Lady Oscar - André Forum site Lady Oscar - La Rose de Versailles - Versailles no Bara - Berusaiyu no Bara - The Rose of Versailles - ベルサイユのばら |
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Zinzare Rose éclose
Age : 67 Nombre de messages : 1998 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Contes de Noël ! Jeu 18 Déc 2008 - 17:27 | |
| Le traîneau aux mille clochettes : La nuit, les ténèbres, le silence… La fin, peut-être. Il s’effondra à genoux, le front presque enseveli dans la neige. Le vent lui apporta l’odeur âcre des rennes et des lichens. C’était un vent qui venait de loin, ayant bercé les étoiles de neige. Peut-être avait-il fait fureur sur l’immense plaine blanche, avait-il joué dans les bouleaux, s’était-il attardé parmi les tentes des Lapons, avait-il caressé la surface des lacs limpides et glacés et murmuré, à l’oreille de Kona, les paroles qui débordaient du cœur de Hordie ? Maintenant, le vent tourbillonnait autour de lui, l’étreignait de son embrassement. C’était un vent magnifique auquel il pouvait conter ses fautes et ses angoisses, avec l’intime certitude d’être compris. ~~~ Il dit : « Tu m’as suivi depuis le Nord glacial. Tu sais à quel point je suis las. Envoie vers moi la Reine du Sommeil pour que je puisse me reposer. Lorsqu’elle arrivera enfin, j’entendrai les clochettes de son traîneau tinter, très douces et confuses. Ses rennes sont plus rapides que toi, mon beau vent, mais tu la rencontreras, au cours de tes vagabondages. Dis-lui, veux-tu, que je l’attends… » Le vent resta un instant suspendu devant lui, comme n’osant pas le toucher. « Je ne savais pas que je commettais le mal. J’avais la vie en moi, mais la douleur au cœur et le désespoir dans les yeux. Je voulais rester seul auprès de Kona, sans rien lui demander de plus… Te rappelles-tu quand je fis tomber l’arbre, pendant cette nuit de Noël ? Le père de Kona, le noble Nevej, leva sa canne sur moi pour me frapper. Le coup aurait marqué mes épaules si Serghej, son neveu, ne l’avait arrêté en disant : « Veuillez lui pardonner, mon oncle, c’est Noël ! » Kona riait, amusée, en lissant ses tresses noires. Je l’accompagnai à l’église, assis près d’elle dans son traîneau, comme un chien fidèle. C’était Serghej qui conduisait. A ce moment, je le haïssais de toute la force de mon cœur sauvage. Parce qu’il était beau, riche, noble et que, peut-être, il deviendrait l’époux de Kona quand elle aurait l’âge de se marier… « Parfois, Kona me blessait de son ironie : mais, le plus souvent, elle se montrait bonne et douce à mon égard. Nous grandissions ensemble, elle dans le palais, moi dans l’écurie. Un soir d’hiver, nous restâmes seuls. Le noble Nevej et Serghej étaient partis en mission chez le gouverneur, et les serviteurs fêtaient, à l’office, les noces d’une cuisinière. Kona s’était agenouillée sur un divan et pressait son visage contre les vitres de la fenêtre. Il neigeait. Illuminées par les lampes, les petites étoiles cristallines paraissaient danser avant de se poser sur leurs compagnes déjà tombées. « Qu’elles sont belles ! » murmura Kona. J’osai me rapprocher d’elle. « Oui, elles sont belles, très belles. --- Hordie, je voudrais être un flocon de neige. Je pourrais me poser sur tes yeux, ou sur ta tête, ou sur ta main. Cela te plairait-il ? » L’émotion me serra la gorge. Je répondis en balbutiant : --- « J’en serais heureux. Je t’enfermerais dans ma main et je demanderais au froid de se faire encore plus froid pour que tu ne puisses jamais fondre. --- Tu es poète, Hordie. Qui t’a enseigné de telles paroles ? --- Le palefrenier. Le soir avant de s’endormir, il me raconte tout ce qu’il a lu dans les livres. --- Par exemple ? --- Il dit : « que le monde est immense, que notre pays n’est qu’un petit point dans l’univers, que tous les gouverneurs ne sont pas terribles comme le nôtre et qu’il existe des pays où le soleil brille toujours. « Kona eut un mouvement d’effroi. « Hordie, si mon père t’entend parler ainsi, il te mettra à la porte. Où iras-tu ? --- Peut-être où le soleil brille, et où il y a la mer. --- Serais-tu heureux de me quitter ? » Je me tenais derrière elle. Elle ne me regardait pas. J’allongeai légèrement la main pour toucher l’une de ses tresses, à la pointe, à la hauteur de sa taille. C’était un geste follement confiant, audacieux. Elle feignit de n’avoir pas senti cette caresse et poursuivit : « Sais-tu lire ? --- Un peu. J’ai commencé à apprendre dans les livres du palefrenier, et lui… a appris tout seul ! Il existe tant de beaux récits ! --- T’a-t-il raconté l’histoire de la Reine du Sommeil ? --- Non. --- Veux-tu que je te la raconte, moi ? Mais ne le dis pas à Serghej, car il n’aime pas que je… « « Je savais qu’il n’aimait pas que nous bavardions, Kona et moi, qu’elle vienne aux écuries et que je caresse ses tresses. « Elle commença à raconter, le front appuyé à la vitre : « La Reine du Sommeil est très belle. Ses rennes sont les plus rapides de la Terre. Son traîneau, quand il s’approche, emplit l’air de ses mille clochettes d’argent. Mille, tu m’entends, pas une de moins, pas une de plus. Elles sont attachées aux courroies de cuir qu’elle tient d’une main sûre. La Reine se hâte d’accourir en tous les lieux où on l’appelle. Elle est la fille de la Nuit. Les hommes l’invoquent lorsqu’ils sont las. Hordie, m’emmèneras-tu la voir ? --- Où et quand ? --- Dans le bois. Nous irons, une nuit. J’irai t’éveiller dans ton écurie. « J’étais tenté et effrayé. Sortir la nuit était dangereux. Nous pouvions être assaillis par les loups, ou par les gardes du gouverneur et, ce qui était pis encore, châtiés par le noble Neverj. Je risquais d’être condamné à mort ou, dans la meilleure des hypothèses, à l’exil. Mais Kona se retournait pour me sourire, et je n’osai lui dire non. » « Quel âge as-tu ? Me demanda-t-elle à l’improviste. --- Dix-sept ans. Et toi ? --- Quatorze. ~~~ « Vent, toi qui voit tout, tu avais vu, ce soir, que je n’avais pas cherché à rester seul avec Kona. J’avais peur de ses yeux, noirs comme la nuit, mais limpides comme notre ciel au printemps. Kona me regardait de façon étrange, comme si elle cherchait en moi un autre être… » Je n’étais plus affecté aux feux des nombreuses cheminées du palais, mais au soin des chevaux de Kona et Serghej. Je voyais Kona bondir en selle, si mince dans son costume de velours, éblouissante de jeunesse et de beauté. Parfois, elle me souriait, et ses yeux s’attardaient sur mon visage comme pour y chercher une réponse. Je me sentais défaillir… « Une nuit, j’entendis des pas sur la