André se tenait debout, seul, dans le jardin arrière. Oscar et le Général de Jarjayes avaient quitté le château pour Versailles, et Grand-mère et les autres servantes étaient sur le marché à faire les courses. Le château semblait si vide, plus de voix, plus de rire, plus de bruit du tout: tout était mort. Il ratissait les feuilles tombant çà et là des arbres qui avaient vu Oscar et lui grandir.
Pourtant, rien ne restait de leur enfance, il lui semblait ratisser les derniers souvenirs de bonheur.
André pensait que bientôt ils plongeraient dans un grand froid. La lumière et la chaleur de l'été lui manquaient.
_ "L'hiver rentrera dans mon cœur... Colère, haine, frisson, labeur dur et forcé aussi. Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé."
Il déposa le râteau sur l'herbe desséchée et s'assit contre le grand chêne sous lequel était caché le trésor secret d'Oscar et André. Il sortit de sa poche une pomme et commença à la manger. Il leva ses yeux vers le ciel gris et morne et d'un air distrait il regardait passer les nuages cotonneux.
_ "Il me semble être bercé par un choc monotone, il me semble que quelqu'un ferme un cercueil quelque part. Est-ce le mien? Hier c'était l'été, voici l'automne. Ce bruit mystérieux résonne en écho dans mon âme. La tombe attend, elle est à vide. Mon Dieu, s'il-vous-plaît, j'aurais aimé ne jamais quitter cet été si chaud et si blanc, laissez-moi encore goûter à ce rayon si doux et doré."
 
André sourit mais les larmes émergaient de ses yeux. L'été était à présent loin derrière lui et il semblait que l'hiver entrait dans sa vie avec évidence. Seul, il avait essayé de vivre avec la douleur, seul, il avait tenté de lui montrer son amour brûlant. Il l'avait appelée jour après jour mais elle ne pouvait l'entendre. Il se demandait comment elle pouvait être forte sachant que quelqu'un de faible avait besoin d'elle. Il ne savait à qui il appartenait, il ne pouvait plus retrouver sa voie.
_ "Cela m'est égal si je dors toute la journée, si les cieux sont bleus, si je me saoul et agis comme un imbécile, tout ce qui compte pour moi, c'est toi. Je sais que ça va mieux quand tu es près de moi. Je sais que cela irait mieux si nous restions tous les deux toute la nuit... Et si un jour, tu devenais mienne, nous pourrions enfin rester ensemble jusqu'à la fin des temps, n'est-ce pas? Tu soignerais mes blessures, me ferais comprendre que cette vie vaut la peine d'être vécue, me ferais revivre."
André jeta quelques pommes de pin avec rage et colère. Son œil le faisait souffrir jour et nuit, mais cette douleur n'était rien comparée à celle qu'Oscar lui causait. Son cœur n'était qu'un lourd bloc de pierre qu'il supportait à peine. Il commença à se remémorer le trésor sur lequel il était assis: des épées en bois, des tasses de porcelaines, de belles et brillantes pierres... il pouvait se souvenir d'Oscar en train de rire. C'était l'une des dernières fois où ils avaient travaillés ensemble. Maintenant, elle était capable de tout faire elle-même, il lui était inutile. André se lova, grelottant de froid.
_ "Il me semble que le prêtre arrive... pourquoi? Qui va être enterré? Personne n'est là pour lui, personne ne semblait lui faire attention. Est-il seul? L'automne est là, tout est vide, même ce magnifique château de pierre blanche. Mon cœur est vide, aussi vide que cette tombe..."
Tout à coup, il vit une main de peau blanche tendue devant lui.
_ "Si nous allions nous promener à cheval jusqu'au lac, André?" dit joyeusement Oscar, affichant un grand sourire sur ses lèvres.
André hocha la tête et se releva.
_ "Cependant, aujourd'hui ne sera pas ma mort."
 

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