- Mais enfin Nicole! Ta gamine t'a lâchement abandonnée! C'est une fille indigne! Heureusement que tu as Rosalie!

Oui, Nicole savait la chance qu'elle avait d'avoir Rosalie à ses côtés. Mais là où les autres voyaient de départ de Jeanne comme une trahison, Nicole ne voyait rien d'indigne dans la conduite de son enfant. 

Au contraire, elle avait été sa digne fille. 

Elle avait été la même qu'elle: une jeune adolescente rêvant d'une vie meilleure, dans la noblesse, avec de jolies robes et une montagne de bijoux. Son côté intrigante, c'était bien d'elle qu'elle l'avait tiré. Elle avait séduit le duc de Saint-Rémi, espérant juste une amélioration de salaire. Il fit d’elle sa maîtresse, réduisant son travail. Et quand elle découvrit qu'elle était enceinte, elle avait pensé qu'il annulerait son mariage, son épouse étant stérile. 

Puis, la petite Martine-Gabrielle de Gureille arriva. Là où son maître voyait en elle une distraction, il aimait cette jeune adolescente de 15 ans. A ce moment-là, Nicole espérait juste une bonne place en tant que mère du bâtard du duc. 

Puis le duc perdit la vie. Au même moment, elle perdit tout. Elle apprit que rien n'était jamais vraiment acquis, jamais vraiment sûr. Elle retourna d'où elle venait : la masse populaire de Paris. Peu après, une Martine-Gabrielle éplorée vint la voir. Elle qui devait épouser le duc se retrouvait sans fiancé et enceinte. Nicole ne voulait pas laisser cette enfant gâcher sa vie pour une erreur de jeunesse. Elle, dans le peuple, on se ficherait bien qu'elle ait eu un bébé de son ancien maître. Mais cette jeune noble, on le lui ferait payer toute sa vie. Elle perdit peut-être une place, mais elle eut Rosalie. Un véritable gain au change.

Alors oui, elle comprenait Jeanne mieux que quiconque. C'était pour ça qu'elle avait essayé de l'adoucir, de la rendre moins ardente et plus raisonnable. Avant qu'elle ne se brise, avant que, comme Icare, elle ne se brûle les ailes et ne se noie. Mais c'était peine perdue. Désormais, elle priait juste pour que sa Jeanne soit apaisée et heureuse. 

Parce que malgré tout, elle ne cesserait jamais de la défendre face aux autres et elle ne cesserait jamais de l'aimer.