paille de l’écurie. La jument grise hennit. Je me levais, descendis de ma petite chambre et, à la lueur tremblante de la lampe à huile, j’aperçus Kona, vêtue de son manteau de peau d’ours. » « Que faites-vous ici, Kona Nevejevna ? » li demandai-je, épouvanté. Elle posa un doigt sur ses lèvres qui dessinaient un étrange sourire et chuchota : --- « Cette nuit, je veux voir la Reine du Sommeil. Prépare le traîneau, Hordie. » « J’étais véritablement terrorisé. J’allais refuser de l’accompagner, mais elle continuait de sourire de la même façon mystérieuse et je ne pouvais pas lui refuser cette joie. « Je préparai le traîneau, en m’efforçant de ne faire aucun bruit, et, quelques instants plus tard, nous volions sur la neige épaisse, à la rencontre de l’inconnu. A proximité du bois de bouleaux, Kona m’ordonna d’arrêter les chevaux. La nuit était belle et claire. La lune éclairait de lueurs froides l’immense étendue neigeuse. Les yeux de Kona, assise à mes côtés, brillaient de tous leurs feux. » --- « Dans trois semaines, dit-elle, ce sera Noël. » « Je compris qu’elle ne parlait que pour briser le silence magique dans lequel nous étions enveloppés. Mais elle ajouta : --- « Hordie, je voudrais que la Reine du Sommeil nous emporte ensemble pour toujours. Hordie, je ne suis pas heureuse. » « Une larme semblait posée sur sa joue, comme une perle. J’aurais voulu la prendre dans le creux de ma main et l’y garder éternellement. » --- « Vous possédez tout, répondis-je ; n’offensez pas la Providence. --- Tu dois me tutoyer, Hordie, comme autrefois… il me semble qu’il y a des siècles ! Pourtant, c’est seulement depuis trois ans que tu ne viens plus réchauffer nos cheminées. Rappelles-toi nos bavardages. Ton sage palefrenier te raconte-t-il toujours des histoires merveilleuses ? --- Comment pourrais-je oublier tout cela ? » « En fait, je ne vivais que par le souvenir de ce temps et des seuls instants heureux de ma vie. Kona me racontait alors son enfance et toutes les fantaisies qui lui passaient par la tête. » « Le passé ne revient pas, soupira-t-elle. Ecoute… » « Je n’entendis rien, mais elle tournait vers moi un visage transfiguré, comme si elle percevait une musique sublime. » --- Qu’y a-t-il à entendre, Kona ? --- Les clochettes ! Bientôt, nous verrons la Reine du Sommeil et nous pourrons implorer d’elle tout ce que nous désirons. Toi, que veux-tu ? Un palais, des serviteurs, les chevaux les plus agiles de la terre, le soleil éternel ? Que souhaites-tu, Hordie ? --- Rien, balbutiai-je. Je voudrais seulement que cette nuit n’ait jamais de fin. » « Le vent---car tu étais là, ô vent ! --- soufflait avec une sorte de violence bienveillante et m’apportait mille sons inconnus de moi. Tout à coup, je vis avancer un traîneau attelé de rennes aux ramures puissantes et je pus la contempler, elle, la Reine, belle comme le mystère. » « Reine du Sommeil, murmurai-je, fais que je puisse dormir toujours auprès de ma chère Kona ! » « Je fermai les yeux pour savourer toute la douceur de cet instant ; mais un coup de bâton me rappela brutalement à la réalité. « Kona s’accrocha à mon bras. --- « Fuyons, Hordie ! » « Elle saisit elle-même les rênes et éperonna les chevaux. « Nous courions avec toi, vent, tandis que grondaient derrière nous les voix irritées de Serghej et du père de Kona. » --- Plus vite ! Répétait Kona. S’ils te prennent, tu seras cruellement puni ! » « Je ne sais combien de temps dura cette fuite éperdue. Peut-être toute la nuit. Kona s’était endormie, blottie dans ses fourrures et tout contre mon flanc. Comment aurais-je pu résister ? Au loin, j’entendais le hurlement des loups. Les chevaux étaient las. Je descendis et m’agenouillai dans la neige, aux pieds de Kona endormie. Qu’elle était belle ! J’aurai bien voulu continuer cette course et la conquérir à jamais. Hélas ! Le pauvre Hordie ne pouvait rien être pour elle. « Nos poursuivants avaient gagné de la distance. Je creusai un trou dans la neige et m’y cachai tout entier. De là, je vis arriver Serghej et ses serviteurs. Je le vis se jeter sur Kona et la soulever dans ses bras avec un grand cri de triomphe. » « Vent, tu l’a entendu, l’ordre qu’il donna à ses serfs : --- « Ramenez-moi Hordie, mort ou vif ! » « Des jours et des nuits, j’errai de village en village. Partout, je trouvai les portes closes. » --- « C’est Hordie, disait-on, c’est le serviteur qui a osé enlever la fille du noble Nevej. » « Si un huis s’entrebâillait, ce n’était que pour permettre à une main de me tendre un morceau de pain et à une voix de me supplier : --- « Va-t’en, pour l’amour de Dieu ! Si Nevej apprend que nous t’avons secouru, sa colère s’abattra sur nous. Il a persuadé le gouverneur de te retrouver et de te châtier à tout prix ! » « Vent, ô vent, comme je suis las ! Conduis-moi, pousse-moi chez la Reine du Sommeil et que je repose éternellement entre ses bras ! » Hordie demeura immobile et considéra l’horizon blanc de neige. Mais voici que la merveilleuse musique parvenait à ses oreilles, et voici que le traîneau volait vers lui. C’était elle, la salvatrice, qui accourait à son aide. Elle le soulève dans ses bras. Il est épuisé de fatigue au point qu’il ne parvient pas à tenir debout. Il perçoit des voix étouffées. On l’emporte dans les airs, vers une région où n’existent plus ni la douleur humaine ni la notion du temps. Quel beau rêve ! Mais voici la maison de Nevej, splendidement illuminée. Et voici Kona qui s’approche de lui, un cierge allumé entre ses doigts minces. Hordie se rend compte alors qu’il est soutenu par deux hommes. Ses regards voilés recommencent à percevoir le monde extérieur. Il est tombé dans le piège. On va le tuer, ou bien on le battra jusqu’au sang, ou on l’exilera à jamais… « Qu’il en soit comme Dieu le veut », murmure-t-il vaincu. Dans son délire, il a cru voir sa chère Kona, mais il n’y a ici que des justiciers, sans pitié, inexorables. --- « Noël ! C’est Noël ! » O Seigneur, c’est la douce voix frêle et tremblante, qu’il aimait tant à entendre lorsqu’elle lui contait la légende de la Reine du Sommeil ! C’était au coin de la cheminée. Bien des ans, depuis, se sont écoulés. --- « C’est Noël, reprend la douce voix. J’ai obtenu de mon père et de Serghej qu’ils te pardonnent. « ~~~ Ce n’est pas un songe. On tend à Hordie un verre rempli de vin et on lui donne à manger. Désormais, il tient debout, et Kona est devant lui, son cierge allumé à la main, symbole de paix et d’amour. --- « Moi, Hordie, je n’ai rien à te pardonner, tu le sais. Tu es libre, Voilà de l’argent. La jument grise t’attend dans ta vieille écurie. --- Kona ! Ô Kona ! --- C’est Noël, c’est Noël ! Reprend la voix fraîche et mélancolique. Mon père t’a pardonné. C’est son présent, en l’honneur de mes noces avec Serghej. Va, notre beau rêve est fini… » FIN |
