, ne pas tenter de le suivre, et elle s’était repliée derrière ceux-ci, refusant toute aide, évinçant ses amis, “sa famille”, lesquels avaient fini par ne plus venir comme elle le leur réclamait. Il lui était devenu trop douloureux de les voir. Ils faisaient trop facilement s’effriter le mortier qui soutenait les murs qu’elle construisait autour de son cœur, le rendant chaque jour plus imperméable aux assauts de ses sentiments, pour que jamais plus rien ne l’atteigne, pour que s’éteigne enfin la douleur.

Et ce soir, les digues qui retenaient les larmes contenues en son cœur s’étaient fissurées, puis brisées... Et elle était là, à pleurer derrière le seul rempart qu’il lui restait, son comptoir... Elle sursauta en entendant le bruit de la porcelaine qui se posait sur la desserte de ce meuble. Le bruit de la tasse qui s’entrechoquait avec sa soucoupe. Elle se redressa, les genoux douloureux à force d’être appuyée dessus, le torchon toujours dans sa main, ne prenant même pas la peine d’effacer les larmes qui s’écoulaient encore sur son visage. Elle leva son regard sur la main qui tenait encore la vaisselle fragile. Puis suivant le poignet, et le bras qui accompagnaient cette main, elle aperçut finalement le visage doux et triste de l’étudiante qui avait amené ce mot dans son café et avec lui tous ses souvenirs...

Elle n’avait pas touché à son café, devenu froid à présent. Elle était là à la regarder avec douceur. Ses larmes à elle, taries depuis longtemps, avait laissé des traces sur son joli visage, et ses tremblements avaient cessés. La barmaid termina de se redresser, reprenant un peu sur elle. Elle s’était laissée aller devant une parfaite inconnue. Elle qui n’avait jamais pleuré devant ses amis, elle qui depuis trois ans ne démontrait plus aucune émotion se contentant d’adresser un sourire figé aux personnes dont elle croisait le chemin, elle s’était épanchée devant cette jeune fille qui n’avait pourtant pas besoin de cela. Elle stoppa sur l’instant ses larmes, essuyant celles qui parcouraient son visage avec son torchon. Puis elle s’adressa à l’étudiante qui la regardait toujours avec compassion :

- Dure journée n’est-ce pas ?

Les deux femmes éclatèrent ensemble d’un rire crispé et nerveux, mais qui se propagea en elles comme un souffle d’air frais, les sortant pour de bon de leurs souffrances respectives. Elles se sourirent, comprenant par là même les sentiments qui les liaient dans la douleur, mais qui les en éloignaient aussi, les forçant à lui faire face et à la surmonter. Chacune était finalement là pour l’autre, même si elles ne se connaissaient pas. Elles se regardèrent à la fois gênées et reconnaissantes, finalement libérées pour un temps de leurs démons.

- Oui, dure journée ! finit par répondre l’étudiante brisant timidement le silence de la pièce par sa voix. Est-ce que vous sauriez par hasard comment je peux joindre un taxi à cette heure ? Je n’ai pas envie de ressortir seule à cette heure-ci.
- Vous habitez loin ?
- Pas vraiment non, mais j’ai encore un bonne partie de Shinjuku à traverser. Je dois retourner au campus de Waseda.
- Si vous patientez le temps que je ferme les rideaux de fer, je vous raccompagne chez vous...

L’étudiante acquiesça et elle commença alors à abaisser les stores de sécurité du café. Pas que l’établissement risquait réellement quelque chose vu que les fenêtres étaient déjà pare-balles, mais c’était une façon supplémentaire pour la propriétaire de signaler que son établissement était fermé. Elle retourna derrière son bar pour attraper les clefs de son véhicule, lorsque son attention fut attiré par le morceau de papier blanc qui reposait tranquillement sur le comptoir en merisier. L’étudiante suivit son regard. Elle pouvait y lire tellement de tristesse. Comment ce mot pouvait-il la peiner à ce point ?

- Vous savez... J’ai lu ce qu’il y a d’écrit dans ce mot... Je n’ai pas tout compris... Mais la personne qui a écrit cela a besoin d’aide...

La barmaid ne répondit pas. Elle ouvrit la porte d’entrée, faisant sonner une nouvelle fois la clochette, et attendit dans l’embrasure de la porte que la jeune fille veuille bien la suivre. Celle-ci la regarda une nouvelle fois, puis sortit finalement du café... L’étudiante eut un tremblement en regardant vers la ruelle d’où elle était arrivée. Des véhicules de secours des pompiers et de la police se trouvaient à l’endroit même où débutait la ruelle, les hommes s‘y affairant. Elle sentit une nouvelle fois le stress reprendre sa place. La barmaid appuya alors sur la clé magnétique et sa voiture enclencha automatiquement les warnings. Les deux femmes s’insérèrent dans le véhicule... Elles effectuèrent le trajet en silence. Si la propriétaire gardait constamment les yeux sur la route, la jeune fille, elle, serrait ses poings posés sur ses genoux, le regard baissé, pensant et repensant à l’homme qui l’avait sauvée mais qui l’avait aussi effrayée. Au moins, elle serait bientôt en sécurité dans sa chambre. Elle qui ne supportait plus ses neuf mètres carré la veille, la raison qui la poussait à sortir tous les week-ends, elle avait hâte désormais de retrouver son cocon.

Une chose pourtant la taraudait : ce mot qu’elle avait trouvé et la réaction de celle qui l’emmenait en ce moment même dans sa cité universitaire... XYZ ? Qu’est-ce que ces trois lettres pouvaient bien signifier ? "Viens me chercher"... Ces trois mots, quand elle les avait lu dans la ruelle l’avaient faite frémir... Elle avait ressenti l’urgence, la douleur et la peur dans ces trois mots. Trois petits mots qui lui disaient que quelqu’un était en danger, que cette personne était tout près de l’endroit où elle avait trouvé ce mot... Et qu’il fallait absolument l’aider ! La propriétaire du café avait eu l’air d’en savoir plus qu’elle en lisant ce morceau de papier. Elle savait comment faire pour aider la personne qui avait écrit cette phrase mais n’avait pas l’air d’avoir envie de le faire. Qu’est-ce qui pouvait ainsi la retenir d’aider quelqu’un qui appelait au secours ? Toutes ses questions l’obnubilaient et elle ne s’aperçut pas de suite qu’elle était arrivée sur le campus de l’Université de Waseda et que la barmaid avait déjà garé son véhicule. Elle attendait patiemment que l’étudiante sorte de ses pensées.

Décrispant ses poings, elle leva enfin la tête vers la femme qui l’avait accueillie dans l’enceinte de son établissement si tard. Après tout, elle avait eu la gentillesse de l’aider à y trouver refuge, ne la jetant pas dans la rue, lui apportant un café pour la réconforter, sans rien lui demander en retour. Elle l’avait aidée elle, alors pourquoi n’aidait-elle pas cette personne en détresse ? Elle commença à sortir sans un mot du véhicule, ouvrit la portière et descendit de la voiture. La barmaid ne la regardait toujours pas, alors elle se baissa pour la fixer :

- Merci beaucoup de m’avoir ramenée, finit-elle par dire d'une voix timide dans l‘entrebâillement de la portière, c’est très gentil de votre part. Par contre, j’aimerai vous poser une question. Pourquoi vous m’avez aidée moi et que vous n’aidez pas cette personne ?

La barmaid la regarda d’un air étrange mais ne lui répondit pas. Alors la jeune fille referma la portière avant de courir jusqu'à son dortoir, jusqu'à son refuge.

La conductrice ne redémarra pas de suite la voiture. La phrase de cette jeune fille l’avait ébranlée plus qu’elle ne l’aurait crue. Oui, elle avait aidé cette inconnue, elle l’avait aidée mais ne se sentait pas capable d’aider sa meilleure amie. Et si elle avait voulu l’aider par quoi aurait-elle commencé ? Comment aurait-elle pu le faire ? Elle n’avait plus aucun contact avec les membres de “sa famille”... “Sa famille”, la seule qu’elle ai jamais eue en dehors de son mari... Son mari ! Il aurait été le premier à la secourir, le premier à prévenir les autres. Que devait-il penser d’elle en cet instant ? Elle savait ce qu’il aurait fait... Mais elle les avait rejetés les uns après les autres... Voudraient-ils seulement l’écouter ? Et qui devait-elle contacter en premier ? A qui devait-elle remettre cette missive ? Devait-elle la donner directement à son destinataire ? Et d’abord comment pouvait-elle la lui transmettre ? Elle ne savait pas exactement où se trouvait Ryo ces derniers temps. Il errait chaque jour dans les rues de Shinjuku, mettant rarement les pieds dans son appartement...

Jetant un oeil à la lune qui l’éclairait, elle ralluma finalement le moteur de sa voiture et passa la première vitesse. Et ce soir là, au lieu de s’écrouler comme à l’accoutumée sur son lit, épuisée par sa longue journée de travail, au lieu de laisser la fatigue l'emporter dans un sommeil où aucun songe ne venait jamais la troubler, sans jamais dans sa journée, une seule fois, n'avoir pensé à sa vie passée, sans avoir ressenti aucune émotion... pour une fois, elle retrouva l’humanité qu’elle avait perdue à la mort de son mari. Elle avait un nouveau but dans sa vie.... Elle avait pris sa décision....





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyMer 26 Jan 2011 - 19:10

Chapitre 5 : Dans la conscience du monstre



"Je veux qu’il saigne....”

Ces mots avaient résonné dans la ruelle avant de se répercuter accompagnés de leur écho dans son conduit auditif. Son tympan avait vibré sous les variations de l’air de ces ondes sonores pour renvoyer ensuite les vibrations tympaniques vers la chaîne des osselets. Le marteau, l’enclume et l’étrier s’étaient alors à leurs tours mis en mouvement dans l’oreille moyenne pour transformer ces vibrations en ondes liquidiennes dans la cochlée, vers le nerf auditif. Celui-ci coda les différentes caractéristiques des sons sous forme d’impulsions électriques qui lui parcoururent ses neurones. Les axones de ces dernières produisirent plus de messages nerveux selon l’intensité et les intonations des mots, pour finalement entrer dans l’encéphale et terminer leur course sur les cortex temporaux qui analysèrent la phrase, lui donnant tout un sens selon ses envies, son passif, ses souvenirs... Et l’interprétation de ces mots dans son encéphale avait libéré le monstre en lui, une permission de se laisser aller à ses pulsions colériques, celles qui emplissaient son cœur depuis plusieurs mois, cette rage qui grandissait en lui au fur et à mesure que le temps passait...

Il s’en souvenait seulement maintenant qu’il était "éveillé", maintenant que le monstre en lui était retourné sommeiller dans les méandres de son cerveau... Il se souvenait parfaitement comment il avait neutralisé les deux premiers types qui s’en prenaient à cette jeune fille, les attrapant par derrière, par le cou, leur écrasant un à un la pomme d’Adams pour faire empêcher leurs cris de le signaler aux autres, puis leur brisant en une fracture franche les deux avant-bras... Il s’était ensuite avancé pour finir par celui qui s’en prenait directement à la gamine, lui attrapant le poignet pour lui faire lâcher sa victime. Puis comme pour ses collègues, il l’avait tenu surélevé par une de ses paumes située adroitement sur sa gorge contre le pan d‘un mur. Se retournant vers la gamine, il lui avait demandé ce qu’il demandait à tous les autres personnes qu’il sauvait à présent... Attendant la phrase libératrice, celle qui lui donnerait l’autorisation de lâcher la bête en lui. Et elle lui avait répondu...

Je veux qu’il saigne....”

Alors il avait laissé cette phrase guider ses gestes, se délestant un moment de sa conscience, s’acharnant sans même y réfléchir sur le pauvre pantin qu’il tenait d’une main, plaqué contre le mur de la ruelle. Sans prononcer un mot, sans même connaître l’ordre de ses agissements, il mit en route la vengeance de cette fille contre son agresseur. Ces gestes étaient devenus mécaniques. Dans cet état second dans lequel l‘avaient plongé ces mots, il ne savait pas dans quel ordre il les effectuait. Le type n’avait même pas réussi à bafouiller le moindre son, ses cordes vocales écrasées sous sa main. Il se souvenait l’avoir tabassé à coups de poing avec sa main libre, lui avoir cassé un à un les os, tordant dans tous les sens certaines parties de ce corps qu’il tenait à sa merci, pliant d’un coup fort et sec ses membres pour qu’ils cèdent sous la pression et se brisent.

Un cri avait finalement atteint son oreille et son cerveau lui avait commandé de se réveiller, de renvoyer la bête au plus profond de lui. Il s’était alors stoppé et avait retourné son attention vers l’origine de ce cri. Une femme l’avait aperçu à l’œuvre et commençait à donner l’alerte dans la rue principale. Lâchant pour de bon l’amas de chair humaine qu’était le voyou sur lequel il s’était acharné, il avait jeté un œil sur la ruelle et ses alentours. Constatant le résultat de sa fureur, il aperçut dans le coin où il les avait laissés les deux comparses du voyou, toujours aphones, n’osant faire un geste sous la vision d’horreur qu’il leur avait donnée en massacrant leur ami. Ce dernier ne ressemblait même plus à un être humain. Son sang giclait de sa bouche et d’autres endroits de son corps, tandis que ses fractures multiples ne lui permettaient pas de faire un geste, sa peau prenant la forme bizarre et flasque là où les os ne la tenaient plus. La seule chose que retint finalement le nettoyeur de ce type fut les larmes qui coulaient silencieusement sur les joues et les blessures de ce jeune homme. Ces larmes qui sortaient d’un regard rempli de douleur et de terreur mêlées.

Au moins, en voilà un qui ne recommencerait plus jamais à s’attaquer aux autres, et même s’il avait eu seulement l’envie de réitérer plus tard, ce ne serait pas avant plusieurs années vu l’étendue de ses blessures, et surtout il penserait si fort à cette soirée que la peur de le voir débarquer pendant son méfait le ferait hésiter et laisserait le temps à sa victime de s’échapper ou au moins de réagir. Il n’avait même pas envie de s’apitoyer sur ce malfrat et la gravité des blessures qu’il lui avait faites. Il ne voyait pas pourquoi il l’aurait pris en pitié. Il détestait les rebus dans le genre de ce type, ceux qui s’attaquaient seuls, et encore plus lâchement en bande, contre des personnes plus faibles qu’eux : enfants, femmes, hommes sans défense. Alors il s’en donnait à cœur-joie pour que plus jamais ceux-ci ne recroisent leur chemin, parcourant toutes les nuits les quartiers mal famés de Shinjuku et leurs alentours, rendant la monnaie de leur pièce à la racaille qui sévissait dans les bas-fonds de sa ville.

Puis l’agitation de plus en plus grande, le bruit qu’il percevait de la rue principale, lui indiqua qu’il était temps de prendre la tangente. La jeune fille qu’il avait sauvée était déjà partie sans demander son reste, réaction normale après avoir vu le monstre qu’il était devenu. Ramassant d’une main le vélo rouillé de la gamine, il le souleva comme un fétu de paille et l‘emporta. Il fit demi-tour les yeux rivés vers le quartier plongé dans le noir en face de lui. Un de ses terrains de chasse préféré. Il passait régulièrement dans ces lieux, ce quartier délabré où se terrait la plèbe de la ville : petits escrocs, voleurs, voyous en tous genres, et certains soirs, comme cette nuit, il trouvait quelque chose à se mettre sous la dent, ou plutôt dans son cas, quelqu’un à exploser sous les poings de son monstre intérieur.

Si dans le milieu, tous savaient que City Hunter n’était plus pour aider les âmes en détresse qui déposaient un XYZ sur le tableau de la gare, celles qui faisaient avant appel à ses services, aucun malfrat n’ignorait non plus que Ryo Saeba nettoyait chaque soir les rues de la ville et que leurs activités étaient toujours autant menacées. Et même si depuis quelques temps, seul le menu fretin lui tombait entre les mains, les grands pontes se tenaient à carreaux, bien cachés, tremblants à l’idée que le nettoyeur puisse avoir eu écho de leurs différents trafics. Tous savaient que Ryo Saeba leur ferait la peau ne serait-ce que pour se calmer un peu les nerfs.

Mais ses nerfs se calmaient-ils vraiment lorsque pleuvaient les coups sur les punching-ball humains qui passaient à sa portée ? Il repensa à la loque humaine qu’il avait massacrée ce soir. L’état dans lequel il avait laissé ce type ne le soulageait pas, pas plus que ne l’avait soulagé tous ceux qui étaient passés avant lui entre ses mains. Ils servaient juste à étancher un moment la soif du monstre en lui, à lui faire prendre l’air, mais jamais à le faire définitivement partir...

Même l’idée d’avoir sauvé cette gamine à laquelle le jeune voyou s’en était prise avec ses deux potes ne lui faisait pas desserrer la mâchoire. Alors oui, il en était réduit à nettoyer les rues de la ville chaque nuit, mais pas pour aider son prochain ou pour sécuriser les rues, encore moins pour faire son métier. Mais c’était jusqu’à présent le seul moyen qu’il avait trouvé pour ne pas laisser la rage l’envahir complètement, le seul moyen qu’il avait trouvé pour occuper le monstre enfoui en lui, mais tellement présent dans son esprit. S’il avait eu le malheur de céder à ses pulsions, à ce monstre tapi en lui autre qu’avec les malfaiteurs, il aurait mis lui-même la ville à feu et à sang. Laisser le monstre qu’il était, en somme, détruire ce qu’il lui restait à aimer pour se détruire lui-même, pour détruire les sentiments qui restaient encore terrés quelque part en son cœur. Alors il nettoyait chaque soir les rues de Shinjuku pour garder encore un tant soit peu d’humanité, si on pouvait appeler cela comme ça lorsqu’on voyait l’état des délinquants une fois passés sous ses poings.

Il s’était enfoncé dans les ténèbres de ce quartier. Hormis la lumière de la lune, il n’y résidait pas de clarté, les lampadaires n’ayant pas été réparés depuis longtemps. Il aperçut tout de même la lueur d’une lampe au dernier étage d’un immeuble et se mit à sourire. Ainsi, il y avait encore des personnes suffisamment inconscientes pour vivre ici. Décidément les gens étaient de plus en plus stupides. Si sa rage envers les voyous n’avait guère évolué puisque là, en lui, depuis toujours, sa colère envers ces personnes qui avaient tendance à se jeter par leur inattention dans la gueule du loup grandissait chaque jour un peu plus. Si au début, il s’était contenté de les sermonner après les avoir sauvées, leur expliquant comment elles en étaient arrivées là, maintenant il ne retenait plus le mépris et la colère qu’il avait envers elles. Il savait pertinemment que ces personnes pouvaient le lire dans le regard qu’il posait sur elles.

Après tout, si elles avaient fait attention où les guidaient leurs pas, si elles avaient appris à se défendre un tant soit peu, il n’aurait pas été obligé de faire ce métier, de les sauver alors qu’elles auraient pu être capables de le faire elles-mêmes. C’était aussi pour cela qu’il n’empêchait plus désormais le monstre en lui de se montrer, le laissant se réveiller devant les victimes, portant ses coups contre leurs agresseurs sans les retenir : leur faire peur pour qu’elles y réfléchissent à deux fois avant de se retrouver encore en danger. Après tout, il ne serait pas éternellement au bon endroit, au bon moment. Et si au début il s’était inquiété de ce qu’elles pouvaient ressentir en le voyant faire, désormais, il ne se rendait même plus compte de leur départ précipité.

Et il en était là, perdu dans ses pensées, son cortex travaillant sa cognition : attention... mémoire... raisonnement... pensées... paroles.... Les ondes cérébrales traversant ses neurones à la recherche d’un moyen pour comprendre comment le monstre en lui avait pu s’y installer, même si le temps passant, il y faisait de moins en moins attention. Après tout ce monstre n’était que lui, faisait parti de lui. Pour le moment il restait caché dans un coin de son crâne, perdu dans les méandres de son cerveau, mais le dérangeait-il vraiment ? Après tout, il n’avait qu’une envie chaque soir, celle de le libérer, le laissant agir à sa place, n’attendant finalement que cela... Ce n’était pas pour rien qu’il demandait aux victimes de choisir la sentence de leurs bourreaux, il leur demandait l’autorisation... C’était le déclic qui lâchait le monstre en lui. Ils en étaient la cause... Lui ne laissait que faire.

La cruauté des victimes était souvent plus grande que celles de leurs agresseurs. Après tout cette jeune fille qui n’avait été que molestée lui avait bien demandé de faire saigner le type qui la tenait, et elle n’était pas la première... Si l’erreur pouvait être humaine, l’humain lui l’était-il ? Aucune des personnes qu’il avait sauvées ne lui avait demandé l’absolution pour leur tortionnaire et très peu se contentaient de la loi du Talion : œil pour œil, dent pour dent... Non, elles en réclamaient plus que ce qu‘elles avaient subi, ne s’apercevant même pas de leur propre inhumanité, leurs monstres à elles réveillant le sien. Ce qu’il pouvait honnir cette société si égoïste qu’elle ne pensait pas aux conséquences sur les autres, chacun ne pensant qu’à sa petite personne, à ses envies...

Ignorant le fait qu’on puisse le remarquer dans l’obscurité du quartier, il sortit son paquet de cigarettes de la poche de sa veste et inséra l’embout du filtre de l’une d’elles entre ses lèvres. Remarquant un des bancs en bois encore debout, il y adossa le vélo avant de s'y asseoir. Puis, il attrapa son briquet dans la poche arrière de son jean, et alluma sa Pall Mall. Il tira une longue bouffée sur le filtre et le plaça entre son index et son majeur. Il décida finalement de s’installer ici un moment et étala ses bras de chaque côté, le long du dossier du banc. Peut lui importait de jouer la cible de choix pour les malfrats du coin. Il ne demandait qu’un peu d’action plutôt que de se frotter aux petits délinquants, et toute personne qui entrerait dans ce secteur serait vite repérée dans le silence ambiant, sans compter l’aura qui se dégagerait d’elle...

Tranquillement, à chaque bouffée, il regardait les volutes de la fumée bleutée s’envoler vers le ciel et son regard se posa de nouveau sur la fenêtre allumée. Il remarqua alors l’entrebâillement par le haut de celle-ci et sourit de nouveau. Oui, il fallait être cinglé pour vivre ici ! La lune vint un instant éclairer son visage entre deux nuages passant devant l’astre. Et il bascula la tête en arrière pour tenter d’apercevoir les étoiles dans le ciel nocturne. Ses sens en éveil, il prenait un instant de repos avant de se remettre à la recherche d’autres proies. C’était bien la seule chose qu’on ne pouvait reprocher à ce quartier : sa tranquillité et son calme si différent de celui des rues habituellement fréquentées de Shinjuku. Ce silence apaisant avait le don de le reposer plus que le reste. Se sentir seul ici, vraiment seul, calmait le monstre en lui alors que la foule avait tendance à lui taper sur les nerfs.

Ryo jeta sa cigarette au sol et l’écrasa d’un coup de talon. Jetant un œil vers la ruelle d’où il venait, il aperçut au loin les reflets bleus et rouges des gyrophares posés sur les véhicules d’urgence des pompiers et de la police. Il observa le manège des hommes au loin, écoutant les bruits qui lui parvenaient.

- Ils sont arrivés vite pour une fois, murmura-t-il.

Il se leva finalement au bout de quelques minutes, lassé du spectacle et de l’inactivité de l’endroit. Il se remit en marche dans la direction opposée à la ruelle, s’enfonçant dans l’obscurité de ce quartier délabré limitrophe à celui de Shibuya. Il savait déjà qu’il ne rentrerait pas chez lui de la nuit, si seulement il se décidait d’ailleurs à y remettre les pieds. D’ailleurs où était son chez lui ?

Il se remit en chasse, errant de rue en rue, brisant la main d’un des dealers du coin, tirant dans l’épaule d’un gamin qui venait d’arracher le sac à main de celle d’une femme, continuant à faire ce qu’il faisait le mieux, nettoyer les rues. Il observa un instant l’astre lunaire s’évaporer dans les eaux sombres du port et l’aube se lever sur les quais, et ne se dirigea vers le petit hôtel qui lui servait de pied-à-terre que lorsque la matinée fut déjà bien avancée. Arrivé dans l’entrée de son lieu de repos, il prit soin de demander au gérant s’il avait quelque chose pour lui. Le patron de l’hôtel lui laissait sa chambre gratuitement en échange d’un peu d’aide avec des clients mécontents ou malveillants. Du moment qu’il maintenait la sécurité de cet endroit, il ne lui demandait rien de plus, et le nettoyeur pouvait se reposer ici tranquillement à l’insu de tous.

Il s’était réfugié là depuis plus d‘un an, un peu au hasard, lorsque le gérant lui avait demandé de l’aide alors qu’il passait cette nuit là devant son établissement, réglant leur compte au passage à la bande de loubards qui venaient le racketter pour la énième fois. Déjà à ce moment, il ne rentrait chez lui que rarement, trainant dans les parcs, s’installant de temps à autre dans la journée pour prendre un peu de repos sur un banc ou contre le mur d’un cul-de-sac tel un clochard. Alors son premier repos dans cette chambre que le patron de l’hôtel lui avait proposée en voyant son air abattu, avait été des plus bénéfiques. Son premier sommeil sans cauchemar, sans souvenirs pour lui rappeler l’énormité de l’erreur qu’il avait commise. Et soudainement, l’idée de s’installer ici lui avait traversé l’esprit.

Son appartement était trop rempli de souvenirs. Cela faisait longtemps qu’il n’y était pas revenu... Deux semaines, peut-être trois, suffisamment en tout cas pour que le linge propre qu’il avait emporté pour se changer se soit complètement tari. Il marmonna dans sa barbe naissante. Il allait devoir affronter ses souvenirs et ses démons ne serait-ce que le temps de refaire le plein de vêtements frais, de relever le courrier et peut-être d‘aérer un peu. Mentalement, il se mit à faire la liste de ses priorités pour la journée à venir, tout ce qu‘il avait à faire pour ne pas avoir à repasser dans cet appartement avant longtemps.

Arrivé dans sa chambre, il entassa dans de grands sacs de sport le linge sale qui traînait à droite et à gauche sur le sol de la salle de bain. Et jeta un œil sur son visage dans le miroir qui surplombait le lavabo. Il ne ressemblait plus à rien de ce que les gens connaissaient de lui. Sa barbe naissante encadrait le bas de son visage et des fils d’argent commençaient à poindre dans ses cheveux noirs. Pour le moment il était bien le seul à les voir. Il aurait fallu que quelqu’un réussisse à l’approcher de près pour les apercevoir, mais il ne laissait cette occasion à personne. Alors pourquoi s’offusquerait-il des marques que pouvait laisser le temps sur lui. Approchant son visage, il se mit à fixer son œil droit, parcourant son iris, scrutant sa pupille à la recherche du monstre qui se terrait là. Ou était-il dans son œil gauche ? Peut importait l’endroit où il se cachait en lui d’ailleurs. Il sentait son cœur se serrer, son estomac se nouer, rien qu’à l’idée de retourner dans son appartement. Car s’il y avait une seule chose qui pouvait faire peur au monstre tapi en lui, c’était bien ce lieu... !

