Concours St-Valentin 2014, INSPIRÉ PAR L’IMAGE NO 7
UN SEUL ET UNIQUE GESTE
1769
Depuis leur petite enfance, Oscar et André savaient que leur relation était unique. Depuis leur petite enfance, ils soulignaient ensemble la st-Valentin, fête des amoureux et des amitiés précieuses.
Chaque année, Oscar jouait un air de violon à André .Elle choisissait toujours son air favori du moment. Elle lui offrait également, un timide petit baiser sur la joue.
Pour sa part, André qui n’avait que l’art des mots, lui écrivait une lettre, comme un véritable Valentin. Une lettre qui, année après année, reflétait son admiration pour elle et la chance qu’il considérait d’être son ami le plus cher.
Mais cette année serait différente. André avait 15 ans et Oscar 14. Le destin les poussait hors de leur petit monde de Jarjayes. Sous peu, Oscar se joindrait à la garde royale et ils devraient se comporter en adultes. Ils ne pourraient plus profiter de cette insouciance face à leur rang respectif. Oscar allait officiellement devenir un homme et leur rituel pour la St-Valentin deviendrait gênant. C’était donc la dernière fois qu’ils se permettaient de fêter l’évènement de cette façon si personnelle.
Après avoir joué un morceau pour André, elle rangea violon et archet et s’approcha pour lui offrir le baiser traditionnel qui devait s’en suivre. Elle regarda André dans les yeux.
-André, tu sais que ce petit rituel entre nous prendra fin ce soir…n’est-ce pas?
-Oui
-Mais je suis heureuse de pouvoir profiter d’une dernière lettre.
-Je n’en ai pas écrite…
-Comment?
-Tu l’as dit toi-même Oscar, ceci doit prendre fin, nous ne sommes plus des enfants…
-Mais je croyais que…
-Je vais tout de même t’offrir mes pensées.
-Je t’écoute
-Je ne l’exprimerai pas comme tu l’entends Oscar…je ferai un geste, un seul et unique geste, qui saura tout te dire.
-Et lequel?
-Viens-là, approche un peu.
Hésitant, il posa un baiser sur sa joue.
Oscar, s’attendant à davantage comme geste :
-C’est tout?
-Non.
Il prit délicatement ses joues entre ses paumes et embrassa ses lèvres. D’abord un effleurement, et puisqu’elle ne s’y opposait pas, il l’a gouta davantage.
Oscar trouvait cela plutôt doux, ses lèvres étaient sucrées, loin d’être désagréables.
-Voilà Oscar, maintenant tu pourras devenir un homme et un noble respecté, un officier haut placé ou tout ce à quoi tu aspires… J’espère que ce baiser saura te rappeler qu’autrefois, tu avais un ami pour qui tu étais tout.
Ils ne reparlèrent pas de ce baiser. Les années passèrent et Oscar et André s’étaient tenus à leur place en faisant ce que l’on attendait d’eux. Pour les fêtes de Saint-Valentin qui suivirent, ils les passaient à Versailles la plupart du temps. Marie-Antoinette adorait donner des bals pour cet occasion. Sans un mot, André restait dans la salle et Oscar à son poste. Ils se parlaient pourtant avec des regards dont seulement eux pouvaient en comprendre la profondeur; Cette fête était autrefois la leurs…
Cette année était la première St-Valentin de Marie-Antoinette en tant que reine. Sans personne pour la restreindre, elle ne compta pas la dépense ni le nombre inconcevable d’invités. Oscar ne savait même plus où donner de la tête tant il y avait de courtisans.
Lorsqu’elle alla inspecter les abords des jardins, André la suivi. Elle l’avait aperçu mais n’avait rien dit, acceptant simplement sa compagnie.
-Marie-Antoinette s’en donne à cœur joie ce soir. Il y a bien longtemps maintenant que cette fête est devenu la sienne et non plus la nôtre…
-Qu’entends-tu par-là?
-Nous n’avons plus l’âge, ou plutôt le droit de jouer aux Valentins, mais nous sommes toujours amis non? Nous pourrions nous retrouver et passer un moment ensemble.
-Bien sûr. J’ignore ce que tu as en tête André, mais je suis en service, ce n’est pas le moment.
-D’accord, c’est compris.
André qui ne portait pas de manteau rebroussa chemin en faisant de grands pas dans la neige pour rejoindre la terrasse. Oscar le regarda s’éloigner.
-André!
Il se retourna un moment pour lui adresser un sourire. Il comprenait.
Aux petites heures du matin, lorsqu’elle rentra, elle fût ravie de trouver André dans les écuries. Elle avait bien remarqué en quittant Versailles que son cheval n’y était plus. Il était adossé sur le muret du fond, là où les noms de deux enfants avaient jadis été tailladés dans le bois. Il tenait une bouteille de vin qui semblait le tenir au chaud. Elle s’approcha en appuyant ses pas pour qu’il ne puisse ignorer sa présence. Elle le regarda froidement.