| | | Zinzare Rose éclose
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| Sujet: Re: Contes de Noël ! Sam 20 Déc 2008 - 16:55 | |
| Contes de Noël : L’amandier qui fleurit la nuit de Noël ! Une plaque apposée sur les murs de la ville évoque l’émouvante et merveilleuse aventure que les chanteurs ambulants s’en vont contant de-ci-, de-là… O toi qui passe hâtivement au pied du mont Fuji-Yama, arrête tes pas lorsque la lune apparaîtra car tu ne verras jamais plus, où que tu sois, fleurir l’amandier par une nuit d’hiver. Les pétales des fleurs parfumées te parleront du grand amour de Katsuko-San et d’une certaine nuit de Noël… Katsuko-San ne connaissait que les cours du palais de son père, puissant général aux ordres de l’empereur. Elle passait ses journées en compagnie de ses servantes à goûter la fraîcheur des jardins, le chant des rossignols et le murmure des fontaines. Quand le froid survenait, elle se blottissait près de l’âtre et se laissait bercer par le doux son du Koto que faisaient vibrer les musiciennes du palais. Elle rêvait alors de fiers sommets, de roches escarpées, de chaînes de montagnes avec leurs volcans ou leurs plateaux animés par des torrents. C’étaient des montagnes qu’elle ne verrait jamais car son père ne lui permettait pas de sortir. Quand les rouges-gorges revenaient, elle s’attardait près d’un petit lac que les fleurs de lotus envahissaient peu à peu ; autour d’elle, le parfum intense des camélias se mêlait à celui des glycines, des iris et des azalées tandis que les rhododendrons pourpres jetaient une ardente note de couleur dans le jardin. Tout son univers se bornait là, et parfois, très rarement, elle était admise dans les appartements de son père. Cependant, à l’heure du crépuscule, au moment de la relève de la garde, les voix des soldats lui parvenaient. L’une d’elles l’avait particulièrement frappée par son timbre doux mais autoritaire. Katsuko-San aurait bien voulu apercevoir le soldat à qui appartenait cette voix mais Olan, sa servante, tout apeurée, l’en avait dissuadée : « Honorable maîtresse adorée, si votre père découvre que je vous ai conduite jusqu’à la cour des militaires, il me fera couper la tête. Vous ne voulez pas que je meure ?... Katsuko-San avait renoncé à son idée par affection pour Olan, mais tous les soirs, d’un geste de la main, elle interrompait le bavardage des servantes car elle voulait écouter la voix. --- Ne crains rien, Olan, je prendrai toute la responsabilité sur moi ! Un jour que Katsuko-San s’attardait plus que de coutume dans le jardin, elle entendit un grand cri qui venait des logements réservés aux domestiques. Bientôt la cour et les jardins furent envahis par les serviteurs qui hurlaient tandis que des flammes jaillissaient des maisons voisines. La jeune fille gagna les jardins interdits : là les soldats de son honorable père couraient, chargées de seaux pleins d’eau, dirigés par les ordres de leur chef. Elle entendit sa voix. Elle s’appuya contre un amandier en fleur, craintive et fascinée, jusqu’à ce que tout rentrât dans l’ordre. Les soldats avaient regagné leur caserne mais leur chef inspectait consciencieusement le jardin pour s’assurer que le feu était bien éteint. C’est ainsi que le jeune officier vit Katsuko-San dans les premières ombres du soir ; ses yeux de jais et son doux sourire timide éclairaient son visage laiteux comme une perle… Il crut se trouver en présence d’une servante de son honorable général ; comment osait-elle rester seule dans le jardin et laisser seule sa maîtresse ? Il aurait voulu la réprimander mais le regard de la jeune fille, pur et radieux, l’en empêcha. --- Qui es-tu ? Demanda-t-il cependant avec brusquerie. --- Katsuko-San, répondit-elle en souriant. --- La fille de mon général ! Plié en deux, il essayait de se retirer avec dignité, mais la voix de la jeune fille, harmonieuse comme l’aube et joyeuse comme la source, le retint. --- Pourquoi as-tu peur ? --- Ton honorable père punit quiconque ose te regarder. --- Mais il n’est pas là et personne ne le saura. Comment t’appelles-tu ? --- Tojiro Lung. --- Tu es le chef des sentinelles ? --- Oui, honorable maîtresse. --- J’entends ta voix tous les soirs. --- Je suis confus de tant d’honneur ! --- C’est la plus douce voix que j’ai jamais entendue, ajouta Katsuko-San en suivant sa pensée. Tojiro Lung osa la regarder en face. Comme elle était belle, et simple, et douce à couper le souffle ! Il ne pourrait jamais l’oublier, et c’était une malédiction car un humble officier n’avait pas le droit d’aimer la fille de son général. --- Je t’attendrai ici, demain soir, dit la jeune fille. Maintenant il faut que je rentre car mes serviteurs doivent être en train de me chercher. Tojiro réussit à balbutier : --- Epargne-moi, douce maîtresse ! Si l’on nous découvre, je serai condamné à l’exil et tu seras enfermée à jamais dans le palais. Je ne veux pas que tu souffres à cause de moi ! --- As-tu peur, Tojiro Lung ? Tojiro avait le cœur embrasé. Il était conscient de jouer sinon sa tête, du moins sa carrière et sa tranquillité, mais l’amour l’emporta. - 1 - |
| | | Zinzare Rose éclose
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| Sujet: Re: Contes de Noël ! Sam 20 Déc 2008 - 16:57 | |
| :mmplmoi: "L'amandier qui fleurit la nuit de Noël ! :mmplmoi: Suite :~~~~ Le lendemain soir, il était près de l’amandier, une main sur le pommeau de son épée, l’autre posée sur son cœur pour en contenir les battements. Katsuko-San arriva accompagnée d’Olan, qui tremblait de peur et suppliait la jeune fille de ne pas parler à ce soldat pour ne pas déchaîner la colère du général. --- Il est beau, certes, maîtresse adorée, mais c’est un simple officier de province… S’il apprend cela, votre honorable père me fera couper la langue puis la tête… --- S’il te faisait couper la langue, il aurait raison, parce que tu parles trop ! Olan, ma fidèle, pardonne-moi cette méchanceté. Arrête-toi près du petit lac et fais semblant de ne rien voir si tu ne veux pas encourir la colère de mon père. --- J’ai l’ordre de vous suivre partout où vous irez. Pour le reste, je n’ai pas d’yeux pour voir ni d’oreilles pour entendre. Katsuko-San s’approcha de Tojiro Lung en souriant. Il réussit seulement à lui prendre la main et à la poser sur ce cœur qui ne battait que pour