A chaque fois qu’il devait y remettre les pieds, c’était le même cirque finalement. Il devrait peut-être mieux le quitter pour de bon, s’installer ici définitivement ! Tirer pour de bon un trait sur son passé, sur sa vie avec elle. L’idée germait de plus en plus en lui ces derniers temps. Il se passa machinalement les mains sur les joues, tirant au passage la peau jusqu’à ce que ses paumes arrivent jusqu’au menton. Soupirant, il sortit de la salle de bain et récupéra sur son lit les sacs emplis de linge. Il ouvrit la porte, la verrouillant derrière lui et se dirigea vers l’arrière de l’hôtel. Ouvrant la porte qui donnait sur le parking interne de l’établissement, il se saisit de ses clefs de voiture et ouvrit la portière passagère de sa Mini pour y jeter pêle-mêle son chargement. Puis faisant le tour du véhicule, il s’installa à la place du conducteur et alluma le moteur.

Arrivé en bas de l'immeuble de City Hunter, il ne prit même pas la peine de déverrouiller la porte. Il ne la fermait plus, peu lui importer que son appartement fut cambriolé ou pas ! Il monta rapidement les étages et stoppa net devant l'entrée. Il se mit à trembler, le monstre en lui geignant tel un animal apeuré. Il tendit la main pour tourner la poignée de la porte et l'ouvrit en grand pour en passer le seuil. Laissant ainsi cette porte ouverte, il s'engouffra dans ce qui était sensé être son chez lui. Son chez lui ! Son chez lui ? Il secoua la tête à cette pensée. Il n'avait plus de chez lui, plus de famille, plus rien qui le rattachait à cet endroit si ce n'était les souvenirs... Il se rabroua intérieurement sur la fébrilité de ses mouvements et décida de ne plus y penser pour le moment.

Il monta les escaliers qui l'amenaient à la salle de bain et, défaisant les sacs de linge, enfourna une partie de ses vêtements dans l'antre de la machine à laver avant d'y rajouter la lessive et de mettre en route le programme. Laissant à terre le restant de ses affaires sales qu'il lui faudrait laver dans la journée, il sortit une nouvelle cigarette de son paquet de Pall Mall et monta sur le toit rejoindre la personne qui s'y trouvait déjà...





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyDim 6 Mar 2011 - 1:48

Chapitre 6 : Face à l’ange messager.

Ryo se dirigea d’une traite vers son invité du jour. Invité le terme était osé, mais comment aurait-il pu le qualifier autrement, vu qu’il laissait sa porte ouverte jour comme nuit tout en abandonnant l’appartement plus de deux semaines sans même venir le vérifier de temps à autre. Cet appartement qu’il ne pouvait plus voir en peinture tant les souvenirs qu’il y possédait le hantaient dès qu’il y posait les pieds. Il se voyait mal expliquer aux différents intrus qui pouvaient y passer qu’ils n’étaient pas les bienvenus même si sa porte était grande ouverte. Alors il préférait encore leur donner cette permission, les regardant comme des invités admis.

D’ailleurs, il savait pertinemment que les seules personnes qui osaient en franchir le seuil n’étaient pas ses ennemis. Ces derniers connaissaient trop bien sa réputation pour se risquer à mettre un seul pied ici. Ils savaient avec justesse que le courroux du nettoyeur ne leur apporterait que des ennuis s’ils avaient eu le malheur de faire un tour dans cette antre, dans son quartier général. Alors même si le milieu dans sa totalité connaissait son lieu de vie, aucun n’avait osé l’attaquer en ces lieux depuis qu’elle en était partie.

Il s’arrêta à deux mètres de l’individu accoudé sur la rambarde du toit, le jaugeant de toute sa hauteur. L’homme lui tournait le dos, ne s’aventurant même pas à le regarder, sachant pourtant qu’il était derrière lui. Non, il préférait laisser son regard errer sur les toits de la ville, fumant la cigarette qu’il tenait dans ses mains, laissant les mèches de sa chevelure blonde voler sous la brise de l’été. L’homme était habillé d’un costume blanc, et Ryo n’eut aucun mal à deviner que le restant de la panoplie de son invité n’avait guère changé depuis le temps qu’il ne l’avait vu, si ce n’était une attitude plus sérieuse dans sa posture.

Il connaissait pourtant les habitudes de cet homme, les mêmes que les siennes avant. Mais depuis trois ans, depuis l’enterrement d’Umibozu, il ne l’avait pas revu. Dans son esprit, il avait enregistré l’image d’un Mick pervers et débauchard, celui de son compagnon pour les sorties entre hommes dans le quartier chaud du Kabuchikô , visitant avec lui les clubs à hôtesses ou l’entraînant dans un pari sur celui qui réussirait en premier à draguer une des femmes qui passaient dans les rues de Shinjuku. Mais il possédait également en tête la dernière image qu’il avait eue de lui. Il le revoyait le jour où le corps d’Hayato Ijuin avait été rendu à la terre, la tête baissée, les larmes au bord des yeux devant la tombe encore ouverte, serrant les poings contre son complet noir. Puis il avait levé les yeux sur lui, ses yeux bleus remplis de colère envers lui, presque de haine. Ses prunelles bleues... Jamais il n’avait pu depuis oublier le regard si lourd de reproches que son meilleur ami avait posé sur lui, le regardant droit dans les yeux, face à face, avant que Ryo ne fasse demi-tour pour se réfugier sur la tombe de Makimura situé à l‘opposé du cimetière. Et il avait attendu là que tous ses amis partent enfin, sortent de cet endroit pour le quitter à son tour.

Comment aurait-il pu ce jour là lui expliquer à quel point il s’en voulait de ne pas être venu à leur rescousse lorsqu’ils l’avaient appelé sur son portable ? Comment lui dire la culpabilité qu’il avait ressentie en ayant compris que c’était un travail que ses amis avaient effectué à sa place ? Il ne le pouvait pas. Même s’il avait compris longtemps avant que Mick et Umibozu avaient pris le relai de City Hunter pour répondre aux XYZ affichés sur le tableau des messages de la gare de Shinjuku, il ne leur avait rien demandés. C’était leur initiative propre et entière. Qui à part eux d’ailleurs aurait pu répondre à ses messages puisque City Hunter n’était plus là pour le faire ? Comment leur dire qu’à ce moment là, qu’à la minute où ils l’avaient appelé à l’aide, il était complètement avachi dans son canapé, des larmes mal contenues sur les joues, la bouteille à la main et des souvenirs remplis d’elle plein la tête ? Comment leur expliquer qu’il n’arrivait plus à surmonter la douleur de ne plus la voir ou de pas avoir de ses nouvelles, réalisant enfin l’erreur d’avoir laissé passer sa chance avec elle ? De l’avoir laissée partir un an auparavant...

Et depuis ce neuf novembre, le jour où Umibozu avait été enterré, il n’avait plus revu personne laissant la rage prendre place dans son cœur. Cette première nuit où il avait décidé de s’activer, de sortir de la torpeur où il s‘était enfermé depuis son départ, il avait laissé pour la première fois le monstre en lui prendre un peu le contrôle, massacrant sans vergogne les types qui avaient fait du mal à sa “famille” déjà fragilisée. Il avait bien sûr su par les échos que lui renvoyaient ses indics du moment que ses amis avaient repris chacun de leur coté leurs vies, éclatant complètement “la famille” qu’ils composaient tous et qu’ils tentaient vainement de continuer à être depuis qu’elle était partie loin d’eux. Mais malgré tout, il n’ignorait pas que chacun dans son coin continuait à se tenir eux aussi informés sur ses activités à lui et sur celles de chacun des autres... Alors une seule question se posait à lui en voyant l’attitude sérieuse plutôt que désinvolte de l’homme planté droit comme un piquet devant la rambarde qui faisait le tour de son toit : Pourquoi au bout de trois longues années sans avoir une seule fois demandé de ses nouvelles, pourquoi Mick Angel se trouvait là ?

- Tu as l’air d’aller plutôt bien ! finit par dire ce dernier, son regard toujours perdu sur la ville.

Sa voix grave et calme ne demandait pas de réponse, et Ryo ne lui en donna pas. Il alluma tranquillement sa cigarette et s’installa à coté de son meilleur ami, regardant à son tour l‘animation des rues de la ville. Son meilleur ami... Même si les choses avaient changées entre eux, il n’avait personne d’autre qui aurait pu depuis se voir glorifier de ce titre auprès de lui, alors oui, Mick Angel restait toujours et encore son meilleur ami. Il se décida à briser la gène qui régnait entre eux.

- Comment va le petit Mick junior ?

Son voisin mit un moment à lui répondre avant de se retourner finalement et de le fixer d’un regard vide.

- Alors tu as su pour Kazue... ?
- J’ai appris la chose oui.
- Tes indics ne se tiennent pas bien au courant, j’ai l’impression : le petit Mick junior est une petite Kia ! rétorqua l’américain. Elle a les yeux de son père, et heureusement pour elle, la beauté de sa mère. Elle ressemble plus à sa mère de toute façon, le caractère y compris...

Sa voix était monotone et lasse. Elle s’était transformée en murmure sur la dernière phrase. Ryo se redressa et fixa à son tour son ami. Les années semblaient glisser sur Mick Angel sans jamais l’atteindre. Il avait toujours cette crinière dorée qui lui faisait comme un halo autour de son visage. Aucune marque du temps n’était venue depuis ces trois années orner la figure de l’américain. Ryo dût reconnaître qu’il n’avait rien perdu de sa prestance ou de sa façon d’être malgré le fait d’être devenu père ou des épreuves qu’il avait endurées depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Rien à voir en comparaison avec lui. Il devait bien le reconnaître. Lui se laissait aller, ne se rasant que lorsqu’il trouvait sa barbe trop envahissante, ne prenant même pas la peine de coiffer ses boucles rebelles, se contentant souvent de les remettre en place chaque matin après sa douche d’un mouvement de la main. Des ridules marquaient désormais son visage, indiquant les heures sombres que le nettoyeur vivait depuis longtemps sans jamais prendre le temps de se dérider un peu, de s’aérer la tête. Mick lui semblait avoir réussi à surmonter tout ce qui s’était passé depuis ces quatre années alors que lui même s’enfonçait de plus en plus dans les abîmes du monstre en lui.

- Tu fais peine à voir !

Mick mit ses mains dans ses poches et tourna de nouveau son regard vers la ville. Il n’y avait qu’une chose que l’américain avait de nouveau dans ses yeux bleus. Une tristesse latente qui ne semblait pas le quitter tout comme cette attitude sérieuse. Même lorsqu’il avait évoqué sa fille, Mick n’avait pas esquissé le moindre sourire. Il n’était pas heureux d’être là, n’en avait pas l’envie, Ryo le sentait. Alors pourquoi en cette fin de matinée d’été, était-il posté sur son toit, attendant sa venue, plutôt que tranquillement installé chez lui en compagnie de Kazue ou en train de profiter de sa fille en la faisant sauter sur ses genoux ? Il avait quelque chose à lui annoncer ou à lui demander mais semblait hésiter à cracher le morceau, comme s‘il cherchait encore un moyen de pouvoir se passer de lui.

- Et comment se porte Kazue ?
- Ryo, je suis pas là pour évoquer la vie que j’ai eu depuis ces trois dernières années ! lâcha Mick en une réplique cinglante, un roulement rauque dans la voix.

Les prémices de la colère qu’il avait senti poindre chez son ami s’étaient réveillées d’un coup, signalant à Ryo tout le bien qu’il pouvait penser de lui. Finalement les reproches de l’américain ne s’étaient pas atténués après tout ce temps. Bien au contraire, le sourire qui ourlait à présent ses lèvres était plus un rictus qu’une invitation à faire la paix.

- Alors pourquoi es-tu là Mick ?

Mick ôta d’un geste des épaules sa veste pour la rattraper avant qu’elle ne touche le sol et la poser contre la rambarde du toit. Puis, sans prévenir, il se retourna et lui envoya un uppercut directement dans la mâchoire. Ryo tomba à terre sous la violence et la vitesse du coup. Il essuya de sa manche le filet de sang qui coulait de sa lèvre au moment où elle avait explosée sous le poing de l’américain. Il redressa la tête vers son meilleur ami. Il n’avait pas cherché à esquiver le coup sachant déjà ce que ferait Mick en le voyant retirer sa veste. S’il avait espéré ainsi le calmer un peu, ce ne fut pas le cas. La rage qui l’animait indiqua clairement à Ryo qu’il n’en avait pas encore fini avec lui.

- Je suis là parce que Miki me l’a demandé. Je suis là parce que si tu n’avais pas été si lâche il y a quatre ans, aucun d’entre nous ne vivrait dans cet état et qu‘Umibozu serait encore vivant. Je suis là parce qu’à cause de ta connerie monumentale, maintenant, elle est en danger, on-ne-sait-où, et que c’est toi qu’elle appelle au secours...

Ryo se redressa lentement, ses yeux noirs agrippés à ceux de son ami. Mick avait hurlé tout ce que son cœur contenait de rancœur depuis des années. Il n’avait pas besoin d’en dire plus, ni de signaler toutes les choses qui découlaient de l’erreur qu’il avait faite. Il les connaissait parfaitement. Mais dans tout ce qu’avait énoncé l’américain une chose avait retenu son attention plus que les autres. Si aucun d’entre eux n’avaient osé évoquer sa partenaire depuis son départ de Shinjuku en sa présence, ce contentant d’y faire référence indirectement, la dernière phrase de l’américain était sans équivoque... Elle... Kaori....

- ... Et même si c’est toi qu’elle appelle, je me demande franchement à quoi tu vas nous servir vu l’état pitoyable dans lequel tu es. Ton ombre est dans un meilleur état que toi-même. Je suis même très surpris que tu ne te sois pas encore fait tuer par un des gamins qui traînent dans la rue le soir. Ou alors ai-je tort de penser que Ryo Saeba erre toutes les nuits à la recherche de sa propre mort ?

Il le regardait narquoisement, la colère lui transpirant par tous les pores de la peau. Oui, Mick était en colère après lui et le coup de poing qu’il lui avait donné ne semblait en aucun cas l’avoir calmé. Malgré tous les reproches qu’il lui avait faits, il y avait une chose dans l’équation qu’il ignorait pour que la rage de son ami soit à ce point enflammée. Il se mit à analyser les mots qu’avait prononcés Mick. Qu’avait-il dit ? Qu’elle était en danger ? Les yeux de Ryo s’écarquillèrent. C’était impossible qu’elle soit en danger...

- Tu veux me prouver que tu peux encore servir à quelque chose ? lui demanda-t-il en le défiant, Viens nous rejoindre au Cat’s, ce soir, 19h !

Et pour agrémenter ces mots, il mit la main droite dans la poche de son veston et en sortit un morceau de papier qu’il lui jeta. Le papier vint s’échouer aux pieds de Ryo, frémissant légèrement sous la brise chaude qui passait sur le toit. Puis attrapant sa veste d’une main, Mick la passa négligemment par dessus son épaule et se mit en marche vers la sortie du toit. Il passa devant Ryo sans faire un geste de plus que celui de marcher, puis l’ayant dépassé, il clôtura sa visite par une dernière affirmation :

- De toute façon si tu ne viens pas cette fois, c’est moi qui te descendrai !

Il ouvrit finalement la porte qui l’empêchait de sortir de ce toit, laquelle grinça sous l’action avant de la refermer derrière lui. Ryo entendit les pas rapides de son meilleur ami descendre les escaliers avant de sortir de l’immeuble. Son meilleur ami qui ne prenait même pas la peine de dissimuler l’aura de colère qui émanait de lui. Cette aura que leurs ennemis auraient tôt fait de repérer, mais qui était telle qu’il savait déjà que la plupart se terrerait plutôt que d’affronter Mick Angel dans cet état de fureur. Cette aura... Il la sentit s’éloigner à travers les rues de Shinjuku en direction du Cat’s Eyes.

Ryo posa un pied sur le papier qui menaçait de s’envoler. Il ne bougeait toujours pas, tournant le dos à cette porte par laquelle Mick était parti. Les phrases de ce dernier se répétant dans un écho interminable dans son crâne...

“Je suis là parce que Miki me l’a demandé.” “... parce que si tu n’avais pas été si lâche il y a quatre ans, aucun d’entre nous ne vivrait dans cet état et qu‘Umibozu serait encore vivant.”

Miki lui avait demandé de venir le trouver. Étrange quand on savait qu’elle refusait de voir quiconque depuis la mort de son mari, et lui en particulier. Tout le monde connaissait la douleur d’avoir perdu un être cher, mais Miki avait perdu un des piliers qui la rattachait à sa “famille” de cœur, le dernier. Elle avait beaucoup souffert déjà du départ de sa meilleure amie qui allait faire sa vie ailleurs, loin d’eux, puis c’était son mari qui était décédé, la plongeant dans une souffrance telle qu’elle ne supportait plus de voir les autres membres de la bande. Il fallait vraiment que l’affaire soit importante pour qu’elle daigne contacter l’un d’eux... En particulier s’il s’agissait de Kaori...

“Je suis là parce qu’à cause de ta connerie monumentale, maintenant, elle est en danger, on-ne-sait-où, et que c’est toi qu’elle appelle au secours...”

Kaori en danger... Kaori... Son cerveau buguait sur ces mots. Elle ne pouvait pas être en danger, pas là où elle était. Il en était tellement persuadé que depuis qu’il avait été certain qu’elle était bien installée à Kagoshima sur l’île de Kyushu, même si elle ne donnait plus de nouvelles à personne, si elle n’avait contacté aucun membre de leur famille depuis plus de trois ans, qu’il n’avait pas cherché à en prendre lui-même. Après tout, c’était lui qui lui avait dans sa dernière lettre ordonné de cesser tout contact avec les personnes qu’elle côtoyait à Shinjuku et dans le reste de Tokyo lorsqu‘elle lui avait annoncé son déménagement de Miyakonojo vers Kagoshima. Maintenant qu’elle était à l’abri, qu’elle était retournée à la vie normale, il n’aurait plus manqué qu’un membre du milieu la piste via ses lettres pour l’arracher au bonheur qu’elle avait trouvé loin d’eux tous...

“Et même si c’est toi qu’elle appelle, je me demande franchement à quoi tu vas nous servir vu l’état pitoyable dans lequel tu es.”

Et quelque part ça l’avait arrangé de ne pas avoir de ses nouvelles. Il n’avait pas supporté son départ, encore moins son absence, et chacune de ses lettres, chacun de ses coups de fils lui arrachaient un peu plus vite le cœur. Il avait abandonné l’appartement après avoir constaté qu’il ne supportait plus d’y vivre sans elle, qu’elle emplissait les pièces, spectre de ses souvenirs où il la revoyait s’activer au ménage, regarder la télé, venir le réveiller chaque matin. Il avait erré au départ dans cet appartement, noyant son chagrin, refusant de sortir, jusqu’à se retrouver saoul et gémissant, geignant son prénom dans l’obscurité de la nuit, partagé entre le désespoir et la haine de lui-même, la haine de tout le monde, de cette société, de son travail qui l‘avait empêché de la garder près de lui pour qu‘il ne la retrouve pas un jour dans cet appartement, allongée au milieu d‘une mare de sang... Et le résultat avait été la mort d’Umibozu !

“Ou alors ai-je tort de penser que Ryo Saeba erre toutes les nuits à la recherche de sa propre mort ?”

C’est à partir de ce jour qu’il avait enfin choisi entre la peine qui l’envahissait et la rage qui l’habitait déjà. Laissant de coté ses larmes, ses souvenirs d’elle, il s’était mis à se balader dans les rues de Shinjuku, reprenant son rôle dans cette société grotesque. Et il partait chaque soir, non plus se réjouir des joies qu’avait à lui offrir le Kabuchikô, mais pour traquer les âmes qui y erraient comme lui, à la recherche de proies à déposséder ou à violenter... Puis après Kabuchikô, il avait commencé à en faire autant dans les secteurs alentours s’enfonçant de plus en plus dans le labyrinthe des rues de la ville. Mais cela ne lui suffisait pas. Nettoyer les rues de la ville ne lui faisait même pas plaisir. S’il prenait le temps d’y réfléchir, ce n’était pas cela qu’il cherchait chaque nuit en fin de compte. Il ne sortait que rarement son Magnum de son holster pour débarrasser les quartiers des parias qui y sévissaient, ne l’utilisait que lorsque les types étaient trop éloignés de lui pour qu‘il puisse les atteindre avant qu‘ils ne prennent la fuite. Sinon ses mains suffisaient... Et s’il ne sortait même plus son arme, c’était parce qu’il ne demandait qu’une chose finalement. A bien y repenser, c’était pour cela qu’il s’était assis à découvert cette nuit sur ce banc dans ce quartier délabré et réputé pour être mal famé... Mick avait finalement raison. Il cherchait celui qui serait digne de mettre fin aux tourments de Ryo Saeba, de tuer le monstre qu’il devenait un peu plus chaque jour.

“Viens nous rejoindre au Cat’s, ce soir, 19h !” “De toute façon si tu ne viens pas cette fois, c’est moi qui te descendrai !”

Et si finalement Mick était sa solution. Après tout, il ne connaissait pas de meilleur adversaire que lui sur le sol japonais. Il se mit à sourire à cette idée. Idée stupide évidemment ! Il n’engagerait pas de duel à mort avec Mick ! Il les avait abandonnés une fois, une seule et un de ses amis y avait perdu la vie, alors cette fois non, il ne les laisserait pas tomber ! Alors, il n’y aurait pas de duel. Même s’il n’était plus désormais aussi proche d’eux qu’auparavant, il irait voir ce qu’il pouvait leur apporter. Et puis cela concernait Kaori ! Il n’arrivait toujours pas à y croire. Comment cela pouvait-il concerner Kaori ?

Il se décida enfin à récupérer le morceau de papier toujours coincé sous sa chaussure. Se baissant lentement, il souleva son pied et d’une main ramassa ce que Mick lui avait jeté. Se relevant, il observa un instant l’état de cette missive, le tournant et le retournant par tous les bords dans chacune de ses mains. Le papier était plié grossièrement en quatre et on pouvait y apercevoir ici et là des traces de boue, de café et un petit filament de sang qui ornait une des tranches. A bien y regarder, il n’y avait rien d’exceptionnel dans ce morceau de feuille blanche... C’était ce genre de feuille que l’on trouvait dans toutes les ramettes de papier que chaque quidam achetait pour son imprimante ou les entreprises pour leur photocopieuse dans les points de vente équipés d‘un rayon papeterie...

Il savait que ce n’était pas cette feuille qui était importante de toute façon, mais le message qu’elle contenait. Ce message qu’il craignait de connaître déjà. Il se refusait pourtant de le lire, ne voulant pas admettre une autre vérité que celle qu’il s’était forgé au fil de ces quatre années. Elle ne pouvait pas être en danger. Elle ne pouvait pas l’appeler à l’aide. Il était impossible qu’il en soit autrement. Et pourtant ce bout de papier qu’il tenait dans ses doigts briserait cette conviction, cette immuable idée qui lui disait qu’elle était enfin heureuse loin de lui, loin de leur milieu... Ce simple mot anéantirait les efforts qu’il avait faits pour la laisser partir, la sachant en sécurité...

“Je suis là parce qu’à cause de ta connerie monumentale, maintenant, elle est en danger, on-ne-sait-où, et que c’est toi qu’elle appelle au secours...”

Il prit sur lui et ouvrit fébrilement la lettre. Ses yeux se posèrent sur les trois lettres et les trois petits mots qu’il analysa rapidement. Trois lettres et trois mots qui suffirent à balayer dans sa tête la raison pour laquelle il errait dans les rues de Shinjuku depuis trois ans. Trois lettres et trois mots qui le firent se précipiter vers le Cat’s, empruntant quelques instants plus tard le même chemin que l’américain qui lui servait de meilleur ami.





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyMar 5 Avr 2011 - 12:57

Chapitre 7 : A cause d’un papillon.


Mick avançait dans le méandre des rues nippones, percutant les passants qui le croisaient sans en avoir cure, crispant les poings dans les poches de sa veste. Sa fureur ne s’était pas relâchée et il ressentait le besoin impérieux de la faire passer à la première occasion qui se présenterait . Il passait dans des rues qu’il connaissait désormais par cœur. Depuis combien de temps était-il arrivé à Shinjuku ? Cinq ans ? Non, plutôt six... S’il avait su en débarquant sur le sol japonais, quittant les USA où il se sentait pourtant bien, que ça le mènerait là, il se serait abstenu d’accepter ce contrat... Ou mieux encore : il l’aurait honoré, éliminant Ryo Saeba, arrêtant là la course du temps qui avait bousculé sa vie d’avant.

Il aurait fallu si peu de choses pour changer le cours de sa vie finalement. Il aurait simplement fallu qu’il prenne la décision inverse... Cela ne l’aurait pas dérangé. Non, cela n’aurait pas bousculé sa vie, et surtout cela ne l’aurait pas mené à celle qu’il avait actuellement. Mais non ! Son cœur s’était pris au piège que lui avait tendu une femme sans même le savoir elle-même et il avait cédé devant ses larmes, laissant cette même femme à celui qu’elle aimait. Mais pour quel résultat ? Il donna un coup de pied rageur dans une poubelle qui était à sa portée. Non, s’il avait su, il n’aurait pas enduré tout ce que cette rupture de contrat lui avait valu.

Jamais de toute sa vie, il n’avait refusé et encore moins abandonné un contrat. Jamais il n’avait laissé une cible lui échapper, prenant au passage le plaisir de réussir à séduire sa veuve ou son amie du moment. Et dire qu’avant, il ne se posait pas toutes ces questions ! Avant de venir au Japon, dans son esprit, tout le monde était finalement gagnant lorsqu‘il remplissait un contrat. Il aimait à se dire que les femmes qui lui tombaient dans les bras n’étaient pas réellement amoureuses et pour certaines, même pas heureuses avec les hommes qu’il avait à exécuter : sinon elles n’auraient pas si facilement cédé à ses avances. Et lui en profitait alors, pour leur donner un instant de bonheur dans leurs vies avant de les débarrasser de l’homme qu’elles fréquentaient. Il leurs donnait ainsi une nouvelle chance de pouvoir être heureuses auprès d’un nouvel amant, de redémarrer une nouvelle vie avec parfois en bonus, une petite fortune dans leur veuvage, ce qui était encore moins pour leur déplaire.

Mais non ! Cette fois là, cette unique et seule fois où il avait tenté de draguer la partenaire de sa cible, c’était lui qui avait perdu devant cette femme. Il avait laissé la vie à Ryo Saeba et avait tout perdu : son contrat, son honneur de nettoyeur, la possibilité de revenir aux États-Unis vivant, et même sa capacité à réellement séduire les femmes. Et tout ça pourquoi ? Pour une femme justement. La seule qui ait jamais su toucher son cœur, la seule qui l’ait ému au point de foutre toute sa vie passée en l’air. Celle qu’il n’aurait jamais pourtant, puisqu’elle en aimait un autre et qu’il avait par amour pour elle respecté son choix. La femme à cause de qui sa vie était maintenant un enfer. Celle qui avait finalement tout déclenché. La même qui le faisait rester encore sur le sol nippon au lieu de rentrer tout bonnement chez lui aux États-Unis maintenant qu‘il le pouvait. Et il y serait déjà si Miki ne l’avait pas appelé ce matin lui disant qu’elle avait récupéré un mot de Kaori.

