Cette conférence gratuite de la Société Dunkerquoise d’Histoire et d’Archéologie a eu lieu le 14 décembre 2021 à la mairie annexe de Rosendaël et a été animée par Agathe Leyssens.
Je vous fais ici un résumé des informations que j’ai apprises lors de cette conférence, laissant de côté les éléments trop axés sur ma région natale afin que vous puissiez avoir un aperçu plus national des manières de voyager au XVIIIème siècle.
Il est difficile d’avoir des statistiques et des nombres précis dans le domaine du voyage car, au début du XVIIIeme siècle, il y a assez peu de documentation, donc il est compliqué d’avoir des sources assez diverses et fiables.
Cependant, à Dunkerque et dans les autres ports de France, il existait un registre à l’Amirauté pour noter les arrivées et départs de voyageurs ainsi qu’un registre de saisie et d’actes de voyages. Cela permettait, si besoin était, d’ester en Justice en cas de litige et si le demandeur gagnait, il se voyait attribuer une déduction de ses frais de voyages.
Au début du siècle, en raison des guerres entre Louis XIV et l’Angleterre, le problème des frontières rend les voyages au-delà du territoire compliqué mais sous le règne du Régent puis de Louis XV, avec l’instauration de la paix et d’une certaine anglophilie, le commerce dans les ports se développe. Dunkerque est l’un des ports favoris pour partir en direction de Londres, de la Hollande, de l’Irlande mais aussi de la Méditerranée.
Les méthodes pour voyager dans les terres variaient en fonction du temps que le voyageur avait pour effectuer sa distance, ainsi que de ses moyens financiers.
L’une des options les plus rapides était de passer par une grande route tracée et sécurisée, l’ancêtre de l’autoroute de Cassel, un chemin qui allait de Paris vers le Nord en suivant les restes des routes créées par les romains.
Si vous étiez fortuné, l’un des moyens les plus rapides mais aussi les plus confortables était le voyage en diligence, lequel suivait le cours des messagers livrant le courrier. Les chevaux étaient changés régulièrement.
Une option moins onéreuse était de voyager en carabas. Le carabas était un genre de charriot sans suspension, sans vitre mais aux ouvertures protégées par des peaux de vaches. En l’absence de fauteuil, les passagers, souvent très voire trop nombreux à bord, prenaient place sur des bancs. Il était également possible de faire le voyage sur le toit du véhicule ou dans les paniers en osier à l’arrière. Un carabas était tiré par six chevaux et voyageait via la chaussée : c’était donc assez cahoteux.
Autre option moins chère et tout aussi bondé : voyager par les canaux via des services de barques ! Il était possible d’aller à Dunkerque par ce biais. Les voyageurs montaient dans un coche d’eau : un bateau à fond plat, sans fenêtre mais avec des peaux de vaches pour protéger les ouvertures, avec des bancs comme le carabas. Le coche était tracté par un cheval qui marchait sur la berge. Une traversée pouvait prendre 11 heures l’été, 12 heures l’hiver ! Il n’était pas non plus garanti de dormir dans un lit une fois sur place ! En effet, à l’époque, beaucoup de villes ferment leurs portes la nuit. Ainsi, si vous arriviez après ce « couvre-feu », vous passiez la nuit dehors ou dans des auberges à l’extérieur en attendant le lendemain matin… Ce moyen de transport servait également pour les services postaux et le transport de marchandises, donc il était toit à fait possible que vous voyagiez avec des tonneaux de poissons !
En 1750, les Magistrats de Dunkerque et de Saint-Omer optent pour des carrosses d’eau : plus léger que le coche d’eau, le bateau disposait d’une quille, il y avait enfin des fenêtres, de la place pour stocker les bagages et désormais, vous êtes assurés de ne voyager qu’avec des êtres humains. Comme nos trains modernes, il y a un système de classe. Les voyageurs en première classe ont des latrines intégrées et un système pour se chauffer. Des relais supplémentaires pour changer les chevaux plus régulièrement et ainsi accélérer le voyage sont mis place. Cependant, cette modernisation a un coût et désormais, une traversée coûte 40 sols au lieu des 15 initiaux… Ce système se développe pourtant un peu partout en France.