elle. --- Ma fleur d’amandier… --- Mon courageux soldat, mon seigneur ! L’amour l’enhardissant, Tojiro murmura : --- Qu’adviendra-t-il de nous, douce Katsuko-San ? --- Nous nous aimerons toute la vie, parce que je te suivrai partout. --- Même si nous allons dans des contrées inconnues où les jardins en fleurs n’existent pas ? --- Même si je dois marcher toute la vie, même si je dois franchir toutes les montagnes et traverser toutes les mers. Partout où tu iras, je serai à tes côtés, parce que tu es l’amour. Mais le puissant général, s’il savait mener ses soldats au combat et gouverner les villes en temps de paix, savait aussi voir… ou bien il avait quelqu’un qui voyait pour lui. Trois mois après l’incendie, il ordonna à Tojiro Lung de partir pour le nord et de ne plus revenir, sous peine de mort. On lui laissa deux heures pour préparer ses bagages et prendre congé de sa famille. Tojiro ne réussit pas à voir Katsuko-San ni à lui faire parvenir de message. Seules, les fleurs de l’amandier, qui pointaient au-dessus du mur du jardin, lui apportèrent son parfum. Katsuko-San attendit Tojiro Lung, ce soir-là, à la même heure, le lendemain et le surlendemain. Finalement, elle envoya Olan aux nouvelles. Quand elle apprit que son Tojiro était parti pour toujours, elle ne versa pas une larme ; elle s’assit au pied de l’amandier et n’en bougea plus… Des serviteurs, appelés par Olan, durent la prendre dans leur bras pour l’emporter dans ses appartements. Les mois passèrent, un an s’écoula, puis deux ans. Katsuko-San ne parlait plus, ne riait plus. Tous les soirs, quand elle entendait la voix du nouveau chef des sentinelles, elle courait vers l’amandier et restait là à regarder le ciel, interminablement. C’est en vain qu’Olan la faisait suivre par les musiciennes, qu’elle lui décrivait les merveilles des villes situées au-delà des murs du palais ou qu’elle lui vantait les délices d’une vie nouvelle, le jour où l’honorable général déciderait de la marier à un riche voisin. --- Son palais est en or, son jardin a trois lacs, des pins et des rochers et des iris et des camélias en fleurs, maîtresse ! --- Ma chère Olan, je passerais d’une prison dorée à une autre plus dorée encore. Moi, au contraire, je veux être libre d’aller voir mon seigneur… --- Mais personne ne sait où il est ! --- Un jour, je le saurai, Olan. Un soir, un mystérieux messager pénétra dans le jardin et déposa aux pieds de la jeune fille un écrin en bois de santal, puis il s’enfuit silencieusement comme il était venu. Katsuko-San ouvrit l’écrin : elle y trouva une petite statue qui représentait un enfant nouveau-né et un rouleau de parchemin. Le présent venait de Tojiro Lung. Ma petite fleur, écrivait-il, le printemps est né trois fois depuis que je t’ai quittée. Je suis allé loin, vers le nord, je me suis battu contre les rebelles, j’ai souffert du froid, de la faim, mais tu étais toujours présente dans mon cœur. Douce épouse de mon rêve, je ne reviendrai plus. Je suis prisonnier et demain les ténèbres éternelles m’envelopperont. Je n’ai pas peur ; un homme qui m’assiste---ici on l’appelle un missionnaire--- m’a parlé d’un enfant né un jour d’hiver, pauvre et inconnu, pour nous sauver. Je t’envoie la statue de cet enfant. Ne pleure pas, Katsuko-San… Pendant que j’attends la nuit éternelle, je sens le parfum de l’amandier même si le printemps est encore loin. Katsuko-San baisa le parchemin, le remit dans son écrin qu’elle serra sur son cœur, et erra dans le jardin. « Nous serons heureux, murmurait-elle, tu reviendra de la guerre, et mon honorable père te nommera capitaine. Le jour des noces, les amandiers seront en fleur… » Elle se perdit dans le parc, et quand les serviteurs la retrouvèrent, la nuit était tombée depuis longtemps… Olan ne la quittait plus d’un pas et, avec une patience infinie, elle écoutait les mots que Tojiro avait confiés à son parchemin. --- Je voudrais savoir, répétait Katsuko-San, le nom de cet enfant. Pourquoi il naquit et mourut pour le salut des hommes… Il sauvera Tojiro aussi, j’en suis sûre. --- Maîtresse, disait Olan, suppliante, vous devez vous persuader que Tojiro Lung ne reviendra pas. Sa lettre parle de nuit éternelle, et dans la nuit éternelle, la vie n’existe plus. --- Olan, veux-tu que je te fasse couper la langue ? Sachant que cette menace ne serait pas suivie d’effet, Olan reprenait : --- Maîtresse, il faut que vous viviez, vous êtes jeune et belle, et votre père, l’honorable général, vous a destinée à un brillant avenir. En effet, quelques mois plus tard, le père donna l’ordre qu’on amenât sa fille en sa présence. Très occupé par les batailles, il n’avait pas vu Katsuko-San depuis longtemps. Quel étrange regard elle avait, et quel sourire docile et doux ! --- Ma fille, lui dit-il, il est temps de penser à ton avenir. J’ai trouvé l’époux qu’il te faut. --- Je le sais, répondit Katsuko-San dans un murmure. Il s’appelle Tojiro Lung. --- Comment oses-tu parler de ce scélérat ! s’écria le général en se levant d’un air menaçant. Il a osé poser les yeux sur toi, fleur de ma vie, et au combat il n’a pas respecté mes ordres : il est tombé vivant aux mains de l’ennemi, couvrant de honte mon armée et ses aïeux ! --- Un enfant le sauvera, père, dit tranquillement Katsuko-San. --- De quel enfant parles-tu, ma fille ? --- Un enfant dont j’ignore le nom. Il l’a peut-être déjà sauvé… Vous n’entendez pas le galop de son cheval ? C’est lui, Tojiro. Il entre en vainqueur dans la ville… --- Tu rêves ! --- Non, honorable père. Vous serez fier, vous aussi, de mon époux, parce qu’il est courageux et généreux. A notre mariage assisteront tous les dignitaires de la ville… Le général regarda sa fille, atterré ; puis il comprit et baissa la tête comme un arbre frappé par la foudre : Katsuko-San vivait désormais dans un monde à elle, où personne ne pouvait entrer… Le printemps fleurit trois fois encore, les destinées de la guerre devinrent fluctuantes, le général tomba en disgrâce et, à la veille du printemps, son âme alla rejoindre celle de ses aïeux. L’empereur magnanime laissa à Katsuko-San et à cinq serviteurs la partie du palais où se dressait l’amandier en fleur. Pour Katsuko-San, le temps n’existait plus : elle était toujours jeune et belle, peut-être parce que son esprit s’était arrêté… Elle se souvenait de Tojiro, lors de leur dernier entretien, surtout quand il avait quitté son uniforme de militaire pour se présenter en robe de soie. Olan disait qu’ils s’étaient quittés tendrement, à regret, comme s’ils sentaient qu’ils se voyaient pour la dernière