Il n’y avait pas cru sur le moment, pas après tout ce temps, pas au moment même où il enregistrait ses bagages au terminal C de l’aéroport de Tokyo. Il était resté sur le moment les yeux ébahis, le téléphone toujours à l’oreille, son ouïe uniquement focalisée sur ce que lui disait Miki. Miki ! Miki qu’il n’avait pas vue depuis tant de temps. Miki qui lui racontait qu’une inconnue avait débarqué la veille au café et qu‘un morceau de papier était tombé de la poche de sa jupe. Miki qui lui affirmait que ce bout de papier était de la main de Kaori... Trop surpris, il n’avait même pas entendu l’annonce pour les voyageurs signalant que l’embarquement était en cours. A l’évocation de ce prénom, il était devenu complètement sourd aux bruits qui l’environnaient et n’avait même pas continué à écouter ce que lui disait l’ancienne mercenaire. Il avait laissé là tout ce qu’il possédait pour se diriger comme maintenant droit vers le Cat’s Eye.

Fallait-il que ce soit une coïncidence : ce bout de papier qui arrivait dans sa vie alors que cela faisait plusieurs mois qu’il s’était mis à la recherche de son premier amour ? Qu’après autant de temps à la chercher sans jamais relever le moindre indice qui aurait pu le conduire à elle, après qu’il se soit demandé s’il était vraiment bon dans son métier à force de ne rien trouver...? Fallait-il que ce soit une coïncidence que Miki l’appelle le matin même où il allait prendre son avion et oublier sa vie à Shinjuku, tirant un trait définitif dessus ? Il n’y croyait pas. Sa vie était régie par les lois du Chaos : "le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ?" Et ce mot ramassé par une inconnue dans la rue, amené par le plus grand des hasards là où on serait capable de le comprendre, au Cat’s Eye... Ce mot avait une fois encore changé la direction de sa vie...

Fallait-il aussi qu’il soit aveugle pour comprendre seulement maintenant, après six ans de vie dans la capitale Tokyoïte, que son papillon à lui avait été Kaori ? Il le savait pourtant que la plus infinitésimale des choses pouvait radicalement varier le cours de sa vie, que rien n’y était déterminé si ce n’était les décisions qu’il prenait pour en fixer le but. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait terminé ce contrat. Mais il avait fallu qu’il rencontre Kaori et qu’il en tombe amoureux. Et pour elle, il avait tout laissé, tout subi, la laissant à celui qu’elle aimait par amour d’elle, pour son bonheur à elle, lui volant ce qu’il pensait être son dernier souvenir d’elle en grimpant dans cet avion qui le conduirait vers les États-Unis où il était sûr de trouver la mort pour avoir rompu son contrat avec Kaibara. Ce baiser, il en avait parfois encore la texture sur la bouche. La douceur des lèvres de Kaori contre les siennes...

Il sortit une de ses mains de sa veste et se passa doucement un doigt sur les lèvres. Oui, il avait enduré tellement de choses par amour de Kaori, et ce souvenir là les valait au centuple. Rien, n’arrivait même au prix que valait ce baiser, ni les coups de massues, ni les souffrance du sevrage de l’Angel Dust, ni même la mort... Il aurait tout bravé encore s’il avait eu ne serait-ce qu’une fois l’occasion de gagner le droit de re-goûter à la saveur des lèvres de Kaori contre les siennes. Rien que pour ce souvenir, il aurait voulu remonter la course du temps, éliminer Ryo Saeba et prendre sa place...

Quand il avait vu l’amour que se portaient ces deux êtres, il avait abdiqué, laissant pour de bon le cœur de Kaori entre les mains du nettoyeur. Mais pour quel résultat ! Trop lâche pour se décider à la garder pour de bon près de lui, à lui avouer les sentiments qui l’animaient lorsqu’il la regardait à la volée. S’il l’avait su, s’il n’avait pas été persuadé qu’un jour son ami se déciderait à tout lui avouer, il n’aurait jamais cédé sa place... Il lui aurait fait une cour effrénée au lieu de jouer à l’idiot uniquement obnubilé par son mokkori. Il l’aurait séduite malgré Ryo, plutôt que de voir la lâcheté de ce dernier la laisser partir entre les bras d’un autre. Et il aurait été enfin heureux auprès de la seule femme qu'il ait jamais aimée...

Oui, il aurait réussi à l’aimer et à la garder auprès de lui malgré les sentiments qu‘elle éprouvait pour Ryo. Il le savait, en était certain depuis qu’il avait vu la réaction de Kaori lorsqu’elle avait appris que Kazue était entrée dans sa vie. Sa chance n’avait réellement passé que lorsque Kazue était entrée dans cette chambre d’hôpital et qu’elle avait compris qu’ils s’étaient mis en couple. A cette époque, elle hésitait encore sur ses sentiments profonds envers Ryo, et la possibilité, la certitude d’être aimée de lui. Comme elle l’avait fait quand elle avait rencontré ce Shaaru.

A l’époque, il avait bien remarqué un changement de comportement chez Kaori. Il en été même arrivé à soupçonner que Ryo s’était enfin décidé et que le couple, qui vivait en face de chez lui, gardait encore secret cet amour enfin avoué entre eux. Mais il avait vite déchanté en voyant la tête de Ryo qui elle, était toujours aussi taciturne devant son verre, alors qu’ils étaient comme presque tous les soirs attablés dans un des bars du Kabuchiko. Il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il le sentait. Et finalement, son intuition s’était révélée exacte lorsqu’il avait croisé par hasard Kaori et ce type dans la rue.

Il frissonna en constatant que ses pas l’avaient mené directement sur le lieu où il les avaient aperçus pour la première fois et serra encore plus ses poings, à en avoir mal. Quand il repensait à la vision qu’il avait eu ce jour là. Il était tout bonnement dans sa voiture, coincé dans un embouteillage, attendant avec impatience que le camion de livraison qui barrait à ce moment la voie veuille bien se garer ailleurs ou à la rigueur reparte. Kazue l’attendait à la clinique où il devait aller la chercher avant qu’ils ne se fassent un repas en amoureux. Et vu les SMS de sa belle qui arrivaient de plus en plus régulièrement sur son portable, il avait deviné que l’humeur de Kazue et son impatience atteignaient bientôt leur limites. Il avait alors donné un coup de klaxon rageur avant de laisser son regard se poser sur le Parc national de Shinjuku Gyoen en contrebas de la route.

C’est là qu’il les avait vus ensemble pour la première fois. Au début, il avait même refusé de croire que la silhouette adossée à un arbre était bien Kaori. Sa Kaori, qui portait à la main un sac plastique rempli de courses alors qu’un type à ses côtés la faisait rire aux éclats. Et le visage de ce type était bien trop près à son goût pour qu’il ne puisse pas comprendre ce qu’il se passait entre lui et son premier amour. Cet homme était tout simplement en train de la charmer comme tout homme normal et amoureux l’aurait fait. Comme lui avait tenté de le faire à l’époque où il avait encore ce contrat à remplir. Comme lui aurait voulu pouvoir le faire s’il n’avait pas laissé cette place à Ryo, mais que ce dernier n’avait pourtant pas voulue saisir.

Lorsqu’il avait vu leurs visages se rapprocher encore, un sentiment de rage et de jalousie s’était inséré en lui. Ce sentiment qui ne l’avait jamais plus quitté par la suite. Comment cet homme osait-il goûter à la saveur des lèvres de Kaori ? Il avait voulu à ce moment là descendre de sa voiture. Oui, s’il s’était écouté, il serait descendu de ce carcan de tôles pour se diriger droit vers le couple et démolir ce type qui osait poser les mains sur Kaori, qui avait même simplement osé poser les yeux sur elle. Mais le camion de livraison était parti à ce moment là et les avertissements sonores des automobilistes derrière lui l'avaient rappelé à l’ordre pour lui signaler qu’il était le seul désormais à bloquer la route.

Il avait donc enclenché la première vitesse et s’était remis en route. La soirée avec Kazue s’était déroulée par la suite dans un silence mémorable. La jeune femme ne comprenant pas ce qui lui arrivait jusqu’au jour où Kaori leur avait présenté Shaaru. Mick stoppa près d’un arbre du parc pour y envoyer un coup de poing. Pourquoi avait-il fallu qu’elle tombe dans les bras de ce type, ce succédané de Ryo. Car dans son esprit rien ne pourrait remettre en question cette conviction qu’il avait depuis qu’elle le leur avait présenté au Cats. Cheveux noirs, yeux d’ébène, grand et presque aussi musclé que Ryo ou lui... Cet homme avait plu à Kaori parce qu’il ressemblait à Ryo, mais surtout parce que contrairement à ce dernier, lui n’avait pas hésité à lui faire connaitre ses sentiments. Et Kaori, bien qu’amoureuse de Ryo, s’était laissée aller à cette image qu’inconsciemment Shaaru lui renvoyait. Mick ne voyait pas d’autres raisons qui auraient pu expliquer pourquoi la jeune femme avait si facilement cédé à cet homme si ce n’était qu’en lui, elle voyait Ryo tel qu’elle l’espérait depuis toutes ces années. Un Ryo amoureux d’elle.

Et s’il n’avait toujours pas réagi quatre ans auparavant, c’est parce que son ami ne l’avait pas fait. Il n’avait pas su quoi faire de toute façon lorsqu’il avait vu Ryo laisser sa partenaire dans les bras d’un autre. Fuck ! C’était pourtant bien la femme qu’il aimait qui se faisait attraper dans les filets d’un autre et il restait là, les yeux dans le vague à faire comme si de rien n’était. Pourquoi cet abruti n'avait pas réagi ? Il n’aurait fallu qu’un geste de lui pour que Kaori cesse cette relation : qu’il tende la main vers elle, qu’il se dévoile. Mais non ce "son of a bitch" n’avait pas fait un geste pour la retenir. Et quand Lui avait voulu s’en mêler en voyant le tour que prenaient les événements, un coup de poing était venu le remettre à sa place.

Et là, il avait compris ! Ryo n’interviendrait pas. Il lui avait cédé sa place auprès d’elle mais ce dernier ne ferait rien pour la retenir auprès de lui. Il avait donc rongé son frein, souffrant en silence de voir Kaori se rapprocher de plus en plus de Shaaru, de s’ouvrir à son contact jusqu’à tomber vraiment amoureuse de lui. Et lorsqu’elle avait annoncé qu’elle partait vivre avec lui, lorsqu’il avait entendu Ryo balancer un "bon débarras" tout en sachant que ce dernier en son for intérieur n’en menait pas large, il n’avait pas tenu un instant de plus et était sorti du café en claquant la porte au point de faire exploser la vitre qui la composait. Il n’avait plus jamais revu Kaori depuis ce moment là.

Il avait bien cherché à la retrouver depuis quelques temps. Après tout, elle restait son premier amour et la seule qu’il ait jamais voulue avoir auprès de lui. Dans son esprit, il s’était dit qu’il n’avait plus rien à perdre à tenter de la retrouver et de l’arracher à sa vie avec Shaaru. Mais la piste s’était rapidement tarie entre les déménagements du couple et les traces que Ryo avait lui-même effacées pour que le milieu ne puisse pas la retrouver. Leurs traces s’arrêtaient dans les alentours de Kagoshima où Kaori avait trouvé un emploi dans une des écoles de la ville avant de disparaître selon le directeur "du jour au lendemain", sans même le prévenir de son absence ou d‘un quelconque problème. Le vieil homme la décrivait comme anxieuse dans les derniers mois où elle avait travaillé là-bas et avait avoué qu’il était encore inquiet trois ans après de sa soudaine disparition. Cet élément avait perturbé son enquête mais il n’avait rien trouvé de plus à l’appartement qu’elle occupait alors. Celui-ci avait une vue direct sur le Mont Sakurajima et se trouvait non loin de son lieu de travail. L’appartement n’avait eu aucun locataire depuis, mais aucun indice n’indiquait un départ aussi précipité de ses occupants.

Alors il avait abandonné là, décidant de rentrer aux États-Unis pour de bon, pour ne plus jamais à avoir à penser à cette période de sa vie, celle où il avait tout perdu parce qu’il n’avait pas pris les bonnes décisions au moment adéquat, alors qu’il savait pour certaines que c’était renoncer au bonheur dans sa vie. Mais jamais il ne se serait attendu à tant souffrir. Il y avait eu le départ de Kaori, son amour pour un autre l’éloignant à tout jamais de lui, puis la mort d’Umibozu qui avait mis fin au peu de relations qu’il entretenait avec les autres. Et il y avait eu Kazue...
Mick posa son front contre l’écorce de l’arbre devant lequel il se tenait encore. Les lèvres pincées, les poings tellement serrés que les jointures de ses articulations en avaient blanchies. Et il se mit à hurler :

- Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Tapant de rage contre le tronc de l’arbre, il se retrouva finalement à assener de plus en fort les coups, trouvant là quelque part un exutoire à sa douleur, à la colère qu’il ressentait. Sans prendre garde aux passants qui le regardaient de plus en plus, s’agglutinant autour de lui, sans même se demander s’il pouvait être une cible pour un des truands qui pourrait passer par là, Mick faisait passer la douleur qui sourdait en son cœur depuis tant de temps. Jusqu’à ce qu’un policier vienne mettre de l’ordre dans la foule puis le rappelle à l’ordre.

- Laissez monsieur l’agent ! Je vais m’occuper de lui.

Cette voix lui fit tourner la tête et le mena sur une silhouette qu‘il eut du mal à distinguer parmi la foule, jusqu‘à ce qu‘elle la devance. Il l’aurait reconnu entre mille cette voix. Cette voix qui avait partagé sa vie pendant près de quatre ans. Et la silhouette qu’il voyait devant lui lui démontrait qu’il ne s'était pas trompé. Kazue montrait à l’agent ses papiers d’infirmières afin de faire valoir à ce représentant de l’ordre qu’il était un de ses patients et qu’elle allait se charger de lui. Il posa ses paumes sur le Shidare qu‘il venait de frapper. Où était-ce un Somei ? Il avait toujours confondu ces deux variétés de cerisiers. Attendant que Kazue en ait fini de convaincre le fonctionnaire, il suivi du regard cet arbre malmené par ses soins, le regardant de bas en haut avant de perdre son regard dans les profondeurs du ciel d’été qui se propageait au milieu du feuillage.

- Mick ? Ca va ? 

Il sentit la main de Kazue se poser sur son épaule et se décida finalement à lui faire face. Il esquissa le sourire qu’elle aimait tant autrefois, reprenant son air charmeur. Qu’elle l’ait surpris dans cet état de colère le dérangeait. Il ne voulait pas qu’elle s’inquiète outre mesure. Mais comment le lui faire croire maintenant qu’elle l’avait aperçu ainsi ?

- On peut dire ça ! Comment va Kia ?
- Kia va bien, elle est dans son landau. Tu veux la voir ?

Il aperçut cent mètres plus loin la poussette qu’elle lui désignait du doigt près d’un banc et d‘où sortait un bruit de babillement si caractéristique des enfants de dix mois.

- Une autre fois peut-être. Je crois pas que ce soit le moment là.
- Tu es sûr ? Sûr que tout va bien ?
- Oui ne t’inquiète pas et puis je crois qu’on t’attend maintenant. Merci du coup de main.

Laissant là son ancienne maîtresse, il reprit son chemin vers le Cat’s. Après tout, Jun l’attendait près du landau et ce n’était certainement pas le meilleur moyen de se faire connaitre de lui. Pas après s’être ainsi donné en spectacle devant lui et les quidams qui traversaient le parc.

Oui, s’il l’avait su, il n’aurait pas choisi cette vie là. Celle où il avait été tellement obnubilé par son papillon qu’elle avait provoqué une tempête monumentale, balayant sa vie d’un coup de vent. Même le couple qu’il formait avec Kazue n’avait pas résisté à l’amour qu’il portait à Kaori. Depuis l’apparition de Shaaru, depuis leur repas en tête à tête où il n’avait pas pu adressé un mot à la femme qui partageait alors sa vie, il n’avait pas réussi à sortir Kaori de son cœur et de ses pensées. Et encore aujourd’hui, ce mot, il le sentait, emporterait sa vie dans un ouragan. Mais cette fois, il n’allait pas choisir la mauvaise décision...





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyMar 5 Avr 2011 - 13:00

Chapitre 8 : Entre allées et venues.


Elle sortit doucement du coton dans lequel son sommeil l’avait plongée. Un mal de crâne l’avait réveillée, elle avait l’impression de se trouver dans un épais brouillard et de ne pas réussir à en sortir. Relevant la tête, elle voulut se frotter sa joue rougie d’avoir dormi à même le linoléum de la salle de bain, mais aussi se masser ses cervicales douloureuses. Son cou lui faisait mal, mais c’était normal vu qu’il était tordu lorsqu’elle dormait, tombant sur le sol au lieu de reposer comme il le devrait sur un oreiller moelleux. Elle tenta un mouvement pour se masser et soulager son cou endolori, mais elle ne put en approcher sa main. Une douleur la saisit à cet instant à l’épaule et lui bloqua le bras gauche l’empêchant d’effectuer ces gestes habituels. Elle grimaça et lâcha un petit cri de souffrance avant de basculer son corps sur son flanc pour pouvoir s’appuyer sur son bras valide.

Elle n'avait de vagues notions de ce qu’il s’était passé la veille au soir, mais son corps semblait lui bien s’en souvenir et lui rappelait qu‘il y avait bien eu quelque chose sinon elle ne serait pas dans cet état là. Mais quoi ? Elle avait beau se creuser les méninges, rien ne voulait revenir à son esprit, aucun souvenir immédiat... C’était comme ça à chaque fois, elle n’arrivait jamais à se souvenir des coups subis la veille. Non, sa mémoire se mettait en pause dans ces cas là pour revenir le plus naturellement du monde quelques jours plus tard, comme si elle aurait pu s’en souvenir à tout moment, que les faits n’avaient jamais disparu de ses souvenirs.

Et à chaque fois cela la replongeait dans ses études, lorsque, jeune fille insouciante de la vie, elle étudiait la psychologie à Tokyo Daigaku dans la faculté de Lettres et de Sciences Humaines et Sociales. Et le cours qui lui revenait en tête systématiquement était celui sur la mémoire. La mémoire sélective et l'amnésie lacunaire. Lorsque le cerveau bloque les informations sur les faits qui vous sont arrivés que se soit dans un accident physique ou un choc traumatique. Le cerveau devenait alors comme déconnecté pour ne pas risquer que la personne à qui il appartenait ne devienne folle par la suite. C’était un des nombreux mécanismes d’auto-défense qui faisait que soit la personne n’en avait que de brefs souvenirs ou une impression que ce qui lui était arrivé s’était passé à coté d’elle, soit une sensation de trou noir lorsqu’elle essayait de repenser à ce qui avait pu la conduire à cela. Le cerveau effaçait parfois purement et simplement les moments traumatisants et insupportables de son propriétaire que ce soit sur le coup ou dans ses réminiscences. Pour certaines personnes, les faits étaient tellement difficiles qu’elles en devenaient complètement amnésiques, ne la retrouvant même jamais par la suite pour les cas les plus graves. Mais ce n’était pas son cas.

Ce qu'elle ne comprenait toujours pas, c’était comment son cerveau pouvait prendre de telles décisions sans qu’elle en ait conscience. Comme si une personne à l’intérieur d’elle décidait de verrouiller le placard où étaient enfermés ces souvenirs et le déverrouillait un beau jour sans jamais la prévenir. Et tout d’un coup, ces souvenirs là ressurgissaient. Il n’y en avait qu’un seul qui n’était a ce jour toujours pas réapparu dans son esprit et sur lequel elle se posait beaucoup de questions. Lui donnerait-on un jour la clef du placard où il était enfermé ?

Mais comment et pourquoi s’était-elle retrouvée en bas de l'escalier qui menait à la porte de leur appartement de Kagoshima ? Elle se revoyait encore fermant la porte d’entrée, sa main sur la poignée de la porte rouge-orangée. Puis elle avait toujours en mémoire les deux pas qu’elle avait faits dans le silence du petit matin. Elle se rendait au travail, sa sacoche marron passée en bandoulière reposant sur son flanc droit. Elle était remplie des copies de ses élèves qu’elle avait corrigées la veille au soir, ses élèves auxquels elle devait leur faire passer un examen ce jour là. Après les cours, elle devait recevoir un parent d’élève : Mr. Tsukasa. Il avait pris rendez-vous avec elle pour parler de sa fille qui avait quelques problèmes en histoire et en mathématiques et pour réfléchir ensemble aux activités à mettre en place pour qu’elle retrouve le niveau scolaire qui était pourtant le sien avant.

Puis il y avait ce trou noir dans sa mémoire, un trou de quelques minutes à peine. Aucun souvenir, aucune sensation de ce qui avait bien pu se passer, pas une odeur ou même la vision d’un visage ou d‘un fait... Elle savait juste ce qu’il y avait eu avant, et qu’elle était seule à ce moment sur le palier du premier étage, celui où elle habitait, comme elle l’était ensuite lorsqu’elle s’était "réveillée" si on pouvait appeler ainsi le fait que le souvenir immédiat qui suivait ses gestes précédents était de s’être retrouvée au du rez-de-chaussée de son immeuble, allongée sur le sol carrelé à l’entrée de ce même escalier, le corps de biais et en appui comme maintenant sur son bras droit pour tenter de se relever.

Comment avait-elle parcouru les quatre mètres qui séparaient sa porte d’entrée à la première marche de cet escalier ? Comment et pourquoi était-elle tombée ? Comment avait-elle dévalé toutes les marches y compris l’angle qui formait un mini palier et qui coupait l’escalier en deux parties de respectivement sept et onze marches lorsqu’on le descendait ? Elle n’avait pu que tomber vu la position dans laquelle elle s’était retrouvée et qu’à la seconde partie des marches puisque sinon son corps aurait percuté le mur de gauche vu l’étroitesse du couloir dans lequel on arrivait même pas à passer à deux personnes. Cet angle n’aurait jamais permis à un corps de dévaler l’escalier en entier. Elle avait eu beau depuis tourner et retourner cet événement dans son esprit, elle n’arrivait toujours pas à s’en souvenir. Ce trou noir, cette perte de mémoire de quelques minutes, peut-être même quelques secondes la perturbait.

Une fois sur le sol, elle s’était assise et avait fait le constat de ses blessures : une ecchymose sur son biceps gauche, quelques éraflures sur le restant de ce bras et même une écharde encore peinte en blanc, provenant d’une des marches en bois qui s’était incrustée dans la paume de sa main. Mais la blessure qui semblait la plus sérieuse était surtout à sa cheville étant donné la douleur qu’elle avait ressenti lorsqu’elle avait tenté de se relever. Elle avait alors appelé à l’aide et Shaaru était arrivé presque immédiatement en haut de l'escalier, le dévalant pour bientôt la porter dans ses bras. Il l’avait ensuite déposée sur le canapé avant de saisir le téléphone et de composer le numéro des urgences. Puis il l’avait accompagnée dans l’ambulance qui l’emmenait aux urgences de l’hôpital, prenant soin d’elle comme dans les premiers jours, avant que la routine et les crises de jalousie de Shaaru ne s’installent entre eux. Elle l’avait laissé répondre à sa place aux différents médecins qui s’étaient occupés d’elle : médecin des urgences, radiologue, chirurgien orthopédique en plus du personnel soignant, et cela l’avait arrangée puisqu’elle n’arrivait toujours pas à se souvenir de comment elle était tombée.

Le verdict était tombé rapidement : cheville fracturée. Le médecin la lui avait alors plâtrée, ainsi qu’une bonne partie du bas de la jambe. On lui avait fourni des béquilles, des antidouleurs pour les premiers jours et un arrêt de travail de deux mois. Shaaru entre temps avait commandé un taxi pour les raccompagner chez eux. Arrivés à leur appartement, il l’avait portée dès l’entrée de leur immeuble pour ne la redéposer que sur leur lit. Il l’avait bordée, puis ayant constaté qu’elle était bien installée avait refermé la porte de leur chambre derrière lui. Elle s’était rapidement endormie sous l’effet des médicaments, du traumatisme de sa cheville et de la fatigue de son corps sous l’accident.

Quelques jours plus tard, des bleus étaient apparus à intervalle régulier sur la partie gauche de son corps, et elle s’était alors demandée où était passée sa sacoche de travail. Elle n'avait constaté sa disparition que le lendemain de son accident, lorsqu'elle avait demandé à Shaaru de prévenir l’école de son absence et de ce qu’il lui était arrivé. Comment et où avait-elle pu disparaître ? Elle ne l’avait pas vue ni dans l'escalier, ni auprès d’elle lorsqu’elle s’était "réveillée" au rez-de-chaussée. Elle n’avait pourtant pas pu disparaitre comme ça ! Puis les événement à la suite de son accident s’étaient accélérés : Shaaru décrétant que cet appartement et cet immeuble étaient un endroit trop dangereux pour elle. Il avait donc fait des démarches pour déménager rapidement et avait trouvé une maison de plain-pied dans la banlieue de la ville. En trois jours, il avait fait transférer toutes leurs affaires pour finalement les faire re-déménager encore deux semaines plus tard mais cette fois dans la ville de Yushui Town à quarante kilomètres de Kagoshima.

Elle s’était rebellée, ne comprenant pas cette décision qui l’emmenait bien loin de son travail auprès des enfants, hurlant qu’elle n’était pas d’accord, qu’il aurait du en parler d’abord avec elle. Et c’est à ce moment que son regard sur elle avait définitivement changé. Oh ! Ils avaient déjà eu des esclandres, surtout lorsqu’elle devait rencontrer un autre homme ou lorsqu’elle ne faisait pas les choses selon son point de vue. Cela l’avait parfois apeurée la façon dont il la regardait dans ces moments là, la façon qu’il avait de lui crier dessus, et qui devenait au fur et à mesure du temps de plus en plus véhémente, le fait qu‘il frappait parfois dans les meubles ou les portes. Alors dans ces moments-là, elle avait fini par se taire, abandonnant la partie pour calmer le jeu. Puis le temps faisant, il s’excusait systématiquement pour les gestes violents, pour les paroles blessantes qu’il avait pu avoir et elle retrouvait alors le Shaaru qu’elle connaissait. Mais ce jour là, alors qu’il l’avait emmenée de force dans leur nouvel appartement, elle ne s’était pas laissée faire. Elle lui avait lancé ses quatre vérités. Et il avait eu ce regard mauvais... Un sourire narquois était apparu sur son visage et cette façon de la regarder lui avait immédiatement fait peur. Elle n’avait pas failli en voyant son regard changer, malgré la frayeur qu’il lui inspirait alors. Ce regard là, elle le reconnaissait pour l’avoir déjà vu chez les malfrats qu’elle combattait autrefois auprès de son partenaire. Un regard suffisant, qui vous faisait sentir plus bas que terre, mais elle n’avait pas failli devant ce regard, ne lui avait pas montré la peur qu’il lui avait inspirée.