-Te voilà donc. Tu pourrais au moins me prévenir lorsque tu décides de rentrer.
-Pourquoi? Me cherchais-tu Oscar? Je ne croyais pas que tu aurais l’occasion de t’en apercevoir, tu n’as pas cessé de courir de toute la soirée.
-C’est bon… Laisse tomber.
-Et maintenant Oscar, serait-ce le bon moment? Lança-t-il en lui tendant la bouteille de vin déjà bien entamée.
-C’est donc de cette façon que tu comptais célébrer…
Elle empoigna la bouteille. Les lèvres contre l’embouchure de verre, elle réchauffa sa gorge sans détourner les yeux.
-Serais-tu contre cette idée? N’est-ce pas là un rituel acceptable pour les gens de notre âge?
Oscar prit une nouvelle fois du vin et essuya ses lèvres du revers de sa manche. Elle regrettait que les mots respectable et acceptable soient ceux qui résumaient désormais leur amitié. Elle le regrettait amèrement.
-André, attends-moi ici, je reviens dans un instant.
Oscar monta à sa chambre sans faire de bruit. Elle ne voulait pas éveiller quiconque et que ce moment seul avec André lui échappe. Elle ouvrit le petit secrétaire de bois vernis qu’elle fermait toujours à clefs, et en sorti une liasse de lettres. Elle referma le secrétaire et redescendit aussi silencieusement pour regagner l’écurie.
En marchant dans la cour, elle eut une légère incertitude sur ce qu’elle désirait faire avec ses lettres. Elle voulait les montrer à André, pour appuyer sa pensée. Il devait savoir. Elle craignait toutefois sa réaction …Mais le doux souvenir d’un baiser lui en donna le courage, et elle poursuivit ses pas vers lui.
Il leva les yeux vers elle avant de la questionner
-Qu’est-ce que c’est?
-Des lettres, TES lettres.
-Tu les as donc conservés toutes ces années…
En prenant place à ses côtés contre le mur elle reprit possession de la bouteille.
-Non seulement je les ai gardé André, mais je les ai lus, maintes fois…À chaque St-Valentin ou certains jours où j’aurais aimé que tu sois près de moi.
-Mais je suis toujours près de toi Oscar, tu n’avais qu’à venir frapper à ma porte, tu le sais bien.
-J’avais cru les choses devenus différentes, particulièrement depuis ce jour où tu m’as… embrassé.
La suite s’annonçait intéressante. Il porta à son tour la bouteille à ses lèvres.
-André, à chaque occasion où j’ai lu ces lettres, je me suis rappelé le gout de tes lèvres.
Elle reprit la bouteille des mains d’André et avala d’un trait ce qui en restait.
-C’est vrai?
-Pas tout à fait. En vérité, je pense à ce baiser beaucoup plus souvent.
Oscar le regarda. Les joues d’André était aujourd’hui rude d’une pilosité virile, ses lèvres plus défini. Le garçon était bel et bien devenu un homme.
André la laissait le parcourir des yeux, mais cet aveu le tenaillait.
-Tu aimerais que je le refasse Oscar? Qu’à nouveau, avec ce seul et unique geste, je t’exprime mes sentiments?
-Oui.
Il s’exécuta vivement mais tendrement. Puis après hésitation, il réitéra, puis encore, et encore.
Afin de reprendre leurs souffles, elle appuya la tête sur son épaule.
-Si je n’ai que cet argument pour te montrer que tu m’es cher André, je recevrai et partagerai tous les baisers dont tu auras envie. Bien que l’amour me soit interdit, nous sommes des âmes sœurs, et cela personne n’y peut rien.
André lui prit la main.
-Je t’aime Oscar
-Je t’aime aussi
-C’était stupide de penser qu’une fois adulte nous pourrions vivre différemment.
-Oui, c’était complétement idiot de croire que nos classes sociales respectives suffiraient à faire de nous des amis courtois. Tu me manques tant André depuis que l’on nous a infligé ces devoirs auxquels je ne peux me soustraire…
André avait encore soif, mais faute de vin il se rassasia à ses lèvres douces et humides.
-Il ne tient qu’à nous Oscar pour que la St-Valentin existe chaque jour, ici, l’un contre l’autre. Le reste du temps que tu consacreras à tes obligations, je te suivrai en rêvant de ces moments.
Elle se mira un moment dans ses yeux.
-Oui, si tu m’embrasses chaque fois de cette façon, la St-Valentin sera une fête de tous les jours, pour le reste de notre vie.
Un autre baiser vint seller cette promesse que venait de se faire deux êtres liés d’un amour profond et sans fin.
Fin
*** Lady Oscar Lady Oscar ***