fois. Un soir d’hiver, alors que la neige recouvrait le jardin, Katsuko-San demanda à Olan de l’accompagner jusqu’à l’amandier. --- Maîtresse, il fait froid ! Vous allez tomber malade ! --- C’est la nuit et la lune est haute, Olan. Je n’ai pas froid parce que bientôt Tojiro Lung viendra me chercher. Fais-moi belle, sois patiente et fidèle, Olan. Il doit me trouver à ma place habituelle, sous l’amandier. C’était la première fois, qu cours de ces années de démence paisible, que Katsuko-San attendait avec impatience son amour. Jusque-là, ni son attente ni le temps n’avaient de limites pour elle… Olan interrogea les autres serviteurs et le vieux Min jugea qu’il fallait satisfaire les désirs de Katsuko-San. Olan para sa maîtresse, piqua dans sa chevelure couleur aile de corbeau des grappes de glycine de soie parfumée, l’enveloppa de son kimono de gala et lui remit l’écrin dont elle ne se séparait jamais. --- Olan, je t’en supplie, dit Katsuko-San, quand tu le verra arriver, cache-toi : je veux être seule pour l’accueillir ! --- J’obéirai, honorable maîtresse… --- Suis-je belle ? --- Vous êtes belle comme la lune d’août, maîtresse. La neige ne tombait plus et, sous l’amandier qui tendait ses branches blanches vers le ciel, il y avait un petit espace de terre nue. Olan se blottit là, gelée, tandis que Katsuko-San restait debout, droite comme une statue. « Le galop de son cheval ! Dit-elle tout à coup. C’est lui, il fait le tour des murailles. Le voici… Tojiro, je suis à, près de l’amandier ! » Tojiro était entré dans le jardin, son uniforme de capitaine luisait sous la pâle lumière de la lune. Il écarta les bras et serra Katsuko-San sur son cœur. --- Mon adorée, ma fleur, je suis venu pour t’emmener ! --- Et moi je t’ai attendu pendant toutes ces années avec un amour infini ! --- Dix hivers sont passés. Et je n’ai jamais cessé de penser à toi. Les nuits étaient longues comme la vie mais les lueurs de l’aube m’apportaient ton sourire. --- Où étais-tu, Tojiro ? Pourquoi, après l’envoi de l’écrin, ne m’as-tu plus écrit ? --- Je ne le pouvais pas ! Et on ne m’avait pas laissé d’arme pour que je puisse me faire justice. J’étais au-delà des frontières et la mort devait m’être donnée, pour la honte causée à mes aïeux, par mes ennemis. Puis le missionnaire intervint en ma faveur. Je le suppliai de me laisser mourir parce que je n’avais plus de raison d’être « : comme soldat, étant tombé aux mains des ennemis, j’avais perdu toute dignité ; comme époux, puisque je t’avais perdue. --- Je n’ai jamais pensé que tu étais un lâche. Si la nuit éternelle n’est pas venue, c’est le Ciel qui l’a voulu ainsi. Et c’est notre amour qui t’a donné la force de continuer à vivre. Olan vit sa maîtresse lever la main vers le visage de Tojiro et passer les doigts légèrement sur ses yeux. --- Rien n’a changé, Tojiro. Les petites rides que je vois sur ton visage représentent les années de douleur, et tu m’es encore plus cher qu’avant. Nous irons ensemble chez l’empereur et lui demanderons sa bénédiction. --- L’empereur ne nous recevra pas… Katsuko-San, tu sais qu’aucun mortel ne peut le regarder en face ! --- Il m’écoutera, Tojiro, parce que je suis la fille de son plus valeureux général. Et il te nommera commandant de la place, comme le fut mon père. --- Katsuko-San, écoute ! Je ne peux rester ici. Je dois retourner là d’où je viens. --- Et moi je te suivrai ! Tu vois, j’ai toujours avec moi l’écrin que tu m’avais envoyé, il y a si longtemps ! Il contient la statue de cet enfant dont j’ignore le nom… --- Il s’appelle Jésus. Il est né pendant une nuit d’hiver et tous les ans il revient sur la terre pour le bonheur des hommes. Allons, Katsuko-San, la route est longue et il faut arriver avant l’aube. ~~~ Olan jura qu’elle avait vu Tojiro Lung soulever dans ses bras Katsuko-San et disparaître avec elle dans la neige et le brouillard. Les serviteurs qui partirent à la recherche des deux femmes virent la servante agenouillée, en pleurs, au pied de l’amandier en fleur. La neige recouvrait l’arbre, mais, sur les branches, les corolles étaient écloses et parfumées, et les pétales tombaient sur la statuette de l’enfant que Katsuko-San avait laissé glisser à terre… De nombreux lustres se sont écoulés, le palais du général n’existe plus, mais l’amandier est resté et, tous les ans, se répète le miracle de la floraison, la nuit de Noël. FIN |
| | | Zinzare Rose éclose
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| Sujet: Re: Contes de Noël ! Mer 24 Déc 2008 - 9:28 | |
| Contes de Noël : Le Prince Heureux ! Par Oscar WILDE Dominant la Ville, sur une haute colonne, se dressait la statue du Prince Heureux. Il avait été doré sur toutes ses faces au moyen de minces feuilles d’or fin ; il avait, en guise d’yeux, deux saphirs brillants, et un gros rubis rouge sur la poignée de son épée. Il était certes fort admiré. --- Il est aussi beau qu’un coq de girouette, fit observer l’un des conseillers municipaux, qui désirait acquérir la réputation d’un homme aux goûts artistiques ; mais pas tout à fait aussi utile, ajouta-t-il, craignant qu’on ne le jugeât peu pratique, ce qu’en réalité il n’était point. --- Pourquoi ne peux-tu pas faire comme le Prince Heureux ? demanda une mère sensée à son petit garçon qui pleurait pour avoir la lune. Il ne viendrait pas à l’idée du Prince Heureux de pleurer pour avoir quoi que ce soit. --- Je suis content qu’il y ait au monde quelqu’un de tout à fait heureux, marmotta un homme déçu, en contemplant la statue merveilleuse. --- Il ressemble exactement à un ange, dirent les enfants élevés par charité, comme ils sortaient de la cathédrale, vêtus de leurs manteaux d’écarlate brillante et de leurs tabliers blancs tout propres. --- Comment le savez-vous ? Dit le maître de mathématiques ; vous n’en avez jamais vu. --- Ah ! Mais si, nous en avons vu, dans nos rêves ! Répondirent les enfants. Et le maître de mathématiques fronça les sourcils et prit un air fort sévère, car il n’approuvait point que les enfants fissent des rêves. Un soir, passa au-dessus de la ville une petite Hirondelle. Ses amies étaient parties pour l’Egypte voilà six semaines, mais elle s’était attardée parce qu’elle était amoureuse du plus beau des Roseaux. Elle avait fait sa connaissance au début du printemps, alors qu’elle descendait la rivière à la poursuite d’un gros papillon jaune, et elle avait été si vivement attirée par la taille gracile du Roseau, qu’elle s’était arrêtée pour lui parler. --- Vous aimerai-je ? Dit l’Hirondelle, qui aimait à aller droit au fait. Et le