Elle s’en souvenait encore. Ils étaient tous deux debout dans leur nouvel appartement, elle en appui sur ses béquilles devant le canapé en cuir vert de leur salon, lui en face d’elle, ils n’étaient séparés que par la table-basse. Et il lui avait répondu d’une voix calme et basse, puis de plus en plus colérique et ferme : que de toute façon elle n’avait pas son mot à dire, qu’elle n’avait qu’à la fermer, que de son travail, il n’en avait rien à foutre, que de toute façon ils n’avaient pas besoin qu’elle travaille, qu’elle n’avait pas besoin de sortir d’ici... Elle avait alors ouvert la bouche pour répliquer mais n’en avait pas eu le temps.

Elle revoyait encore cette scène au ralenti : lui tendant son bras par dessus le meuble qui les séparait pour lui asséner une gifle en plein sur la joue droite, une gifle tellement forte que sa tête avait résonné et tourné sous la puissance du geste lui faisant perdre l’équilibre. Son corps était alors parti sur la gauche pour tomber heureusement pour elle sur l’accoudoir du canapé. Ses mains avaient lâché les béquilles lesquelles vinrent heurter le dessus en verre de la table-basse dans un bruit de ferraille tandis que la résine de son plâtre cognait au même moment le dessous du meuble.

Il s’était mis à rire et avait quitté la pièce en lui déclarant que désormais et quoiqu’il arrive, elle allait lui obéir maintenant. Et il l’avait laissée là, la joue brûlante et rouge, la cheville douloureuse sous le choc du plâtre contre la table-basse. Lorsqu’elle avait réussi à se redresser, récupérant ses béquilles, son premier geste avait été d’appliquer un gant de toilette d'eau froide sur son visage pour calmer la douleur. Elle avait ensuite regroupé difficilement quelques affaires, s’apprêtant à le quitter pour de bon, avant de constater que toutes les issues étaient verrouillées, portes comme fenêtres. Contrairement à leurs autres habitations, il n’avait pas fait installé le téléphone et internet, la laissant ainsi sans aucun moyen de communication. Elle n’avait pu que tristement constater qu’elle était désormais séquestrée dans ce qui aurait dû être son foyer.

Sa première année de séquestration avait été un enfer. Elle avait guetté désespérément le moment où il ferait un faux pas, lui laissant une ouverture, une échappatoire... Mais Shaaru ne lui avait jamais laissé la moindre occasion. Il refaisait comme il le disait si bien "son dressage". Et elle avait appris ! Appris à ne plus répliquer, à ne plus réagir, à ne plus penser à elle mais juste à ce qu’il désirait. Oui, elle avait appris au fur et à mesure, lorsque les coups se faisaient plus violents constatant comme tout le monde qu’elle en risquait moins quand elle obéissait, voulant à tout prix éviter la douleur. Elle avait réappris à faire chaque geste de la vie quotidienne à son goût que ce soit pour faire le ménage ou sa façon de s’habiller, de se mouvoir, de se tenir. Elle avait appris à faire une croix sur ses propres besoins, ses envies, effaçant ce qu’elle avait de personnalité pour ne plus lui donner l'occasion de penser qu'elle le provoquait, allant jusqu’à effacer sa présence dans les lieux qu’il habitait pour ne pas l’inciter à la battre rien qu’en la voyant.

Et elle avait espéré, tellement espéré qu’un jour quelqu’un la sortirait de là. Mais elle avait déchanté et pratiquement fini par oublier cette pensée qui lui faisait plus mal encore que les coups. Personne ne viendrait la sauver. Il y avait bien eu cet homme à Yushui qui était venu chez eux et qui avait voulu la défendre en voyant comment Shaaru la traitait. Il s’était vu répondre que "Les femmes c’est comme les chiens ça se dresse !". Puis Shaaru l’avait fait partir et elle n’avait plus jamais revu cet homme. Mais elle avait eu l’espoir de voir enfin débarquer quelqu’un ou du moins que cet homme aurait prévenu la police qu’elle était séquestrée. Mais personne n’était venu la secourir et elle avait presque perdu l’espoir, presque, parce qu‘elle avait tout de même trouvé la force d‘envoyer ce mot. Elle l’espérait encore cette aide quelque part mais évitait d’y penser, ça lui faisait trop mal.

Puis ils avaient encore et toujours déménagé sans qu’elle ne sache pourquoi, ni pourquoi toujours pratiquement dans l’urgence, abandonnant parfois toutes leurs affaires comme s’ils s’absentaient pour le week-end ou des vacances. Combien de villes et d’appartements avaient-ils habités depuis tout ce temps ? Une dizaine ? Peut-être plus ? Et au fil des déménagements, les coups de Shaaru s’étaient intensifiés jusqu’à ce qu’elle abdique pour de bon. Ils arrivaient désormais moins souvent sur son corps mais toujours plus fortement. Et désormais si elle en était à craindre sa fureur pour tout et pour rien, même si elle n’attendait qu’une chose, qu’il cesse de la frapper, les jours où il la laissait tranquille ne lui paraissaient pas normaux.

Et finalement, ils étaient arrivés dans cet appartement où selon Shaaru ses "affaires" reprendraient. Ses "affaires" ! Lui , l’ancien employé d’un fleuriste de Shinjuku quand elle l’avait rencontré, lui qui avait quitté son travail pour elle lorsqu’elle lui avait expliqué qu’ils ne pouvaient pas rester vivre à Shinjuku, ni même à Tokyo puisque son travail de "détective privé" qu’elle quittait pour lui leur faisait courir trop de risques en restant dans cette ville... Il avait accepté cet état de fait sans rechigner alors, mais n’avait pas depuis retrouvé du travail, ni même cherché après d’ailleurs. Elle, de son coté, avait successivement travaillé dans une bibliothèque, puis une école avant que leur déménagement soudain ne la fasse être séquestrée dans leurs différentes habitations. Quelles pouvaient bien être ses "affaires" ? Elle n’en avait aucune idée vu qu’il ne quittait pratiquement jamais l’appartement qu’ils partageait à Shinjuku et se gardait bien d’ailleurs de chercher ce que cela pouvait être.

Shinjuku ! Quand elle avait reconnu les lumières de la ville, puis les rues du quartier qu’elle aimait tant, son cœur avait fait un bond dans sa poitrine. Ici, il y avait des personnes qu’elle connaissait ! Ici, elle pouvait prévenir quelqu’un qui viendrait la sauver, même si cette personne lui avait demandé de ne plus lui donner de nouvelles. C’est ce qu’elle s’était dite un an auparavant lorsque sur le chemin qui l’emmenait dans ce nouvel endroit, elle avait vu passer devant elle les lieux qu’elle fréquentait avant : la gare de Shinjuku, le parc de Shinjuku Gyoen, le café de Miki et d’Umibozu... Elle n’avait pu contenir ses pleurs en revoyant ces endroits et rien que les souvenirs de les avoir vue cette fois là au travers de la vitre teintée de la voiture lui faisaient monter les larmes aux yeux.

Elle n’avait même pas cherché de chambre pour elle en arrivant ici, cela faisait bien longtemps qu’elle n’en avait plus, que seul Shaaru avait un lit bien qu’il s’endorme pratiquement toutes les nuits devant sa télévision. Qu’avait-elle ici à elle si ce n’était un peu de vêtements. Rien ou presque. Elle gardait sous sa chaussure, coincée sur son orteil la bague de son frère. Shaaru lui avait bien demandé où elle se trouvait pour pouvoir la revendre comme tout ce qui avait été à elle. Mais elle avait prétexté qu’elle l’avait oubliée tout comme la photo de son frère dans un de leur déménagement. Elle se mit à pleurer, oui elle avait perdu la photo de son frère, mais elle avait réussi à cacher la bague et redoutait le jour où il le découvrirait.

Puis les mois passants, elle avait perdu l’espoir d’être sauvée ici aussi, prenant même peur de sortir de cet appartement quand elle voyait au travers du verre des fenêtres les méfaits et les agressions commis dans les alentours de leur immeuble. Shaaru avait le don pour trouver ce genre d’habitation : des immeubles délabrés dans des quartiers vides, des coins souvent sur le point d’être détruits par les municipalités pour être réaménagés par la suite, des lieux vides de vie où personne ne pourrait l’entendre crier. Où personne ne saurait qu’elle était là !

Elle avait fini par se dire qu’elle n’existait pas et que seul le regard de Shaaru la faisait vivre puisqu’il était le seul en dehors de ses amis à savoir qu’elle était là. Mais même les amis de Shaaru ne faisaient pas attention à elle, la bousculant sur leur passage dans les couloirs lorsqu’ils la croisaient comme si aucun obstacle n’était visible devant eux. Les seules fois où ils la regardaient étaient pour lui demander de quoi manger et surtout de quoi boire. Sinon elle était transparente. Oui, elle était transparente pour les autres et avait fini par agir comme tel, prenant de plus en plus l’habitude de ne pas être remarquée, de ne pas se faire remarquer. Une coquille vide d’existence : sans envies, sans buts réels, sans attaches si ce n’était Shaaru. Lui était là pour elle, faisait attention à elle, même si ce n’était que pour la rabrouer ou pour la frapper, lui savait qu'elle existait encore ! Et elle avait peur de perdre ce seul lien qui lui prouvait qu’elle était encore quelqu’un en quittant la seule personne qui ne l’ignorait pas.

Sa vie désormais c’était Shaaru ! Non ! Kaori secoua la tête, sa nuque la faisant grimacer au passage sous la tension des muscles de ses cervicales maltraitées par sa nuit sur le linoléum de la salle de bain. Il fallait qu’elle s’enlève cette idée de la tête. Elle était quelqu’un, elle le savait et d’autres le savaient aussi. D’autres s’en souvenaient, ils auraient son mot et ils viendraient la chercher, ils viendraient la sauver.

Tentant de bouger son membre qui la lançait en faisant des roulements d’épaules, elle se leva pour de bon et se dirigea vers le lavabo. Ses doigts sur l'émail blanchi semblèrent un instant translucides. Elle les fixa, jusqu’à perdre son regard dans la blancheur de l’évier, dans ce monde pour le moment immaculé avant de finalement ouvrir les jets d’eaux chaude et froide pour pouvoir commencer sa toilette. Elle ouvrit son chemisier avant de l’enlever, dégrafant doucement un à un les boutons afin de ne pas ressentir la douleur de son épaule, puis le plaça directement dans l’antre de la machine à laver. Sur le haut de son plexus, elle aperçut au milieu de bleus antérieurs, la nouvelle marque que lui avait laissée la boîte de conserve que Shaaru lui avait envoyé la veille. Elle parcourut son torse du regard pour remarquer d’autres traces plus récentes, certainement conséquentes des faits de la veille dont elle n’avait toujours pas le souvenir.

Elle se souvenait bien avoir lancé son S.O.S. par la fenêtre et se demandait encore ce qu’il avait pu advenir de ce mot, puis du repas pris en silence, elle dans la cuisine, tandis que Shaaru se gavait en avalant le contenu de son assiette avachi sur son canapé. Il avait vidé à lui seul un pack de vingt-quatre bières, la faisant sursauter à chaque rugissements qu’il lançait devant son match de football, invectivant les joueurs de l’équipe de la Kashima Antlers qu’il avait choisie pour gagner, les traitants de gros nazes, de débiles profonds, leur disant qu’ils avaient des Sômen à la place des jambes. Il avait fini par hurler de rage parce qu’ils avaient perdu l’empêchant d'empocher un bon paquet de fric dans un pari. Puis c’était le trou noir, l’absence de souvenirs jusqu’à ce matin où elle s’était réveillée avec un mal de crâne et la tête dans le brouillard.

Elle prit son verre à dents et ouvrant l’armoire à pharmacie, elle y jeta deux comprimés de paracétamol avant d’y verser un peu d’eau tiède. Elle ferma finalement les robinets et se déshabilla entièrement avant de mettre le restant de ses vêtements dans la machine et d’en enclencher le programme. Puis, prenant, un gant de toilette, elle le glissa délicatement dans l’eau, le laissant flotter un instant au dessus du liquide, pour finalement le recouvrir de crème de savon afin de commencer enfin sa toilette...





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyDim 24 Avr 2011 - 20:06

Commentaires de l'auteur : La chanson " Haru Haru " est du groupe coréen " BIG BANG ".


Chapitre 9 : Jour après jour.
 


Ryo faisait les cent pas dans la rue, tournant et retournant sur lui-même comme un lion en cage. Il passait son temps à refaire le long du boulevard, passant devant le Cat’s Eye dont le rideau de fer restait désespérément baissé. Il n’avait pas réfléchi à l’heure que lui avait donnée Mick et se retrouvait désormais devant le café désert. Dix-neuf heures bon sang, dix-neuf heures. Pas maintenant, pas immédiatement, pas ce matin, pas à onze heures et quarante-huit minutes ! Il avait encore plus de sept heures à tenir et au lieu de trouver de quoi s’occuper, il passait et repassait devant le bar de Miki et Umibozu.

D’ailleurs, où était passé cet américain de malheur ? Il aurait dû être là lui aussi. Arrivé au bout de la rue, Ryo tourna une fois de plus sur lui-même pour faire demi-tour. Il remarqua alors trois hommes et une femme, postés devant le Cat‘s Eye, visiblement déçus de le trouver eux aussi clos. Et pourquoi aussi le café était-il fermé aujourd’hui à cette heure de repas où d’habitude Miki avait le plus de clientèle ?

Il décida finalement d’arrêter là ses allers et retours et s’adossa contre un mur de briques, la jambe droite en appui contre ce muret qui jouxtait une cour. Sortant son paquet de cigarettes, il l'ouvrit et en tapota le fond pour en faire sortir le début d’une tige. Il attrapa une cigarette et inséra le filtre entre ses lèvres, puis il glissa sa main dans la poche arrière de son jean pour prendre son briquet. Il ouvrit le capuchon d’une secousse du poignet et commença à rouler la pierre sous ses doigts. Approchant de la cigarette la flamme qui venait de se créer sous l’effet du gaz et de l’étincelle provoquée par la friction, il tourna la tête vers la cour.

Au premier étage, une personne, probablement un adolescent ou une femme, venait d’allumer un poste-radio. La mélodie qui s’échappait de la fenêtre grande ouverte pour laisser passer l’air dans la chaleur montante de l’été ne lui était pas inconnue. Ryo sourit. Allumant finalement sa cigarette, il tira une bouffée et mit le filtre entre son index et son majeur avant de se passer la main dans les cheveux qui lui barraient le front.


Yeah
Finally I realized that I’m nothing without you

Finalement je réalise que je ne suis rien sans toi
I was so wrong forgive me
J’ai eu tort, pardonne moi

Oui, il la reconnaîtrait entre mille cette chanson. C’était bien la même que celle qui était passée à la radio le soir où il avait pris la décision qui les avait tous menés là. Bizarrement, il n’avait jamais fait attention aux paroles de l’intro. Son sourire s’étira encore et il se laissa glisser contre le muret, s’accroupissant, le dos contre le mur, les mains appuyées contre ses genoux. Oui, il avait eu tort, tort d’écouter ces paroles, tort d’avoir pris cette décision. Sans doute la pire de sa vie.


Padocheoreom buswojin nae mam
Mon cœur s’est brisé comme une vague
Baramcheoreom heundeullineun nae mam
Mon cœur s’est secoué comme le vent
Yeongicheoreom sarajin nae sarang
Mon cœur a disparu comme de la fumée
Munsincheoreom jiwojijiga anha
Il est comme un tatouage qu’on ne peut retirer

Il se revoyait encore dans le salon de son appartement, la lumière éteinte malgré la nuit qui était tombée, les lumières de la ville pour seule compagnie et un verre de whisky dans la main. Il était alors allongé sur le canapé, les yeux dans le vague tandis que trottaient en lui des dizaines de questions dont il n’arrivait pas à trouver les réponses. Ce soir là, il était seul pour la première fois depuis des années dans cet immeuble. Seul à réfléchir à ce qu’il devait faire désormais. Dans le silence pesant de l’appartement, il avait alors allumé la radio pour se vider la tête et il était tombé sur cette chanson.


Hansumman ttangi kkeojira swijyo
Je soupire profondément comme si la terre allait céder
Nae gaseumsogen meonjiman ssahijyo Say goodbye
Il n'y a que de la poussière qui s'accumule dans mon esprit. Au revoir

Le cœur serré, il s’était mis à écouter les paroles machinalement avant qu’elles ne s’inscrivent finalement dans son cerveau. Elles représentaient tellement son état d’esprit. Kaori lui avait demandé de la rejoindre au Parc de Shinjuku cet après-midi là. Il l’avait d’abord cherchée du regard dans la foule des passants venus savourer ici la douceur du printemps naissant. Il avait scruté le parc cherchant une personne seule pour finalement la reconnaître, assise sur un banc en compagnie d’un autre. Et ce jour là, tremblant comme une jeune fille qui présentait à son père son petit ami, Kaori lui avait présenté Shaaru. Et il avait eu un sourire crispé avant de se dire que ce qu’il attendait était finalement arrivé. Kaori avait trouvé quelqu’un qui allait l’emmener loin de leur monde, loin du milieu. Mais aussi loin de lui.

Ce soir là, elle était partie passer la soirée avec Shaaru et lui était resté seul à l’appartement, le cœur pris dans un étau, à chercher des réponses sur un sujet qu’il avait jusqu'à présent évité d’aborder : ses sentiments envers Kaori. Il avait un instant souri en pensant que c’était le monde à l’envers. Lui restait à la maison tandis que Kaori sortait en galante compagnie dans une des discothèques de la ville. Mais ce sourire lui était vite passé. Et il s’était mis à réfléchir pour de bon à ce qu’il devait faire, jusqu’à ce que le refrain de cette chanson ne le lui dise.


Yeah
Nega eobsin dan harudo mot salgeotman gatatdeon na

Je pense que je ne serai pas capable de vivre encore un jour sans toi
Saenggakgwaneun dareugedo geureokjeoreok honja jal sara
Mais d'une façon ou d'une autre je réussirai à vivre avec mes sentiments

Et il l’avait fait. Il s’était séparé d’elle, l’avait laissée partir loin de lui. Pour qu’elle ait enfin une vie normale loin d'ici, une vie remplie d’enfants, une vie où elle pourrait être heureuse auprès d’un homme qui l’aimait. Il avait décidé qu’il ne pouvait pas lui refuser cette chance même s’il ne réussirait pas à l’oublier lui, même s’il devait pour cela cacher encore plus son cœur aux yeux des autres. Il avait sacrifié ses sentiments pour son bonheur à elle. Il savait pourtant qu’elle lui était indispensable dans sa vie, mais qui était-il pour lui refuser le droit d’être heureuse ? Même si elle était amoureuse de lui, il n’avait aucun droit sur son cœur et son avenir puisqu’il avait été trop lâche pour lui avouer ses sentiments.

Alors il avait préféré les taire une fois pour toute, les enfouir au plus profond de lui. De toute façon, il n’aurait pas pu se leurrer plus longtemps. Il savait qu’un jour ou l’autre quelqu’un la remarquerait enfin et l’emmènerait loin de lui. Et quelque part ça l’arrangeait : elle serait enfin en sécurité... Elle ne risquerait plus de se faire tuer par un des malfrats du coin qui en voudrait à City Hunter. Et lui pourrait remplir ses missions l’esprit plus léger. Il valait mieux pour eux deux qu’elle parte. Oui ! Il s’était cru capable à ce moment là de se passer d’elle malgré ce qu’il ressentait. Et maintenant ils en étaient là : lui en monstre errant dans les rues de la ville et elle en danger quelque part et sans qu'il ne soit là pour la protéger ! Comme il avait pu se tromper !


Bogosipdago bulleobwado neon amu daedabeobtjanha
Tu ne répondais rien quand j'hurlais "Tu me manques"
Heotdoen gidae georeobwado ijen soyongeobtjanha
J'y ai cru en vain, mais maintenant c'est inutile

Ne yeope inneun geu sarami mwonji hoksi neol ullijin annneunji
Qui est cette personne derrière toi ? Est-ce qu'elle t'a fait pleurer ?
Geudae naega boigin haneunji beolsseo ssak da ijeonneunji
Ma chère, est-ce que tu peux me voir ou m’as-tu complètement oublié ?
Geokjeongdwae dagagagijocha mareul geol su jocha eobseo aetaeugo
J’ai peur, je suis anxieux parce que je ne peux pas obtenir ce que je désire ni réussir à te parler

Et à bien y repenser aujourd’hui qu’il écoutait pour la première fois les paroles du couplet, cette chanson s’adressait plus à sa vie présente. Elle lui avait terriblement manqué au point qu’il ne se retrouve plus lui-même, au point de ne pas pouvoir courir auprès de ses amis quand ils avaient eu besoin de lui. Il s’était laissé sombrer dans ses pensées pour elle. Où pouvait-elle bien être maintenant qu’il la savait en danger ? Où était Shaaru alors qu’il était sensé prendre son relai pour assurer sa sécurité ?
La tête baissée, il regarda fixement ses pieds. Pourquoi cet XYZ était-il rentré dans sa vie alors qu’il n’avait pas lieu d’être ? Personne de sa connaissance n’aurait osé à l’heure actuelle s’en prendre à elle. Alors bon sang que lui arrivait-il ? Laissant tomber sa cigarette déjà consumée, Ryo se releva. Il devait se vider la tête et tenter de rentrer dans la peau de Kaori.


Na hollo gin bameul jisaeujyo subaekbeon jiwonaejyo
Je passe de longues nuits tout seul cherchant milles façons d’effacer mes sentiments

[Refrain]
Dorabojimalgo tteonagara
Ne regarde pas derrière toi et pars
Tto nareul chatjimalgo saragara
Ne te soucie pas de moi et vit
Neoreul saranghaetgie huhoeeopgie
Parce que je n'ai pas de regrets de t'aimer
Johatdeon gieongman gajyeogara
Garde seulement les bons souvenirs
Geureokjeoreok chamabolmanhae
D'une certaine façon je peux le supporter
Geureokjeoreok gyeondyeonaelmanhae
D'une certaine façon je peux me relever
Neon geureolsurok haengbokhaeyadwae
Je devrais être heureux si tu l’es aussi
Haru haru Mudyeojyeogane
Jour après jour, je m'enfonce un peu plus

Oh girl, I cry cry
Oh girl, je pleure, pleure
You’re my all, say goodbye
Tu es tout ce que j'ai, au revoir

Bon sang ! Il n’y arriverait jamais avec ces souvenirs qui lui emplissaient la tête. Cette chanson l’obnubilait. Comment avait-il pu seulement penser qu’elle pouvait partir comme ça sans laisser des séquelles derrière lui autres que celles qu’il allait immanquablement vivre lui. Il avait cru, il avait pratiquement été certain qu’il pouvait surmonter son absence. Mais il n’avait pas pensé aux autres. Et surtout, il n’avait pas réalisé à quel point elle était importante dans sa vie. Il avait tenu le temps qu’elle fréquente Shaaru, le temps qu’elle comprenne qu’il ne ferait rien de son côté. Puis il avait encore tenu après son départ, faisant le pitre devant les autres, continuant un temps à faire son métier. Mais il manquait quelque chose quand ils se retrouvaient tous ensemble. Il manquait cette once de fraîcheur qui faisait Kaori, et il avait fini par ne plus remettre les pieds au Cat’s. Il avait fini par devenir complètement hanté par elle lorsqu’il rentrait seul dans cet appartement vide de sa présence. Vide de vie. Et il ne l’avait plus supporté, sombrant peu à peu dans la mélancolie de ses souvenirs avec elle.

La seule chose qu’il s’était affirmé à l’époque c’est qu’elle était heureuse, saine et sauve quelque part au Japon même si c’était loin d’eux. Il ne s’était jamais posé la question de savoir comment elle avait vécu ce changement dans sa vie. Oui, elle, comment l’avait-elle vécu ? Il était bien temps qu’il se pose cette question. Et que se serait-il passé s’il avait écarté Shaaru du chemin de Kaori ?


Gireul geotda neowa na uri majuchindahaedo
Si un jour nous nous croisons dans la rue
Mot boncheok hagoseo geudaero gadeongil gajwo
Fait comme si tu ne m'avais pas vu et continue ton chemin
Jakkuman yet saenggagi tteooreumyeon amado
Si tu gardes en mémoire nos souvenirs
Nado mollae geudael chajagaljido molla
Je serais incapable de me retenir de venir te chercher

Neon neul geu saramgwa haengbokhage neon neul naega dareun mam an meokge
Sois toujours heureuse avec lui, je n'aurai jamais une autre façon de penser
Neon neul jageun miryeondo an namgekkeum jal jinaejwo na borandeusi
Même le plus petit regret ne sera jamais oublié, s'il te plaît vis bien même si ça me rend jaloux
Neon neul jeo haneulgachi hayake tteun gureumgwado gachi saeparake
Tu devras toujours être comme ce ciel lumineux, comme ce nuage blanc
Neon neul geureoke useojwo amu il eopdeusi
Oui, tu devras toujours être souriante comme si rien ne s'était passé

Avait-elle seulement compris pourquoi il l’avait laissée partir avec un autre ? Avait-elle compris à quel point il s’était retenu de ne pas les séparer elle et Shaaru tellement il était amoureux d’elle ? Il avait été jaloux à un point qu’il n’aurait jamais cru imaginer. Jaloux des attentions qu’elle avait pour Shaaru devant lui. Jaloux des baisers qu’elle lui donnait alors devant lui. Et il s’était contenu pour ne pas exploser la figure de ce type qui n’était même pas capable maintenant de la garder en sécurité près de lui. Il s’était retenu d’aller la chercher après qu’elle soit partie de Tokyo. Il s’était empêché de faire la route jusqu’à Kagoshima et de la ramener auprès de lui. A ce jour, elle devrait être entourée d’enfants, heureuse de vivre au grand jour, menant une existence insouciante et loin de tous dangers. Alors pourquoi appelait-elle au secours ?


[Refrain]
Dorabojimalgo tteonagara
Ne regarde pas derrière toi et pars
Tto nareul chatjimalgo saragara
Ne te soucie pas de moi et vit
Neoreul saranghaetgie huhoeeopgie
Parce que je n'ai pas de regrets de t'aimer
Johatdeon gieongman gajyeogara
Garde seulement les bons souvenirs
Geureokjeoreok chamabolmanhae
D'une certaine façon je peux le supporter
Geureokjeoreok gyeondyeonaelmanhae
D'une certaine façon je peux me relever
Neon geureolsurok haengbokhaeyadwae
Je devrais être heureux si tu l’es aussi
Haru haru Mudyeojyeogane
Jour après jour, je m'enfonce un peu plus

Il avait beau retourner la question dans tous les sens, il n’arrivait toujours pas à trouver le pourquoi. Et pourquoi Miki avait-elle fermé son café aujourd'hui justement ? Ne se rendait-elle pas compte que c’était Kaori qui appelait au secours ? Qu’elle était quelque part dans Tokyo et qu’il fallait la retrouver vite ? Serrant les poings, Ryo évacuait lentement toutes ces affirmations qu’avaient broyées ces trois lettres et trois petits mots. Cette ligne sur un bout de papier qui mettait sa vie en miettes. Kaori n’était pas heureuse loin de lui, elle n’était pas en sécurité loin de lui. Elle l’appelait à l’aide alors que depuis quatre ans elle n’avait plus eu besoin de lui.

