Mère
d'Alix
Elle inclina la tête en direction du soleil: elle ne voyait rien sauf un magnifique oiseau blanc volant en rond dans le ciel clair et dégagé. Elle ne voyait plus les soldats braquant leur fusil sur elle, elle ne les verrait plus. Tout à coup, elle ressentit des ronces l'étranglant et plantant leurs épines dans son corps de partout. Elle ne pouvait plus bouger, elle s'effondra. Le monde autour devenait de plus en plus sombre, elle arrivait à peine à distinguer les ombres l'entourant. Elle eut brusquement envie de pleurer mais les larmes ne voulaient sortir. Oscar entendit la voix desespérée d'Alain l'interpellant "Capitaine! Capitaine! Reprenez-vous! Dites quelque chose!". Elle ne voulait pas répondre car il semblait qu'elle détruirait ce monde si confortable et si sombre dans lequel elle s'enfonçait lentement, ses forces l'abandonnaient. Pourtant, elle réussit à murmurer: "Ne criez pas! Je vous entends très bien.." Elle sentit qu'on la transportait à un autre endroit, les ronces l'étouffaient de plus belle.
Elle ouvrit lentement les yeux et découvrit avec une indifférence la surprenant que du sang coulait sur ses jambes et ses bras. Elle était perdue!
_ "André, je vais bientôt te rejoindre... tu ne seras plus seul dorénavant... mais quel est cet étrange sentiment qui me rend si triste... Je vois... Père... je vais bientôt vous quitter, s'il vous plaît, pardonnez mes fautes, je ne suis plus forte, je serais bientôt une femme... Mère... Oh Mère..."
Soudain, elle entendit de nouvelles explosions et des cris de foules près de la prison mais elle n'entendait plus ses canons. Elle constatait que ses soldats l'entouraient, et pouvait lire l'anxiété et la crainte sur leur visage.
_ "Je n'entends plus nos canons... Allez vous battre! C'est votre devoir!" ordonna-t-elle de sa faible voix.
Ses soldats la quittèrent, laissant Bernard et Rosalie, elle-même lui tenant tendrement sa main gelée.
_ "Mère, pensez-vous que j'ai tout vu? Dites-moi à quoi devrais-je croire... Je me suis éveillée et me suis sentie si petite dans le monde dans lequel je suis encore en train de vivre. Est-ce le moment de partir? Est-ce l'heure de vous quitter? Quitter un monde que je n'ai jamais connu, en semant des graines qui n'ont jamais poussé?
Et je sais que vous seriez là, et je vous prendriez soin de moi... Serait-ce pour cette nuit? J'espère que je trouverais enfin la lumière. Oh, Mère, je crois que mon heure est venue, je ne sais pourquoi, mais elle me rend triste...
Mère, pensez-vous que c'est pareil la-haut? Aurai-je le même vieux nom? Jouerai-je à ces mêmes jeux? Est-ce l'amour que je trouverai? Est-ce beau le paradis? Oui, je sais que je ne devrais m'en soucier... un jour, nous nous retrouverons, comme de bons vieux amis. Je me sens fatiguée, je voudrais m'allonger dans un lit de fleurs et prier de rencontrer ceux que j'aime... André... André... mon amour..."
Ses yeux se fermèrent. Elle ne voyait plus Rosalie, elle ne pouvait plus sentir sa chaleur. Elle l'entendait seulement pleurer, mais les sons s'effaçaient lentement tandis qu'une autre chaleur venait à envelopper son corps. Elle ne ressentait plus ces douloureuses épines la transpercer. Elles étaient parties: Oscar était une femme! Elle rendit son dernier souffle.
© Alix