Roseau lui fit un profond salut. Alors, elle vola en cercle autour de lui, frôlant l’eau de ses ailes et traçant des ondes argentées. Ce fut ainsi qu’elle fit sa cour, qui dura tout l’été. --- C’est une amourette ridicule, gazouillèrent les autres Hirondelles ; il est sans le sou, et a bien trop de famille. Et, en effet, la rivière était toute pleine de Roseaux. Puis, quand vint l’automne, elle s’envolèrent toutes. Après qu’elles furent parties, elle se sentit solitaire, et commença de se lasser de son amoureux. --- Il n’a aucune conversation, dit-elle, et je crains qu’il ne soit volage, car il flirte constamment avec la brise. Et certes, chaque fois que la brise soufflait, le Roseau faisait les révérences les plus gracieuses. --- Je reconnais qu’il a le sens de l’intérieur, reprit-elle, mais j’aime les voyages, et il faudrait donc que mon mari les aimât aussi. Consentez-vous à partir avec moi ? Lui dit-elle finalement. Mais le Roseau hocha la tête, car il était fort attaché à son foyer. --- Vous vous êtes joué de moi, s’écria-t-elle. Je pars pour les Pyramides. Au revoir ! Et elle s’envola. Elle vola toute la journée, et, le soir, elle arriva à la ville. --- Où vais-je descendre ? Dit-elle. J’espère que la ville a fait des préparatifs. Elle aperçut alors la statue sur la haute colonne. --- C’est là que je vais descendre, s’écria-t-elle ; c’est fort bien situé, et il y a beaucoup d’air. Et elle se percha juste entre les pieds du Prince Heureux. « J’ai une chambre en or », se dit-elle doucement à elle-même en jetant un coup d’œil circulaire. Et elle se disposa à s’endormir ; mais, juste au moment où elle mettait sa tête sous son aile, il lui tomba sur le corps une grosse goutte d’eau. --- Comme c’est curieux ! S’écria-t-elle ; il n’y a pas un seul nuage au ciel, les étoiles sont bien nettes et brillantes, et pourtant il pleut. Le climat du nord de l’Europe est vraiment épouvantable. Le Roseau aimait la pluie, mais c’était simplement là un trait de son égoïsme. Puis une seconde goutte tomba. --- A quoi bon une statue si elle est incapable de protéger de la pluie ? Dit-elle. Il va falloir que je cherche une bonne souche de cheminée. Et elle résolu de s’envoler de là. Mais avant qu’elle eût déployé ses ailes, une troisième goutte tomba, et elle leva les yeux et vit… Ah ! Que vit-elle ? Les yeux du Prince Heureux étaient pleins de larmes, et les larmes coulaient le long de ses joues dorées. Son visage était si beau, sous le clair de lune, que la petite Hirondelle fut saisie de pitié. --- Qui êtes-vous ? Dit-elle. --- Je suis le Prince Heureux. --- Alors, pourquoi pleurez-vous ? demanda l’Hirondelle ; vous m’avez complètement trempée. --- Lorsque j’étais en vie et que je possédais un cœur humain, répondit la statue, je ne savais pas ce qu’étaient les larmes, car j’habitais le palais de Sans-souci, où le chagrin n’a pas le droit d’entrer. Dans la journée, je jouais avec mes compagnons dans le jardin, et, le soir, je menais la danse dans la grande salle. Autour du jardin courait un mur très élevé, mais je n’eus jamais le désir de demander ce qui s’étendait au-delà, car tout ce qui m’entourait était tellement beau ! Mes courtisans m’appelaient le Prince Heureux, et certes j’étais heureux, si le plaisir est le bonheur. C’est ainsi que je vécus, et c’est ainsi que je mourus. Et, maintenant que je suis mort, on m’a installé ici, à une telle hauteur que je vois toute la laideur et toute la misère de ma ville et, bien que mon cœur soit de plomb, je ne puis m’empêcher de pleurer. « Comment ! Il n’est pas en or massif ? » Se dit l’Hirondelle à elle-même. Elle était trop polie pour faire à haute voix des remarques personnelles. --- Là-bas au loin, reprit la statue d’une voix basse et musicale, dans une petite rue, il y a une pauvre maison. L’une des fenêtres est ouverte, et je vois au travers une femme assise à une table. Son visage est maigre et fatigué, et elle a les mains rugueuses et rouges, toutes piquées par l’aiguille, car c’est une couturière. Elle brode des passiflores sur une robe de satin pour la toilette de la plus belle des demoiselles d’honneur de la Cour. Dans un lit, dans l’angle de la pièce, son petit garçon est couché, malade. Il a la fièvre, et demande des oranges. Sa mère n’a rien à lui donner que de l’eau de la rivière ; aussi pleure-t-il. Hirondelle, Hirondelle, petite Hirondelle, ne veux-tu pas lui porter le rubis de la poignée de mon épée ? Mes pieds sont attachés à ce piédestal, et je ne puis bouger. --- On m’attend en Egypte, dit l’Hirondelle. Mes amies remontent et descendent le Nil, et causent avec les grosses fleurs de lotus. Bientôt elles vont s’endormir dans le tombeau du Grand Roi. Le Roi est là en personne, dans son cercueil bariolé. Il est enveloppé de linge jaune et embaumé avec des épices. Autour de son cou il y a une chaîne de jade vert pâle, et ses mains sont pareilles à des feuilles flétries. --- Hirondelle, Hirondelle, petite Hirondelle, dit le Prince, ne veux-tu pas rester auprès de moi une nuit et me servir de messager ? Le petit a une telle soif et la mère est si triste ! --- Je crois bien que je n’aime pas les garçons, répondit l’Hirondelle. L’été dernier, alors que j’habitais à la rivière, il y avait deux gamins grossiers, les fils du meunier, qui me lançaient constamment des pierres. Ils ne m’ont jamais touchée, bien entendu ; nous autres Hirondelles, nous volons beaucoup trop bien pour cela, et d’ailleurs, je descends d’une famille renommée pour son agilité ; mais enfin, c’est un signe de manque de respect. Mais le Prince Heureux prit un air tellement triste que la petite Hirondelle en eut de la peine. --- Il fait très froid ici, dit-elle ; mais je resterai auprès de vous une nuit, et je vous servirai de messager. --- Merci, petite Hirondelle, dit le Prince. Alors l’Hirondelle enleva à coups de bec le gros rubis de l’épée du Prince, et s’envola, le tenant dans son bec, par-dessus les toits de la ville. Elle passa à côté de la tour de la cathédrale, où étaient sculptés les anges en marbre blanc. Elle passa à côté du palais, et entendit des flonflons de danse. Une belle jeune fille sortit sur le balcon avec son amoureux. --- Comme les étoiles sont merveilleuses, dit-il, et combien est merveilleux le pouvoir de l’amour ! --- J’espère que ma robe sera prête à temps pour le bal de la Cour, répondit-elle ; j’ai donné ordre qu’on y brode des passiflores ; mais les couturières sont tellement paresseuses… Elle passa au-dessus de la rivière, et vit les lanternes suspendues aux mâts des bateaux. Elle