Pour ce qui est des voyages par la mer, il n’y a pas de bateaux ou de paquebots réguliers. Si l’on rate son navire, il faut attendre le prochain et espérer que le capitaine veuille bien vous prendre. Vous n’êtes pas non plus assurés d’avoir du confort : les cabines peuvent être assez petites ou, comme beaucoup de voyageurs, vous passez le voyage sur le pont ! N’importe quel capitaine peut accepter de vous embarquer. Espérez juste dans le cas d’un navire de contrebande qu’il ne sera pas contrôlé par la douane… Les temps de départ et d’arrivée sont très variables. En effet, nous sommes dans la période de la marine à voile et les délais se calculent avec les vents.
Quand vous arrivez dans un port pour partir en mer, vous devez vous inscrire auprès de l’Amirauté, puis vous pouvez descendre dans un hôtel en attendant la traversée. Les auberges françaises de l’époque sont considérées supérieures à celles des britanniques : plus propre, avec une meilleure nourriture et de meilleurs lits. La palme des meilleures auberges reviendrait à la région des Flandres, apparemment plus propres encore que celles nationales. Une fois arrivés à l’auberge, vous êtes contrôlé par l’aubergiste. En effet, il a un devoir de contrôle auquel il est soumis par la loi : ces contrôles via l’identité des voyageurs permettent d’éviter l’accroissement des pauvres dans ces quartiers. Tous les soirs, l’aubergiste se rend à la police ainsi qu’auprès des armées pour leur remettre ses documents. Nul besoin de vous dire que cette procédure est extrêmement lourde pour eux.
Vers les années 1766, présenter un papier d’identité ne suffit plus, vous devez aussi avoir le témoignage d’une personne pour certifier que vous êtes bien qui vous prétendez être ! Ces personnes agissent en qualité de garant moral, ce qui peut se faire directement sur place. Souvent, ce sont les aubergistes, les capitaines de navires, les négociants ou les religieux qui endossent cette responsabilité. Il vous faut aussi avoir un passeport, lequel est obtenu en en faisant la demande auprès de la municipalité ou avec un certificat auprès du curé de votre paroisse.
Comme de nos jours, les voyages connaissent des pics en été puis une décrue en hiver.
Les voyages se multiplient également sous l’impulsion du Grand Tour : ce voyage entamé par des jeunes nobles à travers l’Europe.
Cependant, il ne faut pas oublier que voyager à l’époque est beaucoup plus dangereux que de nos jours ! Les naufrages sont courants, surtout en hiver.
Il y a aussi énormément de voyages d’affaires : aller rencontrer ses fournisseurs, faire des achats pour son patron… D’ailleurs, ce genre de voyage a une forte présence féminine ! Il n’est pas rare qu’un employeur confie à son employée une telle charge. Les biens transportés sont bien souvent du lin, de la vannerie, du tabac. Pour l’anecdote, à cette époque, Dunkerque en est le troisième producteur européen.
Au XVIIIème siècle, si les frontières existent, elles se franchissent aisément, ce qui n’est pas sans rappeler notre espace Schengen actuel. Il est aisé d’aller s’installer ailleurs : à l’époque, la nationalité importe peu. Ce qui compte, c’est l’appartenance à votre ville. Les mers, les routes, sont des espaces ouverts.
Cependant, à la Révolution Française, la vis se serre. Les politiques de l’époque souhaitent bouter les étrangers en dehors des terres car ils sont vus comme de potentiels espions pour leur nation d’origine, ce qui peut se comprendre avec la guerre contre l’Autriche et les menaces des autres pays qui pourraient intervenir pour aider Louis XVI à retrouver son trône…
*** Lady Oscar Lady Oscar ***