Son cœur avait souffert de son absence pour rien. Il l’avait perdue pour son bien, il en était persuadé à l’époque. Jamais elle n’aurait pu être heureuse auprès de lui. Il n’avait survécu que pour cette certitude. Et maintenant, le destin venait de lui prouver à quel point il avait été stupide.


Nareul tteonaseo mam pyeonhaejigil
J'espère que ton coeur se sent soulagé
Nareul itgoseo saragajwo
S'il te plaît oublie moi et vis
Geu nunmureun da mareulteni Yeah
Ces larmes finiront par complètement sécher Yeah
Haruharu jinamyeon
Les jours vont passer

Les jours avaient passés sans qu’il ne les aperçoive depuis son départ. Mais il n’avait pas réussi à tenir la promesse qu’il s’était faite de la tenir ensevelie dans un coin de ses souvenirs. Et elle ? Comment avait-elle vécu ces quatre dernières années ? Etait-il devenu un simple souvenir ? L’aimait-elle encore un peu quelque part ? Ne lui avait-elle envoyé ce mot que parce qu’il était le seul à qui elle savait pouvoir envoyer un S.O.S. ? Et comment réagirait-elle en voyant ce qu’il était devenu en son absence ?

Ryo releva la tête et porta son regard vers la ruelle située non loin du café, cette ruelle où cette nuit le monstre tapi en lui s’était une fois encore éveillé. Toute la violence, la haine et l’absence d’elle, toutes les sensations qui l’assaillaient, il profitait de ces moments là pour les évacuer. Mais comment l’aurait-elle pris elle ? Comment l’aurait-elle vu ? Comment le verrait-elle ?


Charari mannaji anhatdeoramyeon deol apeultende
Ca ferait moins mal si on ne s'était jamais rencontré
Yeongwonhi hamkkehajadeon geu yaksok ijen
J'espère que tu enfouiras cette promesse
Chueoge mudeodugil barae baby neol wihae gidohae
qu'on s'était faîte d’être à jamais ensemble baby je prie pour toi

Comment se retrouveraient-ils une fois qu’il l’aurait sauvée ? Il avait brisé toutes les promesses qu’il lui avait faites. Il avait d’abord rompu la promesse qu’ils s’étaient fait d’être toujours ensemble pour leurs anniversaires. Puis elle était partie en lui demandant de prendre soin des autres, de prendre soin de lui, de ne pas s’inquiéter pour elle. Et ces promesses là non plus il ne les avait pas tenues. Etait-il finalement celui qui devait aller la sauver ? La seule chose dont il était sûr à présent c’était qu’il allait tout faire pour aller la chercher là où elle était.


[Refrain x2]
Dorabojimalgo tteonagara
Ne regarde pas derrière toi et pars
Tto nareul chatjimalgo saragara
Ne te soucie pas de moi et vit
Neoreul saranghaetgie huhoeeopgie
Parce que je n'ai pas de regrets de t'aimer
Johatdeon gieongman gajyeogara
Garde seulement les bons souvenirs
Geureokjeoreok chamabolmanhae
D'une certaine façon je peux le supporter
Geureokjeoreok gyeondyeonaelmanhae
D'une certaine façon je peux me relever
Neon geureolsurok haengbokhaeyadwae
Je devrais être heureux si tu l’es aussi
Haru haru Mudyeojyeogane
Jour après jour, je m'enfonce un peu plus

Décidemment il fallait qu'il parte de là et reprenne ses esprits. Il lui fallait retrouver son calme et oublier toutes ces questions pour le moment pour se re-concentrer sur le sauvetage de Kaori. Et le meilleur moyen était encore de partir de cet endroit où cette chanson le hantait trop pour pouvoir réfléchir correctement à la situation et le mettre sur la piste au lieu de ressasser le passé, le présent et le futur. Apercevant une chevelure blonde qui ne lui était pas inconnue à l’autre bout de la rue, Ryo cessa de s’appuyer contre le muret et se dirigea vers son meilleur ami d’un pas calme.


Oh girl, I cry cry
Oh girl, je pleure, pleure
You’re my all, Say goodbye bye
Tu es tout ce que j'ai, au revoir
Oh my love, don’t lie lie
Oh ! Mon amour, ne mens pas, ne mens pas
You’re my heart, say goodbye
Tu es mon coeur, adieu

Se vidant la tête, il écouta une dernière fois les notes de la chanson qui s’amenuisaient au fur et à mesure que ses pas le menaient vers Mick et le Cat’s. Il s’aperçut que l’américain sortait de sa poche une clé pour la tourner dans la serrure du café, puis commencer à s’engouffrer dans l’établissement sans même l’apercevoir.

- Mick !

Ryo se mit à courir vers le café avant que Mick ne referme la porte derrière lui. Parcourant rapidement le chemin qui le séparait du Cat’s, il arriva juste à temps pour mettre son pied entre l’embrasure de l’établissement et la porte qui se refermait dans le bruit de cloche si caractéristique de l’endroit. Ce son, il ne l’avait pas entendu depuis si longtemps. La main encore sur la tranche de la porte du café, Mick se retourna pour voir quel était l’obstacle qui l’empêchait de refermer l’établissement avant de prendre un instant l’air surpris. Puis le visage de l’américain se crispa :

- Déjà là ?

- Mick !

- Oui, j’aurai dû m’en douter en même temps.

Libérant l’espace pour que Ryo puisse à son tour rentrer, Mick re-verrouilla la porte du Cat’s avant d’en allumer les lumières. Puis il se dirigea vers le bar. Sortant deux verres, il sortit de dessous la desserte une bouteille de Scotch.

- Miki n’est pas là ?

- Miki est partie à la pêche.

- A la pêche ? Vraiment ?

- A la pêche à l’étudiante oui ! Celle qui a ramené le mot hier soir.

Puis tendant un des deux verres qu’il venait de servir à Ryo, il ajouta d’un air cynique :

- Tiens tu as l’air d’en avoir besoin.

- Et pourquoi ça ?

- Je me demande...

S’arrêtant de parler un instant, l’américain s’approcha au plus près du visage de Ryo pour le fixer droit dans les yeux.

- ... Depuis quand le grand Ryo Saeba pleure-t-il ?





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyDim 24 Avr 2011 - 20:08

Chapitre 10 : Perdue dans le temps.

 
En cette fin de matinée, la chaleur du soleil commençait à se faire ressentir dans la ville. Les véhicules se profilaient sur le boulevard jusqu’à l’horizon et leurs passagers, toutes vitres ouvertes, rageaient contre la chaleur qui envahissait les habitacles. Perdue au milieu de cet amoncellement de ferrailles polluantes, Miki pestait, elle, contre les autres conducteurs qui avaient eu l’idée de sortir de chez eux en même temps qu’elle et dont les voitures s‘agglutinaient devant la sienne.

Elle n‘avait pas le temps pour ça, d‘ailleurs son temps était même précieux contrairement à ces personnes. Au fil des secondes qui s’écoulaient, Kaori était en danger quelque part et risquait peut-être même sa vie. Elle devait retrouver au plus vite l’étudiante d’hier soir ! La chose ne serait pas aisée. Tout ce qu’elle savait d’elle c’était son allure et qu’elle habitait le campus de Waseda. Ces éléments étaient bien minces pour retrouver une personne, mais cette fille était la seule à pouvoir leur dire où elle avait récupéré le mot écrit de la main de Kaori.

Mais pourquoi n’avait-elle pas eu le réflexe de l’interroger avant ou même simplement de lui demander son nom ? Miki soupira : ce n’était pas dans ses habitudes de négliger les détails pourtant. Mais perdue dans son deuil, elle en avait oublié les rudiments qui faisait d’elle aussi une nettoyeuse. Elle n’avait même pas été capable à ce moment là d’avoir ce réflexe, de lui demander ne serait-ce qu’un minimum d’informations. Si seulement elle l’avait rattrapée après avoir pris la décision d’aider son amie... Et désormais, c’était une multitude de questions sans réponses qui lui trottaient dans la tête.

Celle qui lui revenait le plus souvent en écho était : depuis quand Kaori avait-elle rédigé ce mot ? Cette notion du temps passé entre le moment où elle l’avait écrit et celui où elle-même l’avait récupéré dans son bar la faisait frissonner. Et s’il était déjà trop tard ? Elle secoua la tête et donna un coup de poing rageur dans le volant de sa voiture. Non ! Il fallait que ce mot soit récent et que Kaori se trouve encore quelque part dans Tokyo, attendant leur aide.

Son premier geste ce matin avait été de faire jouer ses relations pour savoir si, dans le milieu, certains avaient entendu parler de la jeune femme récemment. Elle utilisait régulièrement ce moyen pour avoir des nouvelles de ses amis depuis qu’elle les avait chassés de sa vie. Si après la mort de son mari, les indics s’étaient montrés plutôt hautains envers elle, une petite démonstration de ce qu’elle était aussi capable de faire les avait vite remis à leur place. Elle n’avait pas passé son enfance au milieu des guérilleros pour rien quand même ! Seulement voila, personne n’avait entendu parler de Kaori depuis près de trois ans. Ryo avait bien effacé les quelques traces qui pouvaient les mener à elle. Et la seule chose qu’elle avait appris c’était que les frasques de Ryo avaient poussé certains pontes à chercher eux aussi après la nettoyeuse, mais toujours en vain.

Bouillonnant d'impatience, elle appuya sur le klaxon et se demanda ce qui pouvait bloquer ainsi la circulation. Elle fut bientôt rejointe dans son geste par un concert de signaux sonores émis par les autres conducteurs, tout aussi agacés qu’elle d’être bloqués dans cet embouteillage en cette fin de matinée. Chacun d’eux pensaient sûrement qu’ils avaient d’autres choses à faire qu’à attendre la fin de cet amoncellement de véhicules entre leur voiture et l’endroit où ils se rendaient.

D'habitude, Miki n'était pas gênée de se retrouver dans cette situation, bien que les autres conducteurs étaient rarement aussi heureux qu'elle. Il faut dire que personne ne prenait plus le temps pour rien de nos jours. Chacun avait son temps bien défini et calculé pour faire tel ouvrage, aller à tel endroit. Parfois, un simple retard et c'était la panique. Elle ironisa sur ces temps dits "modernes" où l'homme n'avait de cesse de fabriquer depuis les temps immémoriaux des objets censés lui soulager la vie, la faciliter et surtout lui faire gagner du temps, pour finalement se retrouver complètement dépasser par celui-ci malgré tout cela. Plus l'homme gagnait du temps, moins il en avait finalement.

Mais cette fois-ci, Miki ne pouvait vraiment pas se permettre de flâner dans cet embouteillage, à admirer l'art urbain ou architectural ou même à contempler les familles de badauds qui marchaient tranquillement sur les trottoirs ou dans les parcs alentours. Il aurait été finalement plus simple pour elle de prendre le Japan National Railway ou le bus. L'arrêt l'aurait menée à quelques pas à peine de l'université de Waseda et elle y serait même déjà. Mais comme tout bon conducteur; elle avait d'abord pensé à prendre sa voiture plutôt que les transports en commun ou même d'utiliser ses pieds.

La file s'avança légèrement. Miki suivit le mouvement mais dut encore s'arrêter et patienter de nouveau quelques mètres à peine plus loin. Elle aurait dû y penser aussi ! Entre la chaleur annoncée par la météo pour cette journée où les familles tentaient vainement d'aller pique-niquer à la plage et l'heure de sortie des bureaux pour le repas, il était un tant soit peu normal qu'elle se retrouve dans cette situation.

Pestant contre elle-même, elle avisa une place de parking libre sur le côté droit, à peine à quelques mètres d'elle. Elle pouvait s'y garer si seulement les véhicules devant elle avançaient encore un peu. Fermant les yeux, elle pria pour pouvoir stationner sa petite voiture à cet emplacement, sans que quelqu'un d'autre en ait l'idée et surtout la possibilité avant elle. Ensuite elle reprendrait son chemin à pieds. Après tout, elle devait avoir encore... Quoi ? Une bonne demi-heure avant d'arriver sur le campus de Waseda ? Certainement moins de temps en tout cas que celui qu'elle passerait dans la file des voitures.

Cinq minutes passèrent, puis dix et elle se demanda encore comment faire. Elle baissa les yeux sur son volant, le tenant fermement de ses deux mains lorsqu'un coup de klaxon derrière elle lui fit redresser la tête. Les voitures devant elle avaient enfin progressé sur la route et à sa grande joie, la place de parking était libre et surtout... Enfin accessible. Elle entreprit alors de se garer. Mettant en marche son clignotant droit, elle passa la première et tourna le volant à fond pour pouvoir effectuer les manœuvres qui lui permettrait de se garer. Elle grogna : elle avait toujours eu du mal à faire les créneaux et dut s'y reprendre à plusieurs fois au grand dam des véhicules derrière elle. Perdant patience, un conducteur murmura même un classique "les femmes au volant", mais en voyant le regard noir de la barmaid, il tourna bien vite la tête vers l'horizon et la file des voitures.

Finalement, elle réussit à se garer comme elle le pouvait. Elle descendit de son véhicule et, à peine la portière conducteur refermée, elle commença sa marche en appuyant sur le bouton de verrouillage des portes. Elle ne se retourna même pas pour voir les warnings s'allumer, signe que son véhicule était bien refermé...

--------------------

Seriinu traversait les couloirs de la faculté Lettres et Arts pour rejoindre son amphithéâtre. Les lieux avaient été refaits pendant les grandes vacances, avant qu'elle n'intègre l'Université et on pouvait encore y sentir l'odeur de peinture fraîche qui émanait des murs qu'elle recouvrait désormais. Cette odeur lui rappelait sa maison familiale de Sarufutsu constamment en travaux. Son père avait la folie du bricolage et il ne s'y passait pas un jour sans qu'il ne taille des planches pour construire un nouveau meuble ou ne change le papier peint ou la peinture des murs, refaisant la décoration des pièces de la maison au grand bonheur de sa mère s'il prenait soin de lui demander ses choix, ou à son grand désespoir lorsqu'il changeait le style ancien qu'elle adulait pour une version moderne du salon. C'est ainsi qu'elle avait passé son enfance. Elle revenait parfois de l'école avec une jolie surprise à la clef... Sa chambre avait régulièrement changé au fil des années, passant du rose bonbon au parme ou au vert émeraude, au papier peint avec des champignons atomiques pour motif aux dragons en photo qui prenait tout le pan du mur. Cette odeur de peinture la reposait entre deux cours en lui faisant se remémorer le calme et la sérénité des lieux si chers à son cœur. Elle, jeune fille de la campagne d'Hokkaido, se sentait parfois perdue dans l'effervescence de la capitale nippone.

Elle releva la tête pour vérifier le petit panneau noir à kanji dorés placé au dessus d'une porte. " 7-C : Littérature occidentale ". Ayant constaté qu'elle était arrivée à bon port, elle poussa le battant de la porte et s'engouffra dans l'immense pièce. Regardant d'une seule traite les étudiants déjà installés, elle reconnut au premier rang son amie Yenni déjà à sa table. Elle lui fit un signe de la main et partit dans sa direction. S'installant à coté d'elle, elle sortit de son cartable noir des stylos et quelques feuilles blanches. On était mal installé sur ces bancs de bois et elle devrait passer ici les deux prochaines heures. Elle s'assit du mieux qu'elle le put pour supporter la douleur de son postérieur qui serait sûrement meurtri à la fin du cours. Elle remonta sa manche et regarda sur sa montre l'heure qu'il était. 11h15 ! Le cours ne débuterai que dans un petit quart d'heure. Se tournant vers Yenni, elle entreprit alors de lui narrer les évènements qu'elle avait vécus la veille...

--------------------

Courant plus qu'elle ne marchait, Miki arriva enfin devant l'entrée principale de l'université de Waseda. Le plus pénible avait été de longer la rue de Sodai Seimon qui y menait. Durant son trajet à pieds, elle avait pu mettre le doigt sur ce qui lui avait fait perdre tant de temps. Des travaux avaient débuté le matin même au beau milieu de la route et la femme en charge de la circulation n'avait pas l'air de savoir bien gérer le passage des véhicules. La pauvre était complètement perdue.

Devant l'immensité du campus, elle se mit à soupirer. Chercher cette jeune fille dans cet espace équivalait à trouver un grain de sable dans un paquet de riz. Il fallait pourtant qu'elle la retrouve, ils ne pouvaient rien faire sans cette étudiante. Elle espérait au moins que Mick avait plus de chance qu'elle et qu'il avait réussi à trouver Ryo.

Lorsqu'elle l'avait appelé ce matin, elle ne pensait pas le voir débarquer à son chalet dans la foulée. Elle ne s'était même pas encore habillée. L'américain avait poussé la porte sans sommation et l'avait trouvée encore en nuisette au milieu de sa salle à manger. Elle lui avait demandé un instant le temps de se changer et avait enfilé un t-shirt et un jean en quatrième vitesse dans sa chambre. Durant ce peu de temps, elle l'avait bien entendu faire les cent pas et tourner en rond comme un lion dans sa cage. Il semblait très nerveux. Déjà le fait qu'il lui ait raccroché au nez avant même qu'elle puisse lui exposer complètement les événements de la veille et ses idées l'avait marquée. L'ayant rejoint, elle lui avait ré-exposé les faits tout en lui demandant de se calmer. Elle lui avait montré le mot et il s'était encore plus emporté lançant des "crétin" et des "idiot" dans toutes les phrases où il prononçait le nom de Ryo. Et quand elle lui avait demandé de l'avertir, il avait littéralement explosé de colère.

Elle avait réussi tant bien que mal à le persuader qu'ils avaient vraiment besoin de Ryo pour sauver Kaori. Mais surtout que c'était lui que sa meilleure amie appelait à son secours. Elle lui avait ensuite dit ce que ses informateurs lui avaient révélé, c'est à dire pas grand chose, puis lui avait annoncé qu'elle partait chercher l'étudiante de la veille. Il avait alors saisi le mot qu'il avait glissé dans la poche de sa veste et était immédiatement parti. Pour être sûre que chacun se retrouve dès leurs missions accomplies, elle lui avait confié les clefs du café et lui avait donné rendez-vous pour 19h grand max. D'ici là, elle espérait bien avoir retrouvé la fille.

Elle avançait dans le campus tout en essayant de repérer un panneau ou un étudiant qui lui signalerait où elle pouvait se renseigner. Mais à cette heure, le campus était vide : les étudiants étaient soit encore en cours, soit sûrement devant le réfectoire pour se sustenter. Elle arriva près d'une grande statue et s'arrêta pour lire la plaque qui la décrivait : Shigenobu Okuma ! Se retournant pour scruter les alentours, elle fut éblouie par les rayons du soleil. La chaleur avait fait apparaitre des perles de sueurs sur son front au fur et à mesure du trajet et elle se sentait moite.

Mettant sa main devant ses yeux, elle releva la tête vers le soleil qui la dardait de ses rayons. De son autre main, elle plia ses doigts en forme de revolver et fit mine de tirer sur l'astre. Ce geste puéril lui était venu naturellement dans cette enceinte. Après tout, cela lui avait peut-être manqué de ne pas pouvoir étudier dans un endroit comme celui-ci. D'un rire nerveux, elle refixa de nouveau son regard sur les alentours et vit quelque chose qui reflétait les rayons du soleil de façon très éblouissante. S'approchant, elle constata enfin qu'elle avait trouvé un panneau de signalisation lui présentant une direction à suivre. Avisant celui qui indiquait l'accueil, elle se remit en route et s'y dirigea d'un pas résolu. Après tout, autant commencer par le début. C'était le meilleur endroit pour se renseigner sur la marche à suivre pour retrouver cette jeune fille.

Miki repéra enfin la porte où un panneau indiquait qu'elle était arrivée au bureau d'accueil. Elle espérait vraiment qu'on accepterait de l'aider et de la renseigner. Essuyant la sueur de son front avec la manche de son t-shirt, elle ouvrit la porte et reçut une bouffée d'air frais sur le visage. Cette université était vraiment bien équipée, jusqu'à la clim ! Elle s'exhorta au calme et décida d'essayer de paraître mieux que l'état dans lequel elle se trouvait actuellement. Elle passa la porte et entra dans un long couloir. Remettant de l'ordre dans sa tenue et ses cheveux, elle avisa une porte vitrée à côté d'une vitre. On ne pouvait voir s'il y avait quelqu'un, un rideau masquant l'intérieur de l'endroit. Elle lut l'affiche scotchée sur la porte et s'inquiéta : Accueil ouvert de 9h à 12 et de 14h à 18h. Remontant sa manche, elle vérifia l'heure sur la montre accrochée à son poignet : 11h43. Il était vraiment temps qu'elle arrive, si elle avait attendu un moment de plus dans cet embouteillage, elle aurait encore dû patienter un long moment. Elle frappa alors à la porte et en tourna la poignée avant de, finalement, entrer dans la petite pièce...





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyDim 24 Avr 2011 - 20:10

Chapitre 11 : Entre la barmaid du Cat's et les souris de Waseda.

 
Seriinu tentait de suivre le cours mais son esprit ne pouvait s'empêcher de repenser au S.O.S. qu'elle avait trouvé. Si seulement elle savait comment aider la personne qui avait écrit ce mot. Si seulement elle pouvait comprendre ce que voulait dire cette phrase : "XYZ, viens me chercher". XYZ ? Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Elle avait bien cherché dans le bottin téléphonique et sur internet sans le moindre succès. Elle espérait à ce moment là tomber au moins sur une entreprise ou une quelconque organisation, un sigle... Mais elle avait fait chou blanc ! En tout cas, ce mot ne pouvait provenir que de Tokyo puisque c'est là qu'elle l'avait trouvé...

Elle espérait seulement avoir au moins fait réagir la barmaid qui l'avait aidée la veille en l'accueillant dans son établissement. Elle avait vraiment eu l'air d'en savoir beaucoup plus qu'elle-même sur ce mot. Elle en était persuadée ! Comment ce mot aurait-il pu déclencher chez cette femme une émotion suffisamment forte au point de la faire pleurer, si ce n'était qu'il évoquait quelque chose pour elle ? Oui, elle espérait vraiment que cette femme allait aider la personne qui demandait du secours, mais elle aurait vraiment voulu pouvoir faire quelque chose elle aussi. Cela la perturbait. Elle n'en avait pas dormi de la nuit, se tournant et se retournant dans son lit avec l'image de cette feuille blanche qui tombait de sa jupe dans la tête ! Comme si le fait qu'elle est fait tomber ce papier de la poche de sa jupe était le signe qu'elle avait abandonné la personne qui l'avait rédigé. Ou bien était-ce le destin ? Le fait que ce morceau de papier soit tombé de son vêtement justement à ce moment là ? A cet endroit là ? Là où une personne pouvait le ramasser et le comprendre cette fois ? N'aurait-elle été alors qu'un moyen d'amener ce S.O.S dans ce bar pour que la tenancière puisse le lire à son tour ?

Toute à sa réflexion, Seriinu ne prêta plus attention à ce qui l'entourait. Au fur et à mesure qu'elle se déconnectait, la pression entre son majeur et son index se détendit jusqu'à ce que son stylo-plume finisse par tomber, laissant sur son chemisier couleur framboise des trainées d'encre noire. Ce n'est que lorsque son professeur fit quelques signes devant son visage qu'elle se "réveilla".

- Mademoiselle Hanazawa, est-ce que vous allez bien ?
- Je... euh... je...
- Ca fait cinq minutes que votre voisine essaie d'attirer votre attention et....
- Si vous le permettez, monsieur Onizuka, je vais la conduire à l'infirmerie de sa résidence...

Yenni s'était levée et regardait fixement Seriinu.

- Elle a subi un choc dû à une mauvaise expérience la nuit dernière et...

Le professeur lui fit un geste pour l'interrompre. Ce n'était évidemment ni le lieu, ni le moment d'expliquer quoique ce soit. Seriinu se retourna alors pour constater que tous les regards de ses camarades étaient braqués sur elle, avides d'une information sûrement plus croustillante... Son professeur annonça qu'il était d'accord avec l'idée de Yenni non sans demander une nouvelle fois à Seriinu si elle allait bien.

- Vous êtes très pâle mademoiselle. Je vous signe une dispense pour mon cours et vous fait un mot pour l'infirmerie afin qu'elle vous en procure une autre pour le restant de vos enseignements de cette journée. Vous devriez prendre un peu de repos.

Seriinu posa un regard reconnaissant sur son professeur, puis sur Yenni. Elle constata que cette dernière avait vraiment l'air inquiète en la regardant.

- Je... je suivrai vos conseils professeur. Je suis désolée d'avoir interrompu votre cours.

Elle s'apprêta à ranger ses affaires lorsque Yenni lui mit d'emblée son cartable déjà prêt entre ses bras.

- Nous devrions y aller !

Décidemment, elle pouvait vraiment compter sur elle. C'était bien la seule personne en ville en qui elle pouvait avoir confiance depuis qu'elle était arrivée ici. Son professeur lui tendit deux feuilles qu'elle glissa prestement dans la poche de son blazer. Elle s'inclina devant lui et s'excusa encore une fois avant d'ouvrir la porte et de sortir de l'amphithéâtre. Elle se retrouva dans le couloir où l'effet magique de l'odeur de la peinture fraîche apaisa presque aussitôt son cœur oppressé par les pensées qui lui trottaient encore dans la tête. Attendant que Yenni la rejoigne, elle s'appuya contre un des murs et ferma les yeux.

- Toi ! Soit tu ne m'as pas tout raconté, soit ça t'a affectée plus que tu ne veux bien le dire !

Seriinu garda le silence et rouvrit les yeux. Fixant son amie d'un air triste, elle ouvrit la bouche, mais finalement la referma. Baissant la tête, elle se tourna dans la direction de sa résidence et se mit en route doucement vers l'infirmerie, suivie immédiatement dans son mouvement par Yenni.

--------------------

Miki sortit en fureur du bureau, les poings crispés contre ses cuisses. Cet abruti de concierge n'avait pas accepté de l'aider : "Madame, nos informations concernant nos élèves sont confidentielles. Vous n'êtes pas dans un établissement public ici !" L'air arrogant de l'homme qui l'avait reçue dans ce bureau lui avait fortement déplu. Hautain et méprisant, il l'avait toisée dès le départ, la regardant de haut comme si elle n'était rien qu'un détritus entré par erreur dans cet établissement si soigné. Elle avait eu beau expliquer qu'il s'agissait d'une question de vie ou de mort, et que seule, l'étudiante qu'elle recherchait, savait où pouvait se trouver une personne en danger, cet homme n'avait rien voulu savoir. Elle l'avait supplié, l'avait brossé dans le sens du poil, pour finalement taper du poing sur son bureau mais sans aucun autre résultat qu'une menace d'appeler la police. Et bien qu'il l'appelle la police, de son côté, elle contacterait Saeko ! Et elle finirait par obtenir ses précieux renseignements...

Les larmes au bord des yeux, l'ancienne mercenaire ne savait toujours pas comment faire pour retrouver au plus vite cette étudiante. Contacter Saeko était peut-être une solution, mais occupée comme elle l'était désormais, elle doutait qu'elle puisse intervenir dans la journée... Même s'il s'agissait de Kaori. Elle avait trop de responsabilités et savait qu'ils étaient suffisamment capables de se débrouiller sans elle.