passa au-dessus du ghetto, et vit les vieux marchands qui pesaient de l’argent sur des balances de cuivre. Enfin, elle arriva à la pauvre maison et y jeta un coup d’œil. Le petit garçon s’agitait fiévreusement sur son lit, et la mère s’était endormie, tellement elle était fatiguée. Elle entra en sautillant et posa le gros rubis sur la table, à côté du dé de la femme. Puis elle voleta doucement autour du lit, éventant de ses ailes le front de l’enfant. --- Comme j’ai frais, dit le petit garçon, je dois aller mieux. Et il s’assoupit en un sommeil délicieux. L’Hirondelle retourna alors auprès du Prince Heureux et lui dit ce qu’elle avait fait. --- C’est bizarre, fit-elle observer, mais je me sens maintenant toute réchauffée, bien qu’il fasse si froid ! --- C’est parce que tu as fait une bonne action, dit le Prince. Et la petite Hirondelle se mit à réfléchir, sur quoi elle s’endormit. La réflexion lui donnait toujours sommeil. Quand le jour parut, elle s’envola à la rivière et prit un bain. --- Quel phénomène remarquable ! Dit le professeur d’ornithologie, alors qu’il passait sur le pont. Une Hirondelle en hiver ! Et il écrivit une longue lettre à ce sujet au journal local. Tout le monde la cita : elle était tellement pleine de mots auxquels on ne comprenait rien. --- Ce soir, je pars pour l’Egypte, dit l’Hirondelle. - 1 - |
| | | Zinzare Rose éclose
Age : 67 Nombre de messages : 1998 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Contes de Noël ! Mer 24 Déc 2008 - 9:30 | |
| :mmplmoi: Le Prince Heureux ! :mmplmoi: Suite :~~~~ Et elle se sentit toute joyeuse à cette perspective. Elle visita tous les monuments publics, puis resta assise longtemps au sommet de la flèche de l’église. Partout où elle allait, les Moineaux piaillèrent joyeusement, et se dirent l’un à l’autre : --- Quel étranger distingué ! Aussi s’amusa-t-elle beaucoup. Quand la lune se leva, elle retourna auprès du Prince Heureux. --- Avez-vous quelque commission pour l’Egypte ? Demanda-t-elle ; je pars à l’instant. --- Hirondelle, Hirondelle, petite Hirondelle, dit le Prince, ne veux-tu pas rester auprès de moi une nuit de plus ? --- On m’attend en Egypte, répondit l’Hirondelle. Demain, mes amies voleront jusqu’à la deuxième cataracte. Le Cheval marin est là, accroupi parmi les roseaux, et sur un grand trône de granit est assis le dieu Memnon. Toute la nuit, il contemple les étoiles, et quand paraît l’astre du matin, il pousse un cri de joie, puis il reste silencieux. A midi, les lions jaunes descendent au bord de l’eau pour boire. Ils ont des yeux pareils à des béryls verts, et leur rugissement est plus bruyant que le fracas de la cataracte. --- Hirondelle, Hirondelle, petite Hirondelle, dit le Prince, au loin, là-bas, dans la ville, je vois un jeune homme dans une mansarde. Il est penché sur un pupitre couvert de papiers, et dans un verre à côté de lui il y a un bouquet de violettes fanées. Ses cheveux sont bruns et crépus, ses lèvres sont rouges comme une grenade, et il a de grands yeux rêveurs. Il essaye de terminer une pièce pour le directeur du théâtre, mais il fait trop froid pour qu’il puisse écrire davantage. Il n’y a pas de feu dans la grille, et il est tout affaibli par la faim. --- Je resterai encore une nuit auprès de vous, dit l’Hirondelle, qui avait vraiment bon cœur. Faut-il que je lui porte un autre rubis ? --- Hélas ! Je n’ai plus de rubis, à présent, dit le Prince ; il ne me reste plus que mes yeux. Ils sont en saphirs rares, qui ont été apportés de l’Inde il y a mille ans. Arraches-en un et porte-le-lui. Il le vendra au joaillier, il achètera de la nourriture et du bois pour se chauffer, et finira sa pièce. --- Cher Prince, dit l’Hirondelle, je ne puis faire cela. Et elle se mit à pleurer. --- Hirondelle, Hirondelle, petite Hirondelle, dit le Prince, fais ce que je t’ordonne. Alors l’Hirondelle arracha un œil au Prince, et s’envola jusqu’à la mansarde de l’étudiant. Il était bien facile de s’y introduire, car il y avait un trou dans la toiture. Elle s’y précipita et entra dans la chambre. Le jeune homme avait la tête enfouie dans les mains, de sorte qu’il n’entendit pas le battement des ailes de l’oiseau ; et lorsqu’il leva les yeux, il trouva le splendide saphir posé sur les violettes fanées. --- On commence à m’apprécier, s’écria-t-il, voici qui provient de quelque admirateur fervent. A présent, je puis terminer ma pièce. Et il eut l’air tout à fait heureux. Le lendemain, l’Hirondelle descendit jusqu’au port. Elle se percha sur le mât d’un grand bateau, et regarda les matelots qui retiraient de la cale, au moyen de cordes, de gros coffres. « Ho, hisse ! » Criaient-ils à mesure que chaque coffre apparaissait. --- Je m’en vais en Egypte, cria l’Hirondelle. Mais personne n’y fit attention, et quand la lune se leva, elle retourna à tire-d’aile auprès du Prince Heureux. --- Je viens vous dire au revoir, cria-t-elle. --- Hirondelle, Hirondelle, petite Hirondelle, dit le Prince, ne veux-tu pas rester encore une nuit auprès de moi ? --- C’est l’hiver, répondit l’Hirondelle, et la neige sera bientôt là. En Egypte, le soleil est chaud sur les palmiers verts, et les crocodiles sont allongés dans la vase et jettent autour d’eux des regards paresseux. Mes compagnes sont en train de construire un nid dans le temple de Baalbek, et les tourterelles roses et blanches les regardent et roucoulent. Cher Prince, il faut que je vous quitte, mais je ne vous oublierai jamais, et, au printemps prochain, je vous rapporterai deux bijoux magnifiques pour remplacer ceux que vous avez donnés. Le rubis sera plus rouge qu’une rose rouge, et le saphir sera bleu comme la vaste mer. --- En bas sur la place, dit le Prince Heureux, se tient une petite marchande d’allumettes. Elle a laissé tomber ses allumettes dans le ruisseau, et elles sont toutes abîmées. Son père la battra si elle ne rapporte pas d’argent à la maison, et elle pleure. Elle n’a ni bas ni souliers, et sa petite tête est nue. Arrache-moi mon autre œil, et donne-le-lui, et son père ne la battra pas. --- Je resterai encore une nuit auprès de vous, dit l’Hirondelle, mais je ne puis vous arracher l’œil. Vous seriez alors complètement aveugle. --- Hirondelle, Hirondelle, petite Hirondelle, dit le Prince, fais ce que je t’ordonne. Alors elle arracha au Prince son autre œil, et s’élança vers le sol en l’emportant. Elle descendit en planant auprès de la marchande d’allumettes, et lui glissa le joyau dans la paume de la main. --- Quel joli morceau de verre ! S’écria la petite fille. Et elle rentra chez elle