Vicq d’Azyr, de la Reine à l’arène révolutionnaire
Il était une fois un médecin brillant du siècle des Lumières, dont la Révolution va briser la carrière. En se lançant sur les traces de Félix Vicq d’Azyr (1748-1794), l’un de ses prédécesseurs à l’Académie Française, le Pr Yves Pouliquen entraîne son lecteur dans cette période troublée où la vie ne tenait qu’à un fil.
Premier médecin de Marie-Antoinette, Félix Vicq d’Azyr, natif de Valognes, en Normandie, est en 1789 au faîte de sa gloire. Membre de l’Académie des sciences, anatomiste célèbre, il vient d’être élu au fauteuil du grand Buffon (1788), après avoir occupé la chaire d’anatomie comparée à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort. Il rêve d’établir le grand tableau du vivant, allant de la plante jusqu’à l’homme. Proche des travaux de l’Encyclopédie, il fait partie des médecins réformateurs de la Société royale de médecine (comme Portal, Baudelocque, Cabanis), qui veulent changer les pratiques médicales. Mais seront vite effrayés par les excès révolutionnaires. Ses propositions pour la réforme des études médicales seront déposées en novembre 1790 sur le bureau de l’assemblée nationale. Ce plan prévoit d’uniformiser l’enseignement des médecins et des chirurgiens et de leur donner, sur un cycle de six ans, une double formation théorique et pratique au lit du malade ; avec des exercices particuliers pour les chirurgiens «
pour les parties qui exigent l’adresse de la main ».
Mais, pour l’heure, l’assemblée préfère s’intéresser au projet du Dr Guillotin. L’Académie de chirurgie travaille à la mise au point de la machine qui officiera le 21 août 1792 sur son premier condamné politique. Yves Pouliquen date de cette période le changement qui intervient dans le caractère de Vicq d’Azyr. Le voilà plongé dans une morosité qui confine à la dépression. La monarchie constitutionnelle s’écroule. Sur proposition de Fourcroy, la Société royale de médecine raye de ses membres les antirévolutionnaires. Le médecin de Marie-Antoinette craignant pour sa vie se réfugie à Valognes, où il reste jusqu’en janvier 1793.
Vicq d’Azyr rentre à Paris sous la protection de Fourcroy, son ancien élève. Le vide s’est fait autour de lui. Il soigne les pauvres malades de son quartier et rédige des rapports. Il cherche à se rendre utile. On fait appel à lui pour autopsier le rhinocéros de Louis XV. Fourcroy le fait désigner pour diriger la récolte du salpêtre dans les caves parisiennes, tâche qu’il accomplit avec sa méticulosité habituelle.
Le brillant savant se survit à lui-même, voyant mourir nombre de ses confrères. Malgré les visions d’échafaud qui accompagneront ses derniers jours de délire, c’est l’être suprême qui précipitera sa fin. Contraint d’assister à une fête épuisante, sous la canicule, Vicq d’Azyr est pris par une violente douleur thoracique. En praticien, le Pr Pouliquen attribue sa mort, le 20 juin 1794, à la tuberculose pulmonaire dont il avait déjà subi une crise vingt ans plus tôt. Il avait 46 ans.
Marie-Françoise de Pange
Un article du Quotidien du médecin, n° 8691, 21 janvier 2010, p. 9
Félix Vicq d'Azyr, les Lumières et la Révolution / Yves Pouliquen. - Paris : Odile Jacob, 2009. - ISBN 978 2 7381 2308 4. - 240 p.