Elle appuya son dos contre le mur en face du bureau et se laissa glisser à terre. Son enquête pour retrouver Kaori resterait au point mort tant qu'elle n'aurait pas contacté cette jeune fille. Elle perdait un temps précieux et se voyait mal faire le tour des résidences du campus chambre par chambre pour la retrouver. Elle vit sortir le concierge de son bureau avec un air toujours aussi narquois sur le visage. La regardant comme s'il la déshabillait, il s'approcha d'elle en souriant méchamment.

- Je vous préviens Madame ! Si je vous retrouve encore ici après mon déjeuner, je vous ferai déloger manu-militari !

Miki se releva d'un bond obligeant le concierge à reculer pour ne pas la percuter. Il finit par se retrouver coincé entre la vitre derrière lui et la barmaid. Cette dernière envoya alors son poing dans la vitre, juste à côté de la tête du concierge. Le verre ne céda pas sur le coup, mais un craquement se fit entendre signalant à cet homme qu'il s'était fissuré.

- Essayez toujours !

L'homme ne demanda pas son reste et partit en courant le long du couloir. Elle remarqua alors un groupe de quatre étudiants qu'il avait failli renverser dans sa fuite. Ils n'avaient certainement pas perdu une miette de leur altercation.

- Ha haha ! Bien joué !
- Depuis le temps qu'il le mérite, je crois que Shinigami a eu la peur de sa vie.

Les étudiants étaient habillés de façon luxueuse, des objets de valeur ornant leur poignets ou leurs mains... Le chef du groupe avait les cheveux noirs et bouclés. Il était accompagné de deux autres comparses qui ne cachaient pas la joie que leur avait procuré la scène en riant de tout leurs corps. En retrait derrière ses camarades hilares, un quatrième à l'air mélancolique se tenait adossé contre une des vitres. Miki se remit à terre contre son mur, les yeux fixés vers la porte du bureau d'accueil. Remarquant les larmes qui commençaient à couler sur ses joues, ils s'arrêtèrent de rire. Se penchant vers elle, l'un des étudiants la prit en pitié :

- Dîtes , on peut vous aider ?

Tournant son visage vers les quatre garçons, Miki se redressa.

- Je cherche une personne, une étudiante de Waseda pour être exacte. Peut-être sauriez-vous où je peux la trouver ?
- Vous avez flanqué une frousse bleue à Shinigami et égayé notre journée... Rien que pour ça vous méritez qu'on vous aide. Dîtes toujours son nom et on vous dira.
- Je ne connais pas son nom. Mais je dois la retrouver, c'est très important !
- Elle est comment ? Jolie ?
- Sojiro !

Donnant un léger coup de coude à son ami, celui qui avait les cheveux les plus long le calma d'emblée.

- Plutôt jeune, même très jeune pour une étudiante et oui assez jolie.

La dépassant de quelques pas, les yeux tournés vers la porte d'entrée, le meneur mit ses mains dans ses poches et sans la regarder lui annonça :

- C'est que des jeunes et jolies étudiantes ici, y'en a pas mal. Vous n'auriez pas une autre information à nous donner ?
- Elle est brune, de cette taille, les cheveux jusque là et plutôt réservée. Très polie...

Un éclair de mémoire traversa ses pensées. Elle revit alors l'image de la jeune fille assise sur la banquette au fond de son café : sa jupe simple et plutôt fonctionnelle, un t-shirt sans marque quelconque... Elle ne portait pas non plus des breloques de renom comme pouvaient en porter les habituels étudiants de Waseda... Elle n'avait remarqué aucun bijou ou objet de valeur sur elle... L'université de Waseda était prestigieuse, fréquentée par des étudiants de bonnes familles qui avaient suffisamment d'argent pour les inscrire ici. Cette fille était bien habillée mais comparée aux étudiants de cette université privée, elle avait l'air d'une Cendrillon perdue au milieu d'étudiants aisés...

- ... Elle doit avoir eu une bourse d'études, elle n'est pas... Comment dire ? De votre niveau social ! Ses vêtements sont plutôt communs.

Presque immédiatement, le seul étudiant qui n'avait jusque là prononcé aucun mot proclama :

- Hanazawa Seriinu !
- Hanazawa Seriinu ? Vous êtes certain ?
- Elle est en première année. Vous la trouverez dans le bâtiment des Lettres à cette heure-ci, elle a cours. Amphithéâtre 7-C !
- Eh Rui, c'est pas la fille qui t'a rembarré y'a deux jours ? Dis donc toi, tu as appris son emploi du temps sur le bout des doigts ma parole...

Laissant là les étudiants qui commençaient à taquiner leur ami, Miki remercia vivement les jeunes hommes et ouvrit la porte qui la menait à l'extérieur. La chaleur en dehors du bâtiment lui rougit immédiatement le visage et le soleil l'éblouit. N'y prêtant pas plus attention, elle se repéra et fila de suite vers le panneau indicateur près de la statue pour s'apercevoir qu'elle était passée devant le bâtiment qui se trouvait pratiquement devant l'entrée principale. Elle regarda sa montre : 12h03. Que de temps perdu pour sauver Kaori ! Mais désormais elle avait un nom. Elle se précipita vers la faculté de Lettres et d'Art au point de ne plus sentir ses jambes.

Elle entra dans le bâtiment et tout en courant chercha du regard le panneau au dessus des portes qui lui indiquerait la salle 7-C. Elle pouvait sentir à chaque aspiration d'air ses poumons se remplir puis se vider tellement elle était essoufflée. Il lui semblait qu'ils brûlaient sous l'effort intense qu'elle leur faisait subir. Elle s'arrêta un instant, se pliant en deux jusqu'à mettre ses poings sur ses pieds. Reprenant son souffle une minute elle finit par se redresser. Lorsqu'elle vit la porte et le panneau noir, elle écarquilla les yeux. Elle s'était arrêtée pile au bon endroit. Frappant à la porte, elle s'introduisit sans plus attendre dans ce nouvel endroit...

--------------------

Arrivées dans le parc d'Okuma à l'est du campus, Seriinu s'arrêta net. Se retournant vers Yenni, elle se décida enfin à parler de ce qu'elle avait sur le cœur...

- Est-ce que par hasard tu saurais... ?
- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu vas finir par me le dire ou pas ?

Yenni regardait Seriinu l'air perplexe. Jamais elle ne l'avait vue dans cet état. Même si son corps se trouvait bien à Tokyo, son esprit semblait errer sur un autre continent, voire même une autre planète... La voir dans cet état la surprenait. Elle savait que Seriinu avait tendance à "plonger" dans ses pensées mais ce n'était que lorsqu'elle pensait à ses cours, et elle se sentait responsable de ne pas l'avoir accompagnée en sortie cette fois-ci. Lorsque Seriinu était arrivée à Waseda, Yenni avait tout de suite apprécié cette jeune fille de douze ans sa cadette... Une jeune fille pas comme les autres. Elle qui était fille unique avait eu la sensation dès le départ qu'elles s'entendraient comme des sœurs. Il n'était pas facile à son âge de se faire une place au milieu d'étudiants à peine matures. Mais qu'y pouvait-elle si elle avait dû travailler pour se payer ses études ? L'université de Waseda n'était pas donnée, mais elle était la seule qui pouvait l'amener à la carrière qu'elle désirait. Découvrir Seriinu qui ne pensait pas, comme ces étudiants jeunes et riches, qu'elle n'avait pas sa place ici lui avait mis du baume au cœur. Elle l'avait alors prise sous son aile pour lui faire découvrir le campus et la mégalopole.

Tournant son visage vers le sommet des peupliers qui ombrageaient le parc, Seriinu fixa entre les feuillages le ciel bleu où aucun nuage ne passait. C'était un endroit reposant et elle venait souvent en ce lieu après les cours pour se délasser. Se retournant vers son amie, elle baissa le regard jusqu'à voir ses chaussures....

- Est-ce que tu saurais par hasard ce que veux dire XYZ ?

Yenni eut comme un mouvement d'étonnement.

- XYZ ? Tu as vu un XYZ ?
- Alors tu sais ce que c'est ?
- Bien sûr ! Tout le monde à Tokyo sait ce qu'est un XYZ. Mais c'est une légende urbaine...
- Une légende urbaine ?
- Si quelqu'un a de gros problèmes, il lui suffit de se rendre à la gare de Shinjuku et d'écrire XYZ sur le tableau qui s'y trouve. Puis il se doit se rendre dans un des cafés de ce quartier. Et un ange ou plutôt UNE ange vient pour l'aider !
- Une ange ?
- C'est ce qu'il se dit oui ! Mais où as-tu vu un XYZ ?

Seriinu lui narra alors l'histoire du papier qu'elle avait trouvé avant son agression et le comportement qu'avait eu la propriétaire du café dans lequel elle s'était réfugiée. L'écoutant attentivement, Yenni ne perdit pas une miette de ce que lui racontait son amie. Elle avait vraiment trouvé un XYZ !

- Et tu te souviens du nom du café où tu étais ?
- Oui ! Le Tiger's eye ou le Cat's eye ! Un nom de félin en tout cas. Et c'est un café dans Shinjuku ! Au sud, pas très loin du quartier de Shibuya.
- Tu étais peut-être dans le fameux café de la légende ? Et si on allait voir ? Allons y, let’s go !!!

Attrapant Seriinu par le bras, Yenni commença à l'entraîner vers l'entrée principale du campus.

- Si tu veux vraiment aider cette personne, il faut que tu retournes là bas...
- Yenni !

La soudaine détermination de son amie la désarma et Seriinu se mit à trembler. Son cœur se mit à battre à tout rompre, elle avait l'impression qu'il allait sortir de sa cage thoracique s'il continuait à s'affoler ainsi. C'était là-bas qu'elle s'était faite agressée, là-bas que se trouvait son monstrueux sauveur... Sentant la réticence de son amie, Yenni relâcha un peu son emprise et la regarda.

- Viens...

Seriinu chercha un prétexte, elle ne voulait pas s'aventurer hors du campus et regrettait sa maison familiale si rassurante en cet instant. Elle aurait tout donné pour ne jamais en être partie...

- Mais on doit aller d'abord à l'infirmerie !!! Il nous faut nos dispenses.
- Tu veux sauver la personne qui a écrit cet XYZ, n'est-ce pas ?

Fixant le regard de Yenni, Seriinu y vit une lueur qu'elle n'y avait jamais vue. Et elle avait raison, le seul moyen pour ne plus être hantée par ce bout de papier était encore de réagir et de savoir si effectivement quelqu'un allait aider la personne qui l'avait rédigé.

- Oui !
- Alors, on y va. Tu as bien dit que ce café était dans une grande rue au sud du quartier de Shinjuku ? On trouvera sûrement quelqu'un là bas qui pourra nous renseigner. Et puis si on prend le bus, il passera peut-être devant... 12h12 ! Le prochain part à 12h17 ! On a pas le temps d'aller jusqu'à l'infirmerie, il faut qu'on se dépêche !
- Tu connais vraiment tous les horaires de bus par cœur !

Seriinu se mit à rire et sentit une vague de courage envahir tout son corps. Après tout la propriétaire avait été gentille avec elle, alors pourquoi aurait-elle peur de retourner dans ce café ? Acceptant l'idée folle de son amie, elles se précipitèrent vers l'arrêt de bus le plus proche.

-------------------

Miki arriva enfin dans le parc d'Okuma en courant. Faisant un faux mouvement, elle glissa sur le chemin de pierre qui le traversait et sentit une vive douleur dans son poignet déjà fragilisé par la rencontre avec la vitre de la conciergerie. Il ne lui manquait plus que ça ! Elle sourit ironiquement en pensant qu'elle se rendait justement dans une infirmerie. Regardant son poignet traumatisé, elle souffla dessus pour atténuer un peu la douleur brûlante qui commençait à envahir son articulation.

Heureusement pour elle, le professeur de Littérature Occidentale avait été très compréhensif. Lorsqu'elle était entrée dans l'amphithéâtre, elle était arrivée comme un chien dans un jeu de quille. Le professeur Onizuka installé devant un immense tableau noir y écrivait le nom d'un écrivain tout en déclamant son cours. En entendant les murmures de ses étudiants, il s'était alors retourné vers la porte d'entrée.

Déclarant à ses étudiants de patienter en relisant "l'aigle à deux-têtes" de Jean Cocteau, il avait alors indiqué à Miki de le rejoindre à son bureau. Dans un léger bruissement, les étudiants avaient déjà saisi leurs sacs pour y prendre leur livre et Miki avait été surprise du calme dans lequel ils s'étaient exécutés, faisant le moins de bruits possibles malgré leurs mouvements. L'écoutant attentivement, Miki avait alors exposé sa requête à ce professeur... Lequel lui avait gentiment signalé après l'avoir écoutée qu'Hanazawa Seriinu avait dû partir pour l'infirmerie de sa résidence. Ce professeur avait dû sentir sa détresse et l'urgence de la situation car il lui avait indiqué sans demander plus de renseignements le lieu où l'étudiante se rendait.

Maintenant au milieu de ce parc devant les grands bâtiments qui servaient de dortoirs, Miki se demandait si elle finirait par la retrouver. Elle avait l'impression de jouer au chat et à la souris avec cette jeune fille. Elle aperçut sa montre à terre à l'endroit où elle était tombée et remarqua que les aiguilles s'étaient arrêtée sur 12h12 et ne semblaient plus bouger. Elle la secoua dans l'espoir de faire repartir le mécanisme, mais en vain. Elle était désormais sans repère de temps... Se relevant en s'aidant de sa main valide, elle se dépoussiéra un peu et regarda devant elle les grandes bâtisses. Le professeur lui avait dit que c'était le deuxième à sa droite en arrivant au Parc... L'infirmerie se trouvait au rez-de-chaussée juste à l'entrée de la résidence... Reprenant sa course, elle ne fit pas attention aux deux silhouettes à l'opposé d'elle qui se dirigeaient vers la sortie principale...

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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyVen 13 Mai 2011 - 18:08

Chapitre 12 : Face à face.

 
Le silence régnait dans la salle d’accueil du café. A part le tic-tac de l’horloge accrochée au mur, aucun son n’était audible. Bien que le soleil soit à son zénith, l’air frais du climatiseur rendait le lieu agréable. Pourtant toutes les personnes qui avaient osé tambouriner un peu plus longuement à la porte du café en voyant l’établissement fermé, n’avaient pas demandé plus d’explications en sentant la tension palpable dans l’atmosphère de ce lieu qu’elles fréquentaient normalement à l’heure du déjeuner. Poliment, Mick les avaient renvoyées une à une chez elles. Mais l’air furibond qu’il avait lorsqu’il daignait ouvrir à ces clients quelques peu persistants les avait rebutés pour de bon. Ils repasseraient plus tard ou le lendemain, voire peut-être jamais. Mais l’américain se fichait éperdument de l’accueil qu’il pouvait leur faire. Ils n’avaient qu’à lire la pancarte, nom de dieu ! "Fermé" : c’était pourtant on-ne-peut-plus-clair non ?

Après un énième aller-retour à la porte d’entrée du Cat’s, il repartit nonchalamment s’installer au fond du café, se posant sur une des banquettes arrières et y étalant ses bras tout le long du dossier de celle-ci. Depuis qu’ils avaient silencieusement bu leurs verres au comptoir, cette place était devenu son point d’attente. Son téléphone portable trônait devant lui sur la table, attendant de sonner pour leur donner des nouvelles de Miki et savoir si elle avait enfin retrouvé la fille. Regardant le mur de droite, il observa un instant les différents ornements qui étaient placés là pour égayer encore plus cet endroit. Son regard glissa finalement du mur jusqu’à se poser sur son acolyte toujours assis sur son tabouret devant le bar.

Ryo avait les yeux perdus dans le merisier de la desserte, les deux bras repliés autour de son visage. Les verres qu’ils avaient bus étaient posés à même le comptoir, accompagnés de la bouteille de Scotch qui n‘avait plus servie depuis. Après cet unique verre, ils ne s'étaient plus dits un seul mot. Les ressentiments étaient bien trop présents entre les deux hommes pour entamer une conversation quelle qu'elle soit. Ils ne s’étaient pourtant pas vus depuis plus de trois ans, depuis l’enterrement d’Umibozu...

Ryo finit par relever sa tête et poser une de ses mains sur le comptoir, tandis que la seconde vint prendre l’un des verres vides. L’amenant près de lui, le nettoyeur entreprit de le pencher sur quarante-cinq degrés avant de le faire tourner avec son index gauche. Posant son coude droit sur le comptoir, il y appuya légèrement son visage, sans jamais lâcher le récipient du regard. Le frottement du verre sur le bois du bar était infime tant le japonais prenait le soin de ne pas en faire, mais dans le silence installé entre les deux anciens partenaires, il agit comme un stimuli sur les nerfs de Mick. Le calme qu’il semblait jusqu’à présent avoir se brisa même si personne hormis le japonais n‘aurait pu le percevoir. Ramenant doucement ses bras vers la table devant lui, il y saisit son Desert Eagle et le pointa directement sur Ryo.

- Arrête moi ça !

Sans daigner tourner la tête vers lui, le japonais continua son manège de ce verre tournant sur la console de bois.

- Tu attends quoi ?

Cette phrase était sortie de sa bouche nonchalamment, sans tristesse, étonnement ou colère. Il avait senti malgré le flegme de Mick la colère qui bouillonnait en lui et pouvait facilement la comprendre. Ils avaient du temps à passer avant que Miki ne revienne, alors autant percer enfin la plaie.

- Tu crois qu’on peut régler le problème comme ça ? Si oui, alors tu attends quoi ?

Riant amèrement à ces paroles, l’américain rengaina son arme sans arrêter de fixer Ryo. Il reprit sa position initiale sur la banquette et d’un sourire narquois, il décida tout de même de ne pas en rester là :

- Ca te suffisait pas de détruire ta vie y’a quatre ans Ryo ? Il a fallu que tu bousilles aussi les nôtres avec : Miki, Falcon, moi... Et maintenant celle de Kaori ! Tu t’en rends compte au moins ?

L’américain vit le verre s’arrêter de tourner sur son axe tandis que les épaules de Ryo se tendaient. Touché ! D’une main plus que ferme, ce dernier saisit le verre pour le remettre à sa place à côté de son homologue, le claquant plus qu’il ne le posa sur le comptoir. Une fois le verre posé, il serra le poing, mais se refusa à regarder son meilleur ami. Il n’arrivait pas à canaliser la fureur qui montait en lui. Comment Mick pouvait ainsi l’accuser d’avoir briser leurs vies ?

- Et qu’est-ce que j’aurai pu faire hein ? En quoi puis-je en être responsable ? Est-ce que je pouvais le prévoir ? Prononça-t-il sourdement, les dents serrées.

Le sang de Mick se mit à bouillir dans ses veines.

- Oh oui tu aurais pu ! Tu savais pertinemment qu’éloigner Kaori de ta vie c’était l’éloignée des nôtres. As-tu seulement pensé à Miki, à la peine que lui vaudrait la perte de sa meilleure amie ? Et Kaori alors ? Tu savais pertinemment qu’elle ne serait pas vraiment heureuse auprès d’un autre, qu’elle n’aimait que toi ! Tu savais que tu faisais son malheur en la jetant dans les bras de Shaaru. Jamais elle ne pourrait être autant heureuse avec lui que si tu lui avait enfin ouvert ton cœur ! Tu savais aussi qu’elle ne serait jamais en sécurité loin de toi ! Tu l’as poussée à se retrouver en danger Ryo !

Plaquant ses mains sur le comptoir, Ryo se leva vivement de son siège au point de faire tomber ce dernier. Se tournant pour enfin regarder Mick, il serra les poings contre ses jambes. Les mots de l’américain le mettaient à bout. Il avait espéré qu’ils puissent s’expliquer calmement, chacun à son poste d’attente, parlant franchement entre eux sans avoir à élever la voix. Crispé, il ne vit qu’une réponse possible à toutes les accusations que lui balançaient son interlocuteur :

- J’avais effacé toutes les traces possibles !

- Même en effaçant toutes les traces, tous les indices, tu sais pertinemment qu’il y a toujours un risque ! Qui te dit que quelqu’un ne l’a tout simplement pas reconnue un jour où elle était sortie faire les courses ou se promener ? Pour qu’elle soit en sécurité, il aurait fallu qu’elle change de planète Ryo !

Aucune réponse ne lui vint à l’esprit. Mick venait de marquer un point, ses mots s'incrustant dans le cœur de Ryo aussi clairement que s’ils avaient été gravés dans la pierre. Baissant les yeux, la frustration que ressentit alors le nettoyeur se transforma en rage. Toutes les vérités n’étaient pas bonnes à entendre. Finalement Kaori n’aurait jamais été en sécurité, qu’elle soit auprès de lui ou loin de lui. Même s’il l’avait laissé partir pour cette raison, il n’arrivait pas à se faire à l’idée que Mick pouvait avoir raison. La frustration ne fit que décupler la rage qu’il ressentait depuis le début de leur conversation, mais il tenta tout de même de faire taire le monstre en lui qui tambourinait à la porte de son cerveau, ne demandant qu’à se déchaîner.

- Je lui ai donné la possibilité de vivre !

L’américain vint se placer juste devant lui, d’un air calme. Il savait pertinemment que les mots le touchaient droit au but, droit au cœur, qu’ils cognaient ce cœur aussi bien qu’un boxeur s’entraînant avec un punching-ball...

- Et tu crois qu’elle vit quoi maintenant ?

Le monstre en lui sursauta un instant à ces propos. Ses poings lui faisaient mal à force de les serrer. Son cœur se trouvait pris dans un étau, coincé dans un maelström de sensations et de questions : il avait tant de remords, tant de haine envers Mick qui lui balançait ses quatre vérités au visage, envers lui-même, trop aveugle pour voir la totalité de la réalité que lui dévoilait finalement son acolyte depuis ce matin mais qu’il avait refusé de croire tout au long de ces quatre dernières années.

Voulant calmer pour de bon le monstre en lui qui s’appuyait sur les douleurs de son cœur pour pouvoir sortir, il se mit à fixer un point imaginaire par dessus l’épaule de son ancien partenaire, un point invisible sur le mur qui se trouvait face à lui. Peine perdue, son acolyte devinant ce qu’il tentait de faire se plaça dans l’axe que prenait ses yeux, bougeant dès qu’il voyait son regard s’enfuir. Finalement, Mick vint placer son visage juste devant le sien, ses yeux semblaient chercher quelque chose qu’il ne trouvait toujours pas chez le nettoyeur.

- Pourquoi es-tu là en cet instant Saeba ? A ton avis ? Pourquoi j’ai dû venir te cueillir chez toi ? Tu peux me le dire ça ? Pourquoi on aurait besoin de toi ?

Le calme que semblait avoir Mick avait cédé sur cette dernière phrase. Il l’avait hurlée de toute la puissance que pouvaient avoir ses cordes vocales. Reculant légèrement, il lança un regard de haine sur Ryo. Il en avait plus qu’assez d’attendre que ce dernier se décide à prendre conscience de ce qu’il avait fait.

- Mais tu sais quoi Saeba ? C’est moi qui la sortirait de ce merdier où tu l’as mise ! Cette fois, je ne m’effacerait pas Saeba ! Tu m’entends ? Je ne te laisserai plus cette place ! Et tu sais pourquoi ? Parce que contrairement à toi, moi je l’aime vraim...

Avant même qu’il en prenne conscience, Ryo envoya son poing dans la mâchoire de son ami, lui éclatant la lèvre inférieure. L’américain alla s’affaler contre une des tables en bois du café, la déformant sous son poids. Il se redressa vivement pour renvoyer le coup au nettoyeur qui le reçut sur la joue droite sans chercher à y échapper. Vacillant légèrement, Ryo reprit rapidement son équilibre et le coin gauche de ses lèvres se redressa en un demi-sourire. Ses yeux sans expression fixèrent sa proie et durant quelques dixièmes de secondes, les deux hommes se firent face.

- Alors le voilà le Ryo Saeba que tu es devenu, hein ? Celui dont j’entends parler depuis trois ans : le monstre de Shinjuku !

- Et crois moi, tu ne m’as pas encore vu à l’œuvre Angel !

Se précipitant sur lui, il attrapa son adversaire pour le jeter contre le bar, faisant tomber la bouteille de Scotch qui alla se fracasser derrière le comptoir. Se retournant pour suivre le mouvement produit par le corps de l’américain, le sourire de Ryo s’agrandit encore en voyant le dos de l’américain percuter le rebord du bar et celui-ci grimacer sous l’impact. S’approchant de lui d’un pas assuré, Mick n’eut pas le temps de se remettre de cette attaque, que Ryo l’avait déjà saisi par le col de sa chemise pour le soulever de terre.

- Et pourquoi, aurait-on besoin de toi l’amerloque ? Depuis tout ce temps passé après ton sevrage, tu n’as toujours pas récupéré la totalité de tes capacités. Comment pourrais-tu la sauver ?

Prenant de l’élan pour se retourner, il envoya l’américain s’écraser contre le mur en face du comptoir manquant de peu une des vitres. Le bruit du corps de Mick percutant le pan du mur produisit un bruit sec. Le plâtre s’effrita, et le choc se répercuta dans celui-ci et la peinture en de longues fissures, tandis que Mick s‘effondrait sur le sol dur. Le son parvint aux oreilles de son agresseur qui stoppa net. Mais qu’était-il en train de faire ? Réfléchissant aux dernières paroles de Mick, il n’eut plus guère le temps d'y penser que ce dernier s’élançait à son tour vers lui le poing en l’air. L’esquivant d’un mouvement de tête, le nettoyeur attrapa son ami par le col et le plaqua au sol. Sa main fermée se positionna au dessus de lui, prête à s’abattre au moindre geste.
 
Troublé par l’état dans lequel ils se trouvaient tous deux, Ryo se demanda encore quand le monstre en lui avait pris le dessus. Posant son regard droit dans les yeux de Mick, il le fixa d’un air désolé.

- Alors, t’attends quoi pour reprendre notre échauffourée Saeba ? Tu n’as déjà plus de forces ? Tu crois que c’est le moment de réfléchir ?

- Je suis désolé Mick. Je ne voulais pas en venir là !

- Et en venir où exactement ?

- Je n’ai jamais voulu tout ça Mick !

Ce souffle à peine audible sonna l’arrêt de leur combat. L’américain se calma, prenant conscience que Ryo ne semblait pas seulement parler de leur altercation. Bien qu’apaisé sur le coup, le nettoyeur était encore tendu, traversé par un flot de conscience sur sa vie depuis ses dernières années. Sa voix rauque remplie d’émotions s'éleva d’un coup la pièce...
 
- Je n’ai jamais voulu ça pour elle Mick, ni maintenant, ni jamais. Je voulais l’éloigner de notre monde de mort. Je voulais qu’elle réalise ses rêves, se marier, avoir des enfants... Qu’elle mène une vie normale, tu comprends ? Bien sûr que je savais qu’elle nous manquerait à tous. Mais j’ai fait ce qui était le mieux pour elle Mick ! J’ai balancé mon cœur au fond d’une poubelle pour la laisser partir. Je me suis enfermé dans une cage de douleurs pour lui cacher la douleur que je m’infligeait à moi-même. Tu crois que ça a été facile de la voir, chaque jour auprès de Shaaru ? Penses-tu que je n’ai pas lutté pour aller l’arracher de ses bras ? Bon sang ! Tu étais pourtant celui qui connaissais le mieux mes sentiments pour elle. Et pas une fois, tu n’es venu me trouver pour m’expliquer ce que tu en pensais ou ce que les autres en disait. Vous m’avez abandonné Mick ! Comment aurais-je pu penser à même vous l’expliquer hein ? Tu peux me le dire ? Comment crois-tu que j’ai vécu la mort d’Ijuin, seul dans mon coin ?