en courant, toute rieuse. Alors l’Hirondelle retourna auprès du Prince. --- Vous êtes aveugle, à présent, dit-elle ; aussi resterai-je toujours avec vous. --- Non, petite Hirondelle, dit le pauvre Prince, il faut partir pour l’Egypte. --- Je resterai toujours auprès de vous, dit l’Hirondelle. Et elle dormit aux pieds du Prince. Toute la journée du lendemain, elle resta perchée sur l’épaule du Prince, et lui conta ce qu’elle avait vu dans les pays étrangers. Elle lui parla des ibis rouges, qui se tiennent debout en longues files sur les bords du Nil, et attrapent des poissons d’or avec leur bec ; du Sphinx, qui est aussi vieux que le monde lui-même, et habite au désert, et qui sait tout ; des marchands, qui vont lentement à côtés de leurs chameaux, et portent des chapelets d’ambre dans la main ; du Roi des Montagnes de la Lune, qui est noir comme l’ébène, et adorateur d’un gros bloc de cristal ; du grand serpent vert qui dort dans un palmier, et est servi par vingt prêtres qui le nourrissent de galettes de miel ; et des Pygmées qui mettent à la voile sur un vaste lac, montés sur de grandes feuilles plates, et sont toujours en guerre avec les papillons. --- Chère petite Hirondelle, dit le Prince, tu me parles de choses merveilleuses, mais il n’est rien de plus terrible que la misère. Vole au-dessus de ma ville, petite Hirondelle, et dis-moi ce que tu y auras vu. L’Hirondelle vola donc au-dessus de la grande ville, et vit les riches qui s’amusaient joyeusement dans leurs maisons magnifiques, tandis que les mendiants étaient assis près de leurs portes. Elle alla à tire-d’aile dans les ruelles sombres, et vit les visages blêmes d’enfants affamés regardant avec indifférence du côté des rues noires. Sous l’arche d’un pont, deux petits enfants étaient couchés dans les bras l’un de l’autre pour essayer de se réchauffer mutuellement. --- Comme nous avons faim ! Disaient-ils. --- Il ne faut pas coucher ici, cria le veilleur. Et ils s’en allèrent sous la pluie. Alors elle revint et conta au Prince ce qu’elle avait vu. --- Je suis couvert d’or fin, dit le Prince ; il faut l’enlever, feuille par feuille, et le donner à mes pauvres ; les vivants croient toujours que l’or pourra les rendre heureux. Feuille à feuille, l’Hirondelle enleva l’or fin, jusqu’à ce que le Prince Heureux eût pris un aspect tout terne et gris. Feuille à feuille, elle porta l’or fin aux pauvres, et les visages des enfants devenaient plus roses, et ils riaient et faisaient des parties dans la rue. --- Nous avons du pain, à présent ! S’écriaient-ils. Puis vint la neige, et après la neige, la gelée. Les rues semblaient faites d’argent, tellement elles étaient brillantes et étincelantes ; de longues pendeloques de glace, semblables à des poignards de cristal, pendaient aux saillies des toitures des maisons. Tout le monde sortait emmitouflé de fourrure, et les petits garçons portaient des casquettes écarlates et patinaient sur la glace. La pauvre petite Hirondelle eut de plus en plus froid, mais elle ne voulait pas quitter le Prince : elle l’aimait trop. Elle ramassait des miettes devant la porte de la boulangerie quand le boulanger ne regardait pas, et essayait de se réchauffer en battant des ailes. Mais elle su enfin qu’elle allait mourir. Elle eut juste assez de force pour voler encore une fois jusqu’à l’épaule du Prince. --- Au revoir, cher Prince, murmura-t-elle ; voulez-vous me permettre de vous baiser la main ? --- Je suis content que tu partes pour l’Egypte, petite Hirondelle, dit le Prince ; tu es restée ici trop longtemps ; mais il faut poser un baiser sur mes lèvres, car je t’aime. --- Ce n’est pas en Egypte que je vais, dit l’Hirondelle. Je vais à la Maison de la Mort. La Mort est la sœur du Sommeil, n’est-ce pas ? Et elle baisa le Prince Heureux sur les lèvres et tomba morte à ses pieds. Au même instant, un craquement bizarre retentit à l’intérieur de la statue, comme si quelque chose s’était brisé. En vérité, le cœur de plomb s’était cassé en deux. Certes, il gelait terriblement dur. Le lendemain matin, de bonne heure, le maire se promenait en bas sur la place, en compagnie des conseillers municipaux. Comme ils passaient devant la colonne, il leva les yeux sur la statue. --- Mon Dieu ! Comme le Prince Heureux a l’air déguenillé ! Dit-il. --- Bien déguenillé, en effet ! S’écrièrent les conseillers municipaux, qui étaient toujours de l’avis du maire. Et ils montèrent l’examiner. --- Le rubis est tombé de son épée, ses yeux ont disparu, et il n’est plus doré, dit le maire. En somme, il ne vaut guère mieux qu’un mendiant ! --- Guère mieux qu’un mendiant ! Dirent les conseillers municipaux. --- Et voici bel et bien un oiseau mort à ses pieds ! Reprit le maire. Il faudra vraiment promulguer un arrêté interdisant aux oiseaux de mourir ici. Et le secrétaire de la mairie prit note de cette proposition. Alors, on démolit la statue du Prince Heureux. --- Comme il n’est plus beau, il n’est plus utile, dit le professeur d’art à l’université. On fit fondre la statue dans un fourneau de forge, et le maire convoqua le conseil afin de décider de ce qu’on ferait du métal. --- Il nous faut une autre statue, bien entendu, dit-il, et ce sera une statue de moi. --- De moi, dit chacun des conseillers municipaux. Et ils se disputèrent. La dernière fois que j’ai entendu parler d’eux, ils se disputaient encore. --- Comme c’est étrange ! Dit le contremaître de la fonderie. Ce cœur de plomb fendu ne fond pas dans le fourneau. Il faut le jeter. Et on le jeta sur un tas d’ordures, où gisait également l’Hirondelle morte. --- Apportez-moi les deux objets les plus précieux de la ville, dit Dieu à l’un de ses anges. Et l’ange Lui apporta le cœur de plomb et l’oiseau mort. --- Tu as bien choisi, dit Dieu , car, dans mon jardin du Paradis, ce petit oiseau chantera à tout jamais, et, dans ma ville d’or, le Prince Heureux chantera mes louanges. FIN |
| | | Lady-Maysia Rose éclose
Age : 30 Nombre de messages : 1009 Date d'inscription : 03/08/2008
| Sujet: Re: Contes de Noël ! Mer 24 Déc 2008 - 15:36 | |
| merci pour ce conte chere ZINZARE pendant les vacs je ne vais pas m'ennuteux!de la bonne lecture!YOUPIII!! *** Lady Oscar Lady Oscar ***& Aimer sans être aimé(e),c'est déja de l' AMOUR[...] |
| | | Zinzare Rose éclose
Age : 67 Nombre de messages : 1998 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Contes de Noël ! Jeu 25 Déc 2008 - 18:04 | |
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| Sujet: Re: Contes de Noël ! | |
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