- Et maintenant tu comptes faire quoi ? Qu’est-ce qui est le mieux pour elle désormais Ryo ? Et si tu cessais de te trouver des excuses et que tu regardais la réalité en face ?

Regarder la réalité en face ! Mais quelle réalité ? Celle qu’il s’était forgée depuis ces quatre années passées sans elle et qui s’effritait au fur et à mesure qu’avançait cette maudite journée ? Celle que lui renvoyait désormais tous les autres et que, malgré les informations qu’il avait régulièrement prises depuis l’enterrement d’Umibozu auprès de ses indics, était bien loin de ce que reflétaient leurs vies à l’instant présent ? Plus qu’après Mick, c’était après lui-même qu’il en voulait. Lui qui avait promis de protéger sa famille, les avait tous détruits, qu’il avait éclaté leur famille en éloignant Kaori. Kaori, loin de lui, loin de sa protection, en danger quelque part dans Tokyo... Mick et Kazue séparés... Miki qui errait depuis la mort de son mari comme un fantôme, devenue si froide de sentiments... Les sœurs Nogami tellement dégoutées de son attitude qu’elles n‘avaient plus jamais voulu le revoir une fois sa partenaire partie de la ville...

Cette pensée stoppa net son élan de fureur. Le poing gauche toujours levé au dessus de son meilleur ami, il relâcha sa prise sur lui en lâchant sa chemise plus que froissée sous l’action qu’ils venaient de produire. Ryo se redressa lentement, une expression de marbre inscrite sur le visage. Des coups persistants se firent entendre à la porte du café sans qu’il n’en prenne vraiment conscience...

S’essuyant sa lèvre sanguinolente avec la manche de sa chemise, Mick s’appuya sur ses avants bras pour se dégager légèrement et finalement se redresser l’air furibond. Laissant le japonais figé sur place, il partit agacé répondre une nouvelle fois aux importuns qui arrivaient à ce moment là. Et dire qu’on les dérangeait alors qu’il venait enfin de faire prendre conscience à cet imbécile toute la mesure de l’erreur qu’il avait faite en faisant sortir Kaori de leurs vies. Ceux là, il allait les recevoir et tant pis si Miki les perdait comme clients. Ouvrant la porte d’un geste brusque sur deux silhouettes féminines, il se mit à hurler :

- Si vous ne savez pas lire retourner à l’école, c’est écrit fermé, nom d’un chien !

Baissant enfin le regard sur les deux importunes, il s’arrêta en apercevant les deux jeunes femmes se recroqueviller sur elles-mêmes. La plus jeune s’était mise à trembler d’effroi tandis que la deuxième la retenait pour qu’elle ne tombe pas à la renverse sous l’effet de cet accueil. La jeune femme la redressa avant de se retourner vers lui les yeux emplis de colère.

- Nous cherchons la propriétaire de ce café. Nous sommes bien au Cat’s Eye ?

- Euh oui... Mais le café est...

- XYZ !

- Hein ?

- XYZ ! Vous savez ce que ça veut dire ?

Devant l’air éberlué de cet homme, la jeune femme vit volte face vers son amie et la pris vers le bras

- Viens Seriinu, apparemment c’est pas ici !

- Laisse les entrer Mick.

Se retournant vers la porte de l’établissement, les deux femme aperçurent une silhouette debout au fond du café. Mick eut un mouvement de surprise en l’entendant. La voix de Ryo était troublante, jamais Mick ne l’avait entendue parler avec ce ton là. S’écartant pour laisser passer les deux jeunes femmes, il referma la porte derrière elles sans penser à la verrouiller et se retourna vers son ami. Le visage maculé de larmes pour la seconde fois, Ryo tentait de contenir la souffrance qui envahissait sa peau maintenant qu’il avait compris que tout était de sa faute. Baissant son regard vers les deux personnes qui venaient de rentrer dans la pièce, il eut un mouvement de surprise, tandis qu’une petite voix soufflait de son coté :

- Vous !





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Dernière édition par macema le Ven 13 Mai 2011 - 18:10, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyVen 13 Mai 2011 - 18:10

Chapitre 13 : Autour d’un XYZ.
 

- Vous vous connaissez ?

Mick regardait la jeune fille et son ami qui se fixaient, surpris de se retrouver face à face, mais n’eut pas de réponse à sa question. Elle resta là en suspens, comme bloquée l'étudiante et le nettoyeur en larmes qui n’arrivaient pas à se quitter des yeux.

« Même les monstres peuvent pleurer ! »

En voyant ces larmes rouler sur le visage de son sauveur et son expression si désespérée, Seriinu ne put s'empêcher de franchir la distance qui les séparait pour en approcher à bout de bras sa main . De ses doigts, timidement, elle cueillit une perle d’eau salée et retira vivement sa main en en sentant le contact sur sa peau. Elle fixa sa main intensément. C’était bien des larmes, elles étaient réelles.

La peur qu’elle avait éprouvée soudainement en revoyant son monstrueux sauveur à l’endroit même où elle avait put trouver refuge la veille... Cette peur... Elle s’était envolée au contact humide d’une de ces larmes sur ses doigts. S’activant, elle chercha dans les plis de sa jupe après ses poches et en sortit un mouchoir qu’elle appliqua sur les joues du nettoyeur, les tamponnant l’une après l’autre doucement au fur et à mesure que ses larmes continuaient à couler.

Yenni et Mick regardaient cette scène presque surréaliste du nettoyeur qui se laissait faire sans bouger ou changer d’expression. Soudain, Mick eut un éclair de lucidité en regardant plus précisément ce que faisait cette étudiante. Cette douceur dans ses gestes, l’innocence qu’elle semblait avoir... C’était précisément ce dont Ryo avait besoin pour le moment, un instant de calme où quelqu’un était là pour prendre soin de lui.

- Seriinu ?

Mick avisa alors la présence de la jeune femme qui lui avait répondu plus vertement, et qui commençait à sortir de sa léthargie. Ce n’était pas le moment qu’elle intervienne bon sang. D’un pas ample, il alla récupérer sa veste, son arme et son portable au fond du café, puis revint tout aussi rapidement pour ouvrir la porte d’entrée du Cats et tirer par le bras la jeune femme qui commençait à s’approcher du couple.

- Mais qu’est-ce que vous faites ?! Lâchez moi !!!!

Elle commença à se débattre, mais il ne lui en laissa pas l’occasion. Il affirma sa poigne sur elle en serrant un peu plus fort son poignet et l’entraîna dans la rue après avoir refermé la porte du café. Elle n’avait plus le choix, soit elle le suivrait soit elle tomberait. Un sourire apparut sur son visage en constatant que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas entraîné une femme dans ses pas. La dernière fois c’était quand ? Il chercha dans les tréfonds de sa mémoire avant qu’un coup sec ne soit porté sur son poignet, lui rappelant qu’il traînait un  « paquet » derrière lui.

Il jeta un œil à la jeune femme qu’il tenait par le bras. « Mignonne ». Elle lui avait demandé s’il savait ce que voulait dire XYZ. Pourquoi précisément aujourd’hui ce code revenait-il en force dans sa vie ? Le mot de Kaori et maintenant ces filles... Bizarrement, ces XYZ fusaient de partout sauf précisément du tableau des messages de la gare de Shinjuku. Depuis presque deux ans plus aucune trace blanche n’était venue orner ce tableau de ces caractères. Les demandes s’étaient taries d’elles-même lorsque les gens dans le besoin avaient constaté que personne n’y répondait plus. Ce code était devenu un mythe urbain au même titre que celle du monstre qui hantait les rues chaque nuit...

Ryo ! Lorsqu’il lui avait avoué ce qu’il avait vécu, il avait ressenti un pincement au cœur. C’est vrai qu’il aurait pu aller le voir pour s’expliquer une bonne fois avec lui et lui faire prendre conscience qu’il était dans l’erreur, mais il était trop dégouté de ce qu’il voyait alors... Une fois Kaori partie, il avait tenté une fois d’aller le voir mais n’avez trouvé qu’un appartement vide. Entre le départ de Kazue, le manque de Kaori et la haine qu’il éprouvait depuis la mort d’Umibozu, les choses n’avaient fait qu’empirer, lui laissant un goût amer à chaque fois qu’il prononçait le nom du nettoyeur.

Un nouveau coup sec lui fit tourner la tête vers sa compagne.

- Vous pourriez arrêter de courir ? Vous me faites mal ! s’écria cette dernière à bout de souffle. Et d’abord pourquoi vous m’emmenez avec vous?...

Il stoppa sa marche. Les passants les regardaient bizarrement, chuchotant entre eux à leur passage. Il en avait oublié qu’il n’était pas sur son sol natal. La société japonaise était une des plus curieuses qui soit. mais surtout une des plus prudes. A tirer cette fille par le bras dans les rues bondées de la capitale nippone, il n’avait fait qu’attirer l’attention sur eux. Notant l’inconvenance de leur situation, il relâcha le bras de la fille doucement. Prenant son sourire le plus charmeur, il se décida à l’affronter mais son sourire se figea lorsqu’il la vit se tourner pour prendre la poudre d’escampette. A grandes enjambées, il rattrapa sa « kidnappée » et se plaça sur son chemin.

- Hep hep hep, vous comptez aller où comme ça ?

- Je retourne auprès de Seriinu.

- C’est hors de question ! Et puis j’ai certaines choses à vous demander...

- Je ne vois pas pourquoi je vous écouterai ! Et mon amie est toute seule avec je ne sais qui dans ce café...

De son index, elle pointa le torse de l’américain et appuya sur son plexus.

- ... Et d’abord ça vous arrive souvent d’enlever les gens comme ça, sans leur demander leur avis ? Vous vous prenez pour qui ? Vous croyez vraiment qu’après ça les gens ont envie de vous écouter ? J’ai encore mal au bras. Et puis quand on voit l’état dans lequel vous êtes... Vous vous habillez classe mais vos vêtements sont froissés de partout. Vous croyez qu’avec cette allure, on a envie de...

Mick soupira en n’écoutant déjà plus que d’une oreille la jeune femme qui ne semblait plus vouloir arrêter ses remontrances. En plus, son index lui faisait mal. Il appuyait sur une des ecchymoses créées lors de son échauffourée avec Ryo. Même s’il ne le montrait pas, les coups que lui avait donnés le nettoyeur le faisaient souffrir. Il fit rouler son épaule droite en attendant qu’elle calme sa diatribe. C’est qu’elle avait la langue bien pendue... Il se mit à sourire avant de grimacer sous la douleur de son épaule. Voyant qu’elle ne se taisait toujours pas, il l’attira dans ses bras pour déposer ses lèvres sur celles de cette jeune femme. Stupéfaite par son geste, elle écarquilla les yeux et se raidit dans les bras de cet étranger. Ses paumes tentèrent de repousser le corps de cet homme mais le carcan de ses bras était bien trop puissant pour qu’elle puisse s’en défaire. Il ne la relâcha finalement que lorsqu’elle arrêta de gigoter. La respiration saccadée, Yenni baissa son visage pour reprendre son souffle, lorsque la main de Mick releva doucement son visage vers lui. Un grand sourire aux lèvres, l’américain lui murmura :

- Maintenant que vous êtes silencieuse, on peut peut-être parler calmement ?

Il s’écarta d’elle jusqu’à lui tourner le dos et attendit nonchalamment qu’elle reprenne ses esprits. Yenni ne répondit pas. Elle se contenta de porter sa main à ses lèvres encore chaudes de la bouche de cet inconnu, avant de lever ses yeux sur lui.

- Vous venez ? insista-t-il tout en lui tendant le bras. Sans comprendre pourquoi, elle fit quelques pas pour se retrouver devant lui.

- Vous parliez d’un XYZ quand vous êtes arrivée au café... D’où connaissez-vous ce terme ?

- Tout... Tout le monde... dans Tokyo connaît ce code. C’est une légende dont on parle beaucoup à la fac.

- Vous êtes étudiante ? s’étonna Mick en la regardant de la tête aux pieds. Vous n’êtes pas un peu vieille pour être étudiante ?

- Je ne vois pas en quoi ça vous regarde ! cria Yenni, en se retournant vers lui avec son air revêche. Ma vie ne regarde que moi ! Et si vous avez une remarque à faire,...

Elle fut une nouvelle fois interrompue par la main de l’américain qui vint se placer devant sa bouche.

- Je croyais qu’on s’était décidé pour parler calmement. Déclara-t-il.

La jeune femme s’arrêta immédiatement et hocha simplement la tête pour acquiescer.

- La prochaine fois, je recommencerai peut-être avec mes lèvres... C’était pas si désagréable après tout, annonça-t-il sur un ton désinvolte.

Yenni se mit à rougir à ces paroles. Portant de nouveau sa main à sa bouche, elle sursauta lorsqu’elle entendit la voix de son kidnappeur demander :

- Et donc, les étudiants en parlent entre eux. C’est quoi ? Une nouvelle mode, un truc de ce genre ?

- Vous devriez savoir que les jeunes gens aiment tous ce qui a attrait aux mystères... Les ovnis, les légendes urbaines, les vampires et autres monstres, les serpents qu’on retrouvent dans les toilettes parce que passés par les égouts où ils ont été jetés, la cartomancie, l’ésotérisme en général, les...

- Oui, ça va j’ai compris. Les machins paranormaux quoi, tout ce qui peut être bizarroïde... Comme si ces gamins refusaient finalement de grandir en croyant à des choses stupides... Et donc, c’est comme ça que vous en êtes venue à connaître le code XYZ ?

- En fait, une fille, Yukô Kataoka, qui a étudié il y a une dizaine d’années dans notre université, a annoncé un jour qu’elle avait été sauvée grâce à un XYZ... Je ne connais pas les détails, c’était il y a longtemps... Mais depuis, il y a un mot inscrit sur le tableau d’accueil du dortoir des étudiants : « Si vous avez besoin d’aide ou êtes en danger, allez à la gare de Shinjuku, un XYZ poser »...

Elle avait machinalement chantonné la dernière partie, comme le faisait la plupart des étudiants. Mick se mit à sourire devant la candeur de ce fait. Honteuse de s’être donnée ainsi en spectacle, la jeune femme se mit à rougir, puis continua :

- ... Il est dit dans cette légende, que si on dépose un XYZ sur le tableau de la gare de Shinjuku, un ange nous donne rendez-vous dans un café du quartier...

- Et donc, vous faites la tournée des cafés de Shinjuku pour voir si la légende est vraie ?

- Pas exactement non...

La jeune femme se mordit la lèvre, elle ignorait si elle pouvait confier l’histoire de Seriinu à cet inconnu. Pourquoi finalement cet homme lui posait-il toutes ces questions ?

- Pas exactement, hein... C’est à dire ?

- Pourquoi me posez-vous toutes ces questions en fait ? demanda soudainement Yenni. Vous connaissez quoi à ce code ?

L’américain la regarda, surpris. Évidemment elle n’était pas bête au point de ne pas se demander en quoi il était concerné pour lui réclamer autant de précisions sur un mythe. Mais lui donner la raison de cette réponse ne ferait que raviver les demandes sur un tableau vide depuis plus de deux ans... Il n’avait pas répondu aux demandes faites dessus depuis la mort d’Umibozu, et ne voulait surtout pas voir affluer des demandes d’étudiants en mal de croyances.

Après quelques instants de blanc sous le regard de la jeune femme, il approcha son visage du sien, se baissant pour se mettre à son niveau, et lui glissa à l’oreille.

- Et si je vous avouais en avoir déjà entendu parler...

Il se redressa avant de lui tourner le dos et de reprendre sa ballade :

- ... Mais je vous ai pas dit que cela existait !

Lui emboîtant le pas en le calquant sur celui de cet étranger, elle continua :

- Et quand en avez-vous entendu parler ?

- Écoutez mademoiselle....?

- Yenni !

- Écoutez Yenni ! Je ne sais pas si vraiment mes informations peuvent vous être utiles. Après tout, je...

- Seriinu en a vu un !

Mick stoppa une nouvelle fois en entendant ces mots.

- Pardon ?

- Seriinu en a vu un hier soir. C’est pour cela que nous sommes venues dans ce café.

Hébété, Mick fixa Yenni droit dans les yeux pour déceler une once de mensonge, mais en voyant le visage sérieux de la jeune femme qui ne cherchait pas à fuir son regard, il finit par comprendre. Dans les rouages de son esprit, tout se mit enfin en ordre... Le mot de Kaori trouvé par une étudiante, Miki récupérant cette feuille dans son café la veille au soir, Miki partie chercher cette fille sur le campus de Waseda... Deux jeunes femmes se présentant au Cats à la recherche d’XYZ... Voulant être certain de son raisonnement, il observa de nouveau la jeune femme avant de lui demander :

- Dites moi, vous n’étudiez pas à l’université de Waseda des fois ?

- Oui, mais comment le savez-vous ?

- Shit !

Attrapant une nouvelle fois le bras de Yenni, il fit demi-tour et annonça à la jeune femme :

- Venez vite, il faut qu’on retourne là bas.

- Quoi ? Mais...

- Je vous dirai tout cette fois, dès qu’on sera arrivés au Cats.

Il se mirent à marcher rapidement en direction de l’établissement, Yenni manquant de trébucher parfois sous la foulée du nettoyeur, bousculant les passants. La jeune femme leur adressait de rapides excuses tout en étant certaine qu’ils ne devaient pas en entendre la moitié. Mick se moquait éperdument des usages en cet instant : ces idiots n’avaient qu’à pas se trouver sur son passage. Il se foutait comme de l’an quarante que son comportement avec Yenni puisse être inconvenant, que tous les regards se soient braqués sur eux ou qu’il soit grossier à chaque fois que quelqu’un le ralentissait dans sa progression. Une seule chose lui trottait en tête en cet instant : Kaori ! La clé pour sauver Kaori était en ce moment au Cats, et lui comme un crétin en était parti. Il se serait bien mis à courir vers le café s’il avait été certain que la jeune femme qui l’accompagnait aurait pu le suivre.

Il attrapa de sa main libre son téléphone portable et composa le numéro de Miki sans même regarder devant lui. Collant l’appareil à son oreille, il attendit que cette dernière décroche avant de tomber sur le répondeur.

- Fuck !

Il retenta une seconde fois sans plus de succès, s’énervant contre l’appareil...

- Ça sert à quoi d’avoir un portable si c’est pour pas répondre quand on t’appelle ?! Hurla-t-il lorsque le bip indiquant la prise des messages retentit à son oreille.

Lançant un nouveau juron en anglais, il rangea son téléphone dans sa veste et leva la tête pour apercevoir enfin l’établissement. Augmentant la cadence, il lâcha le bras de Yenni pour arriver plus vite devant la porte et l’ouvrit d’un coup. La cloche de l’entrée cilla sur son attache avant de se balancer rapidement d’avant en arrière sous la puissance du battant de la porte.

- Ryo... cria-t-il avant de stopper net.

Jetant un regard panoramique à l’intérieur du café, il ne trouva pas comme prévu son acolyte, ni même la jeune fille avec laquelle il l’avait laissé. Faisant quelques pas dans l’établissement, il se dirigea vers la réserve avant d’en ressortir et d’aller explorer les pièces réservées à Miki.

Yenni entra à son tour et aperçut la veste de l’américain disparaitre par une porte. Elle fit le tour de la pièce du regard pour constater elle aussi que son amie n’était plus là. Elle remarqua à certains endroits qu’un mur était fissuré, des tables et des banquettes cassées ou abimées, et commença à avoir peur. Que c’était-il donc passé pour que son amie soit absente et que l’établissement soit dans cet état ?

- Seriinu ?

Une brise chaude entra par la porte restée grande ouverte donnant une bouffée de chaleur à la jeune femme. Elle remarqua alors quelque chose bouger sur le comptoir et s’en approcha. Un morceau de papier y frémissait sous l’air qui s’engouffrait dans la pièce malgré le climatiseur en marche. Saisissant la feuille, Yenni l’ouvrit pour y découvrir la raison de l’absence de son amie. C’est alors qu’elle sentit un corps se coller contre son dos et une main saisir la sienne pour lui prendre la lettre. Mick parcourut à son tour les quelques lignes, avant de se mettre à sourire.


 
La gamine m’emmène à l’endroit où elle a trouvé le XYZ.
Rejoins nous avec l’autre fille.
Ryo.


 
- Comme si t’avais pas pu m’attendre... se mentit-il les dents serrées.

Bien sûr que Ryo n’avait pas pu l’attendre. C’était de Kaori dont il s’agissait. Il en aurait fait autant. Sortant une nouvelle fois son portable de sa poche, il attendit cette fois plus calmement qu’une tonalité le mette en relation avec son interlocuteur.

- T’as mis le temps Mick !

- A cinq minutes près, tu pouvais pas partir un peu plus tard non ? Râla-t-il.

- Et toi tu pouvais pas arriver cinq minutes plus tôt ?

- Vous êtes où ?

- Pas très loin...

- C’est quoi pas très loin ? La gamine est bien avec toi, n’est-ce pas ? Non, parce qu’ici j’ai son amie qui s’inquiète...

- Oui, elle est là. D’ailleurs tu dois pouvoir la voir toi aussi, non ?

- Comment ça ?

- Regarde par la fenêtre...

S’exécutant, Mick se colla à la vitre pour tenter d’apercevoir la jeune fille. Scrutant les environs, il fut doublé par Yenni qui sortit aussitôt du café en s‘écriant :

- Seriinu !

Il referma son portable qu’il glissa dans sa veste, et tout en attrapant les clés du café dans la même poche, avisa la direction que prenait Yenni pour rejoindre sa camarade avant de sortir et de refermer précipitamment le café à clef. Sans vérifier que le verrou s’était bien enclenché, il traversa rapidement la rue à la suite de la jeune femme pour tourner quelques mètres après dans une ruelle.

- Tu vois, t’as trouvé tout de suite... l’accueillit une voix qu’il connaissait bien.





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyVen 13 Mai 2011 - 18:12

Chapitre 14 : Être le néant.


Assise dans son antre, Kaori fixait le hublot de la machine à laver juste à côté d’elle. Sa tête, tournée vers la gauche, reposait sur ses bras en croix, eux-mêmes en appui sur ses genoux relevés à bonne hauteur. Elle s’était mise là pour attendre, regardant invariablement ce hublot comme une télévision muette, sans plus bouger. Les vêtements avaient tourné devant ses yeux dans le tambour de la machine... Comme un défilé de couleurs qui passaient ainsi. Elle n’y avait pas vraiment prêté attention. Assise là depuis sa toilette, faisant passer le temps comme à son habitude... Les programmes avaient défilé : lavage, rinçage, essorage... Elle avait accueilli le clic annonçant que la sécurité s’était débloquée, quelques minutes après que la machine eut stoppé ses soubresauts, par un léger sursaut... Puis elle avait retrouvé sa position initiale, fixant le tambour.

Elle n’en attendait rien, n’y puisait rien de concret si ce n’est qu’elle lui laisse l’occasion de la regarder sans avoir à penser. Simplement la regarder. Elle se sentait comme déconnectée, errant dans un néant absolu où le temps et l’espace n’avaient plus de droits. Plus de pensées, pas de souvenirs ou d’envies, ni même de rêves... Elle n’entendait plus rien autour d’elle. Le temps dans ces cas là passait trop vite. Elle s’oubliait totalement, ou plutôt avait l’impression d’être enfin avec elle-même. D’être ce néant de sensations et d’émotions, ce vide si plein de calme et de silence... Être seule avec elle-même, sans avoir à réfléchir à la minute qui arriverait, à ce qu’elle devait faire, sans à avoir à se dire que Shaaru se réveillerait, et qu’en voyant l’état quasi identique de l’appartement, il viendrait lui hurler dessus...

Elle pouvait passer des heures ainsi sans bouger, sans réfléchir, une coquille vide... Se dire qu’elle glandait dans ces cas là comme pouvait le prétendre Shaaru ou qu’elle rêvait, mais elle était en paix avec son corps, son cœur et son âme. Elle était ce vide... Elle ne prétendait pas y réfléchir, elle l’aurait pu mais à quoi bon. Cela n’aurait servi qu’à se blesser elle-même, qu’à faire saigner un peu plus son cœur meurtri en revenant à la réalité. Les souvenirs, le temps d’avant qui revenaient au début des profondeurs de sa mémoire avaient eu le même résultat. Et elle s’était retrouvée à pleurer à chaudes larmes, continuant ses affres d’elle-même... Alors elle avait depuis longtemps appris à ne plus réfléchir pour être enfin au calme, ne plus avoir ni remords, ni regrets, ne plus voir ses rêves se briser.

Elle se perdait tant dans ce néant qu’elle l’était devenue même en dehors de son antre. Il lui arrivait de se déconnecter sans le vouloir parfois, alors même qu’elle effectuait une tâche ou que Shaaru lui parlait, ce qui n’était pas le meilleur des cas. Ne retenant rien ou ne répondant pas au bon moment, il lui faisait alors comprendre qu’elle ne l’avait pas écouté. Mais même là parfois, elle était vide. Certaines fois, elle ne sentait même plus les coups. Absente, réfugiée dans son néant, elle n’y sentait plus ni ses pensées, ni son corps.

La plupart du temps, il lui suffisait de croiser du regard un point au loin, même imaginaire, et automatiquement, elle se retrouvait dans son vide, elle devenait ce vide. Souvent, c’était la machine à laver qu’elle regardait sans voir. Shaaru l’avait même menacée d’enlever cet appareil de son antre, persuadé qu’elle y voyait un refuge, qu’elle aurait aimer être une souris pour s’y cacher et lui échapper. Il n’avait toujours pas compris... Son vide était bien plus grand que le tambour de la machine, bien plus grand même que l’appartement. Elle ne se sentait pas dans le noir ou perdue, elle ne parcourait pas ce néant, elle était juste elle. Le centre de ce monde serein et infini où elle ne bougeait même pas, n‘entendait rien, ne sentait rien. Elle était rien.

Elle n’y était ni joyeuse, ni triste... Elle partait bien trop loin pour pouvoir ressentir une émotion, une sensation. Son cœur et son cerveau semblaient s’arrêter. Elle s’était demandée plus d’une fois si elle ne finirait pas par mourir en étant ce néant, mais finalement n’était-ce pas ça être mort : ne rien ressentir, ne rien percevoir ! Le néant.

Il lui fallait un courage, un effort démesuré désormais pour sortir d’elle-même, et souvent c’était Shaaru qui la faisait réagir, brisant ce vide en la forçant à “vivre“. Elle s’était parfois dit qu’elle aurait pu rester dans le vide, et y attendre là, pour ne plus jamais en sortir, que son corps ne fonctionne plus, que les coups de Shaaru en aient raison ou qu’il atteigne le point de non retour en étant plus nourri. Mais il lui restait une peur... Si elle pouvait comparer ce néant à un coma ou à la mort, elle avait peur d’avoir tort et de le perdre. Peur de perdre ce reste de vide, se perdre elle. Quelque part, elle était même reconnaissante envers Shaaru de la faire réagir. Elle avait conscience, lorsqu’elle était éveillée, que ce vide n’était pas normal, que d’y vivre n’était pas vivre. Mais elle y était si bien...

Elle ne se souvenait plus de la première fois où elle avait réussi à s’atteindre, à se sentir si petite que le monde alentour devenait immense et sans couleur, sans bruit... Tout ce qu’elle savait, c’est que cela lui avait fait peur au départ, cette sensation de ne rien être, qu’il n’y ait rien autour de soi, de plonger dans le néant comme si on allait s’y écrouler, avant de comprendre qu’elle s’y sentait bien. Elle y était allée petit à petit, encore sur le qui-vive quant aux événements extérieurs et sur Shaaru ou ses amis, puis finalement avait compris que c’était des retrouvailles avec elle. Puisqu’elle n’était rien pour les autres, pour ses anciens souvenirs qui la faisaient souffrir, pour les personnes qui la prenaient pour un fantôme aujourd’hui, pour elle-même qui n’avait plus d’envies ou de projets si ce n’était survivre... Elle n’existait plus pour personne. Elle était ce vide qui croissait, en paix avec elle-même quand elle s’y abandonnait.

Le parfait reflet de sa personnalité... Pas de douleurs, pas de joies, pas d’envies, pas de gout... Après tout, elle avait abandonné l’idée d’en avoir, de penser si futilement qu’elle aimait ou pas tel ou tel aliment, telle couleur ou chanson, puisqu’elle n’en avait pas besoin, d’avoir même un but puisque cela ne lui servait à rien pour vivre. C’était même risible de savoir qu’auparavant elle s’enfermait dans de tels chichis, à se convaincre d’attendre qu’une chose arrive ou qu’elle en préfère une autre. Du temps perdu pour rien. Qu’en tirait-elle aujourd’hui si ce n’était des regrets ?

Alors sans même s’en rendre compte, elle avait effacé de sa mémoire tout ce qui y avait attrait, ne sachant plus jusqu’à sa couleur préférée ou si elle aimait manger du poisson. Plus rien n’avait vraiment de consistance, elle n’en avait pas besoin... Elle savait juste qu’elle avait besoin de manger pour vivre, peu importe quels pouvaient être ses gouts... Le résultat était le même. Elle se nourrissait et son corps survivait, elle prenait un vêtement pour se vêtir et ne pas avoir froid, et non pour être jolie. A quoi bon servir ces futilités ? Pourquoi faire ses enfantillages alors qu’on sait pertinemment que cela ne sert à rien et qu’on ne l’aurait pas ? A moins de s’en vouloir à soi-même et de se faire souffrir...

Elle finit tout de même par sortir d’elle-même en se rappelant le mot qu’elle avait envoyé par la fenêtre la veille. Elle n’avait pu s’empêcher de faire cette futilité là... Un sursaut de folie... Pourquoi l’avoir fait si elle était certaine que personne ne le trouverait ? A retomber dans ces espoirs inutiles et douloureux, elle secoua la tête en se disant qu’elle était folle. Devait-elle s’imposer elle-même des maux alors qu’elle s’était promis de ne plus être son propre bourreau. Oui, elle devenait folle... Il ne pouvait en être autrement. Elle secoua de nouveau la tête à cette pensée. Elle devait arrêter tout de suite ça, arrêter son cœur qui battait à tout rompre à l’idée qu’IL puisse venir la sauver.

Rien n’était plus douloureux que des espoirs déçus. Même la douleur de son corps n’était rien en comparaison de celle qu’elle s’infligeait en re-songeant au passé, en espérerant le futur. Pour ne plus y penser, elle avait peu à peu appris à s’oublier, à effacer ses souvenirs et ses pensées, jusqu’à sa personnalité. Quelque part, ça n’avait pas été un mal : Shaaru avait abandonné son lit dès qu’il avait compris qu’il ne tenait qu’une poupée vide de sensations dans ses bras. Il n’avait pas cherché à la faire réagir plus que ça. Ce qu‘il aimait par dessus tout dans ces moments là, c’était ressentir qu’il était le dominant dans leurs ébats, l’entendre pousser des cris de plaisir douloureux, la savoir impuissante sous lui.... Lorsqu’elle n’avait plus démontré une seule réaction au mal comme au bien qu’il lui faisait, il était parti sans en demander plus pour fréquenter ensuite les quartiers des prostituées des villes où ils habitaient.

Elle avait parfois capté son regard sur elle, en particulier quand il lui arrivait de laisser son cœur parler sans qu’elle le veuille. Dans ces moments là, elle voyait bien que l’envie de la prendre contre lui n’était pas bien loin. Il avait cherché à la provoquer pour percevoir ses émotions, lui parlant du passé, de ses amis, de LUI... Il l’avait flattée, brossée dans le sens du poil, l’avait même couverte de cadeaux... Si au début, elle avait eu du mal à savoir ce qu’il en était, ne sachant plus tout à fait sur quel pied danser avec lui, entre les moments de douceurs et ceux où il la frappait, elle avait quand même appris... Et puis... Il y avait tant de choses aujourd’hui dont elle ne connaissait plus la véracité.

Shaaru l’avait souvent interrogée, avait beaucoup parlé... Elle ne savait plus quoi penser d’elle-même lorsqu’elle l’entendait lui certifier qu’elle se trompait. Elle avait réfuté des idées au départ, sûre de ses arguments et de ses souvenirs. Mais maintenant tout était si flou dans son esprit qu’elle hésitait... Shaaru lui avait certifié qu’IL avait voulu se débarrasser du boulet qu’elle était... Alors pourquoi lui envoyer cet appel au secours ? Après tout, il l’avait jeté hors de sa vie en lui demandant de ne plus jamais le contacter... Il devait être bien content de s’être enfin débarrassé d’elle, vivant plus librement depuis son départ sans avoir à subir ses sautes d’humeur. Plus personne n’était là, accroché à ses basques comme un chien. Et encore, un chien avait l’intelligence de ne pas toujours rester scotché à son maître pour vivre lui aussi sa vie. Elle n’avait vraiment été qu’un poids pour lui, comme elle l’était maintenant pour Shaaru... Elle les laissait prendre soin d’elle alors qu’elle ne leur avait rien apporté. Après tout, IL vivait déjà sa vie tranquillement avant qu’elle ne l’oblige à l’accueillir sous le prétexte de venger son frère. Puis une fois cette vengeance accomplie, s’était incrustée sans lui demander son accord... Elle comprenait mieux maintenant pourquoi il l’avait balancée rapidement hors de sa vie quand l’occasion s’était présentée. Alors qui était-elle pour oser lui demander de revenir la chercher ? Pourquoi l’espérer ? Finalement, elle méritait surement ce qui lui arrivait.

Écrasant du revers de la main une larme qui venait de lui échapper, elle se mit à sourire devant la futilité de son geste nocturne. Elle se sentit épuisée, vide... Elle n’aurait même pas dû penser à le déranger une nouvelle fois. C’était stupide de sa part, comme tout ce qu’elle faisait de toute façon. Après tout, Shaaru avait déjà la bonté de l’avoir à ses crochets. Tout ce qu’il lui demandait c’était de suivre ses règles de vie, ce n’était pas plus compliqué que ça. Sa vie n’était pas si compliquée.

Le visage souriant, ravagé par les larmes qui ne tarissaient plus, Kaori se releva douloureusement pour commencer son ouvrage du jour. Elle sortit de son refuge, à demi dans son monde, à demi dans le leur... Sa tête tournait sous ses pensées et elle se mit à rire en songeant qu’elle faisait encore des manières. Elle n’avait pas besoin de réfléchir. Shaaru pensait à tout pour elle, elle n’avait qu’à se laisser suivre. Elle avait au moins la chance de n’avoir aucune responsabilité, ni le besoin de penser à leur bien être. Shaaru était là pour ça !

S’avançant doucement dans le couloir, elle se dirigea vers la cuisine sans faire de bruit. Le soleil à travers la fenêtre de la pièce l’aveugla un moment, mais elle s’acclimata rapidement à la lumière pour se diriger vers le réfrigérateur et commencer à préparer le petit déjeuner de Shaaru. Sortant les différents ustensiles dont elle avait besoin, elle sursauta en sentant une main l'agripper par son épaule douloureuse pour la faire se retourner.

- Tu pourrais pas faire moins de bruit nom de dieu... Y’en a qui dorme dans cette baraque !

Manquant de lâcher le bol qu’elle tenait dans ses mains, elle baissa la tête :

- Excuse moi, j’ai essayé de faire le moins de bruits possibles, mais la vaisselle s’est entrechoquée et....

- Pas besoin de chercher des excuses, putain ! Je t’ai déjà dit de faire plus attention.

Sans ménagement, Sa main poussa l’épaule de Kaori pour la faire reculer et lui laisser le chemin libre pour aller s’asseoir à table. Il s’empara du journal qui trainait là depuis au moins trois jours et sa tête disparue derrière les pages dépliées de ce dernier, ne laissant apparaitre que le haut de sa chevelure ébène. Comme LUI, songea-t-elle un instant, toujours figée.

- Bon t’attends quoi pour t’y mettre ? Faut peut être que je te montre comment on fait ? vitupéra Shaaru toujours caché derrière son journal.

Elle sortit rapidement de sa torpeur, retenant une larme de s’écouler une nouvelle fois. Ouvrant un placard, elle laissa son regard errer sur le fond du meuble sans même sans apercevoir, et se sentit devenir incroyablement petite dans la pièce. Ses pensées, ses envies s’arrêtèrent immédiatement d’affluer à son esprit. Elle laissa son inconscient prendre le dessus pour reproduire des gestes mécaniques... Elle n’entendait plus rien, ne contrôlait même pas ce qu’elle faisait.

- Et toi tu déjeunes pas ? Entendit-elle lui demander Shaaru en se “réveillant” immédiatement.

- Je... Je n’ai pas très faim...

- Putain, tu vas pas recommencer avec ces conneries. Tu t’assois et tu bouffes quelque chose : j’ai pas besoin que tu tombes malade par dessus le marché.

Obéissant, elle vint s’asseoir de l’autre coté de la table, avant de saisir un bol de riz qu’elle se mit à manger grain à grain.

- Ben voilà, au moins tu fais un effort... Au fait, ce soir Tybault organise un poker à la maison pendant que je serais absent. Alors tiens toi bien sage ma petite frigide... Tu prépares ce qu’il faut pour mes potes et surtout tu évites d’aguicher Kiyouji...

Kaori se mit à trembler en entendant ce prénom.

- Tu... Tu sortiras longtemps ? demanda-t-elle.

- Assez pour avoir une vraie femme dans mes bras, mais si ça te dérange que je sorte, tu sais quoi faire... déclara-t-il en la fixa droit dans les yeux.

N’obtenant toujours pas de réaction d’elle, le sourire malsain qu’il avait sur son visage se transforma en un rictus de colère...

- Dépêches toi de bouger ton cul... T’as pas mal de choses à faire aujourd’hui.

Et sans autre forme de procès, il claqua sur la table le mug qu’il tenait. Le restant de café dans le récipient gicla sur la table et ses alentours et il sortit de la pièce en laissant Kaori se charger des dégâts.





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MessageSujet: Re: XYZ, dernier espoir (City Hunter)   XYZ, dernier espoir (City Hunter) EmptyMer 14 Nov 2012 - 2:32

Commentaires de l'auteur : Sur les conseils d'un ami, j'ai recopié le chapitre 15 à partir de mon téléphone, mais les autres chapitres y sont encore enfermés --". Du coup, j'ai vraiment du mal à vous poster la suite. Toutes mes excuses pour le temps que cela prend. Je tente désormais de recopier en lisant sur mon téléphone les chapitres suivants. La chanson " Pas l'indifférence " est de Jean-Jacques Goldman. Bisous et bonne lecture.


Chapitre 15 : Pas l‘indifférence..


Éponge à la main, Kaori essuyait encore les quelques gouttes de café qui restaient sur le mur à coté de la table. Son regard s’arrêta un instant sur les traces brunes qu’elles avaient laissées sur la peinture jaune. Laissant ses yeux suivre un de ces chemins de caféine, elle se prit à passer son index de haut en bas de celui-ci. Elle était là ! Au milieu de cette trace sombre alors que tout autour d’elle le monde devait être lumineux, aussi lumineux que cette peinture. Elle ne savait plus si elle devait espérer encore. Les larmes rejaillirent encore sur son visage de craie. Elle les laissa couler doucement pour évacuer cette idée de folie. Pourquoi partir ?

Aussi droite que la ligne qu’elle regardait sa vie était ainsi tracée. Elle savait ce qu’elle avait à faire. Essuyant finalement la trainée du café, elle marqua un temps d’arrêt au moment d’enlever cette goutte encore un peu bombée, cette goutte qui s’était arrêtée en cours de route. Et si un jour, elle arrivait là ?
 
J’accepterai la douleur
D’accord aussi pour la peur
Je connais les conséquences
Et tant pis pour les pleurs

J’accepte quoiqu’il m’en coûte
Tout le pire du meilleur
Je prends les larmes et les doutes
Et risque tous les malheurs

- Kiyouji, murmura-t-elle avant de se remettre à trembler.

Elle ne l’avait pas revu depuis Yushui Town, depuis qu’il avait osé prendre sa défense devant Shaaru. Puis lui aussi l’avait abandonnée. Tant de temps était passé... Comment se faisait-il qu’il revienne chez eux ? Elle se souvenait encore de la scène qu’ils avaient vécue dans l’appartement, ce moment que Shaaru avait tant cherché à connaitre,... Qu‘il était tant persuadé de connaître... Un soupir s’exhala de ses lèvres décolorées en revoyant la rude explication que Shaaru avait infligée à Kiyouji par sa faute. Comment réussir à reparaitre devant ses yeux après ce qu’elle lui avait fait subir ?

Elle avait tant cherché à fuir pendant sa première année d’enfer qu’elle n’avait pas réfléchi à ce qu’il pourrait arriver à ceux qui l’aideraient, à ceux qui oseraient prendre sa défense, à ceux qui lui apporteraient... Elle secoua la tête. « Kiyouji ». Cherchant un soutien, un confort, quelqu’un qui l’aiderait à tout prix à sortir de sa captivité, elle s’était épanchée sur lui, mais pour quel résultat...

Tout mais pas l’indifférence
Tout mais pas ce temps qui meurt
Et les jours qui se ressemblent
Sans saveur et sans couleur

Tout mais pas l’indifférence
Tout mais pas ce temps qui meurt
Et les jours qui se ressemblent
Sans saveur et sans couleur

Tremblante, elle regarda à nouveau la goutte brunâtre que son soupir avait fait tressaillir et flancher sur son centre de gravité. Elle glissait désormais doucement, mais inexorablement vers le sol de la cuisine. Un soupir, un mot... Tout comme cette goutte, elle avait cru que sa vie pouvait se remettre en route.

- Kiyouji...

Lorsqu’il avait débarqué dans leur appartement de Yushui la toute première fois, elle avait déjà compris qu‘elle ne devait pas faire plus attention que cela aux amis de Shaaru. Depuis presque un an, elle avait appris à rester transparente à leurs yeux, s’excusant d’elle-même lorsque ces derniers la bousculaient dans les couloirs étroits de leur appartement... Pour la plupart, elle ne connaissait même pas leurs visages, se contentant d’être une présence fantomatique et discrète, même lorsqu’ils s’exclamaient haut et fort pour obtenir une bouteille ou de quoi manger. Alors la première fois, elle n’avait même pas relevé son visage pour observer qui pouvait être ce nouvel arrivant avant de partir se réfugier directement dans la salle de bain. Elle l’avait pourtant senti : ce regard posé sur elle, des interrogations plein les iris en songeant que Shaaru ne la présentait même pas.

Et j’apprendrai les souffrances
Et j’apprendrai les brûlures
Pour le miel d’une présence
Le souffle d’un murmure

J’apprendrai le froid des phrases
J’apprendrai le chaud des mots
Je jure de n’être plus sage
Je promets d’être sot

Elle s’était sentie si forte dans ces moments là : contente de voir qu’une personne se retournait sur elle lorsqu’elle le croisait de nouveau, ou lui adressait un regard, même sans sourire. Un regard qui avait résonné étrangement en elle, une lumière, si faible soit-elle dans son existence. Un regard qui avait bizarrement changé au fil des jours où cet homme venait chez eux, empli d’une lueur qu’elle n’avait pas vue briller depuis longtemps dans les yeux de Shaaru. Cette lueur, aucun des amis de Shaaru ne l’avait jamais eue, se contentant de se servir d’elle comme d’une serveuse dans un bar quelconque. Ils savaient tous pertinemment, au vu des traces de coups sur ses bras ou ses jambes, ce que Shaaru lui faisait subir, mais quel droit avaient-ils de lui parler ou tenter d’approcher le « jouet » d’un de leur pote. La plupart ne devait pas traiter mieux leurs femmes. Au delà de leur comportement, elle avait compris que les femmes n’étaient même pas pour eux une source d’envie. A leurs yeux, une poupée gonflable aurait eu la même place chez eux, à ceci près qu’elle ne leur faisait pas la cuisine ou le ménage. Une femme n’était qu’une propriété de plus dans leurs vies, et heureusement pour elle, Shaaru n’aimait pas prêter ce qui lui appartenait.

L’espoir au ventre, elle avait vite compris que ce regard pouvait être pour elle une porte de sortie, et elle avait alors redressé la tête lorsque ces yeux s’attardaient sur elle pour lui faire comprendre qu‘elle ne serait pas contre. Son corps ne lui appartenait plus depuis un moment déjà, alors pourquoi ne pas en jouer pour que cet homme l’aide à sortir de cet enfer. Le cœur plus léger, elle avait supporté les crises et les humiliations de Shaaru, se faisant la plus docile possible pour qu’il ne soupçonne rien. Chaque coup lui apportant l’écho d’une seule pensée : « Tout ça sera bientôt fini. »

Tout mais pas l’indifférence
Tout mais pas ce temps qui meurt
Et les jours qui se ressemblent
Sans saveur et sans couleur

Tout mais pas l’indifférence
Tout mais pas ce temps qui meurt
Et les jours qui se ressemblent
Sans saveur et sans couleur

Et elle avait prié pour que Shaaru ré-invite cet homme à une de ses soirées poker, pour qu’il lui fasse suffisamment confiance pour la laisser un jour à sa garde, où elle pourrait enfin l’aborder. Ce soir là était venu assez vite, l’estime de Shaaru envers Kiyouji augmentant au fur et à mesure que ce dernier perdait d’argent contre lui sans pourtant montrer un seul signe de contrariété. La plupart du temps, Shaaru préférait la laisser à la surveillance de plusieurs personnes lors de ses sorties en ville, mais si les occasions de n’avoir qu’un seul gardien étaient rares, le fait que Shaaru doive changer son cercle d’amis était bien moins exceptionnel. Agacés à force de fréquenter cet homme qui les plumait à chaque soirée, la majorité ne revenait plus ou alors partait en promettant de lui faire la peau. Elle soupçonnait même que c’était là l’une des principales raisons de leurs fréquents déménagements. Au bout de deux mois passés à Yushui Town, seul Kiyouji avait continué à répondre présent auprès de Shaaru et elle avait fini par obtenir le soir qu’elle espérait tant.

Au départ de Shaaru, elle avait pensé aller voir son gardien et mettre son plan de drague en route avant d’être surprise en sentant une main agripper son poignet. Il était là, à ses cotés, demandant si elle n’avait pas trop mal, si elle tenait le coup, observant les marques sur ses bras tout en passant parfois un doigt doucement dessus. Et elle avait fondu en sanglots, s’accrochant à lui. Non seulement il l’avait remarquée, mais Kiyouji se préoccupait d’elle...

Je donnerai des années pour un regard
Des châteaux, des palais pour un quai de gare
Un morceau d’aventure contre tous les conforts
Des tas de certitudes pour désirer encore

Échangerai années mortes pour un peu de vie
Chercherai clef de porte pour toute folie
Je prends tous les tickets pour tous les voyages
Aller n’importe où mais changer de paysage

Elle s’était confiée, lui avait tout raconté de sa vie avec Shaaru... A cette nuit s’étaient succédées plusieurs autres, Kiyouji prenant de plus en plus de risques pour pouvoir lui parler, la rassurer alors même que les autres étaient présents dans le salon, à s’esclaffer devant un match ou en retournant leurs cartes. Kiyouji était là pour elle, il voulait la sortir de là !

Son cœur avait recommencé à battre au rythme de ses visites : à chaque soir, elle espérait... Elle attendait le moment où il la rejoindrait dans la cuisine pour ravitailler les autres en bières fraiches tout en lui glissant un sourire, un clin d’œil, un simple mot, ou lorsque Shaaru sortait et qu’ils se retrouvaient enfin seuls. Guettant dans ces moments là le moindre bruit qui annonceraient le retour de son geôlier, ils se parlaient encore à mi-voix, n’allumant aucune lumière. Il ne fallait pas qu’il puisse avoir le moindre soupçon...

Et changer ces heures absentes
Et tout repeindre en couleur
Toutes ces âmes qui mentent
Et qui sourient comme on pleure

Pendant quatre longs mois, elle avait fini par accepter ce que les prunelles de Kiyouji lui renvoyaient, puisant dans le torse collé contre son dos le courage qui ne lui venait déjà plus, la tendresse que lui procuraient ses bras autour d’elle lorsqu’elle pleurait. Son cœur avait arrêté de saigner, gardant au fond d’elle son image lorsqu’il n’était pas dans leur appartement de Yushui Town, lorsque Shaaru avait commencé à se méfier pour la laisser à d’autres, renvoyant à Kiyouji le fait qu’il n’avait qu’à la siffler pour être servi, sans se préoccuper plus que de cela. Et les minutes ensemble avaient diminué, la laissant dans un manque et un désespoir que parfois même le souvenir de ces bras autour d’elle augmentait. Et ils avaient redoublé de prudence...

De ce qu’était Kiyouji, elle n’en savait rien. Elle savait juste qu’il n’était pas si simple pour lui de l’emmener dès que Shaaru franchissait l’orée de leur quartier. Elle savait qu’il était là pour elle, qu’il voulait la sortir de là, et que la chaleur de ses bras lui manquait lors de ses absences. Puis il y avait eu ce soir, le soir où il lui avait annoncé qu’elle serait bientôt loin de Yushui, loin des coups et de la douleur, un soir où ils avaient fini par oublier toute prudence et où Shaaru les avaient surpris ensemble sur le seuil de la salle de bain.

Et elle les avait entendus, alors même que Shaaru l’avait enfermée dans cette pièce... Elle avait clairement entendu les coups et les cris de Kiyouji, les paroles de Shaaru qui lui expliquait qu‘il n‘avait pas le droit de poser les mains sur ce qui lui appartenait... Et les rires des autres. Elle avait attendu le signal lui annonçant que son tour arrivait, que la torture que Kiyouji supportait avait enfin pris fin, jusqu’à ce que Shaaru ouvre la porte pour l’amener dans le salon devant tous ses amis. Elle l’avait vu, retenu par les autres, un œil tuméfié, à demi-refermé, le visage en sang, ses jambes qui ne le soutenaient déjà plus et ses mots prononcés dans un faible murmure :

- Ne la touche pas !

Ses yeux s’étaient brouillés, mais Shaaru lui avait relevée la tête avant de retourner près du jeune homme pour lui envoyer un coup de poing dans la mâchoire.

- Tu vois ma belle, je vais t’apprendre ce que ça fait de vouloir aguicher les autres...

Et elle l’avait compris, en voyant ce Kiyouji subissait par sa faute. Aucun coup ne l’avait atteinte plus que ceux qu’enduraient le jeune homme. Shaaru avait veillé à ce qu’elle rate rien du spectacle, l‘obligeant à regarder sans tourner la tête, sans fermer les yeux, au risque que Kiyouji n‘en reçoive encore plus. Ne la touchant pas, mais finalement portant un impact bien plus grand dans son esprit que ce que son corps avait pu connaitre. Voilà ce qu’il infligerait à tous ceux qui tenteraient de la soustraire à lui !

Ils l’avaient finalement laissé à moitié mort dans une ruelle un peu plus loin. Puis Shaaru l’avait ramenée dans la salle de bain...

Tout mais pas l’indifférence
Tout mais pas ce temps qui meurt
Et les jours qui se ressemblent
Sans saveur et sans couleur

Pendant les jours qui avaient suivis, elle avait attendu un signe, espéré qu’au moins le jeune homme tente de revenir la chercher, qu’il signale à d’autres sa captivité et ce qu’elle endurait auprès de Shaaru, mais ils avaient finalement passé et tout était revenu « à la normale ».

- Si tu t’attends à ce que ce gusse change quoique ce soit entre toi et moi, tu te fourres le doigt dans l’oeil, lui avait craché Shaaru une semaine après alors qu’elle tentait de voir au travers d’une fenêtre s’il pouvait être dans les parages.

Elle avait fini par se faire à l’idée que lui aussi l’avait abandonnée à son sort, s’était interrogée sur ce qu’il était, se demandant enfin si elle avait bien fait et qui il était vraiment pour ne pas directement la sortir de là... Se persuadant que peut-être elle serait passée du mal au pire... Pleurant au coeur de la nuit quand Shaaru dormait enfin sur cet ami perdu qui avait souffert à cause d‘elle.

Tout mais pas l’indifférence
Tout mais pas ce temps qui meurt
Et les jours qui se ressemblent
Sans saveur et sans couleur

Comment après tout ce temps, après ce qu’ils avaient vécus cette nuit-là, Kiyouji pouvait à nouveau rentrer chez eux ? Comment avait-il retrouvé Shaaru sur Tokyo depuis leur départ précipité de Yushui ? Quels pouvaient être les liens entre son bourreau et le jeune homme à l’heure actuelle ? Pourquoi ce soir, alors qu’il serait absent, Shaaru invitait-il son ancien rival ? Les questions fusaient en elle, tournant autour des activités de Shaaru dont elles ignoraient tout : certes, elle savait qu‘ils étaient un peu à court d‘argent ces derniers temps mais quand même !!!
Son corps tremblait à force de réfléchir à ce soir, aux buts de Shaaru, prenant un tour plus personnel lorsqu’elle s’attardait trop sur ses interrogations sur Kiyouji... La regarderait-il ce soir ?

Une bouffée de chaleur l’envahit à cette pensée et elle regretta de suite de ressentir son coeur battre la chamade. C’était trop risqué, Shaaru laissait trop de facilité entre eux cette nuit en étant absent : qu’avait-il encore manigancé en l’invitant ici ?

Frisonnant un bon coup, elle remit à plus tard les conséquences de cette venue : après tout, il n’était plus temps pour elle de réfléchir encore, elle verrait bien. Elle se laissa glisser dans son cocon de vide mais ne parvint finalement pas se calmer. Cette nouvelle était de trop ! Se vengeant sur l’éponge, elle se mit à frotter le mur au point de faire partir la peinture jaunâtre de la cuisine à chaque coup passé sur les traces de caféine...

- Au moins, il aura une bonne raison pour ce soir... murmura-t-elle...





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