Lady Oscar - André
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 Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée]

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Zalzal
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Zalzal

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Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée] Empty
MessageSujet: Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée]   Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée] EmptyLun 19 Aoû 2013 - 21:53

Petite note avant de débuter:
J'ai écrit cet été: un peu de «Lady Oscar», oui, mais surtout une nouvelle histoire, de l'original pour une fois. Je me suis inscrite au défi SINTE (Sex is not the enemy) dans lequel on nous attribuait une photographie (au contenu assez explicite parfois...). Le défi était de pondre une histoire selon cette photographie. J'avais un peu moins d'un mois pour écrire cette histoire. Ça été très difficile. Je ne suis pas habituée d'écrire avec un laps de temps si court. Je ne suis pas une auteure qui écrit 1000 mots par jour, loin de là. Donc ce fut très intense (5 heures et plus d'écriture par jour les deux dernières semaines), mais j'y suis arrivée.
Vous qui connaissez l'univers de «Lady Oscar», vous allez reconnaître certaines influences. Je n'aime pas ce manga pour rien Wink.Ça ressemble un peu à mon texte Les armes licencieuses, mais dans un contexte contemporain.

Je tiens par contre à vous avertir. Cette histoire s'adresse à des adultes. Certains passages sont assez explicites.

Voici le lien vers la photo qui m'a été attribuée (juste en la regardant, vous allez comprendre ce que je veux dire par «contenu explicite»...). Disons qu'au départ, elle ne m'a pas trop inspirée. J'ai dû changer d'idée deux fois avant de m'arrêter sur celle de cette histoire.

Lien vers la photo: http://www.artflakes.com/en/products/fuck-the-moralists

Sur ces mots, bonne lecture à ceux et celles qui passeront par ici !

:Star: :Star: :Star: 

Comme dans un film au ralenti, un vieux film d’amour en noir et blanc
 
« Avez-vous remarqué comme la vie se charge, souvent brutalement, d’opérer à notre place des choix que nous n’osons faire ? Comme si, après nous avoir laissé tout le loisir de réfléchir, d’aménager notre destinée, elle s’impatientait de notre aveuglement, de notre inertie et se chargeait, par un de ces coups de théâtre dont elle a le secret, de nous mettre face à ce changement secrètement désiré ou redouté ?» (Katherine Pancol, Et monter lentement dans un immense amour)
 
 
Le téléphone sonnait.

Un coup...

Suivi d’un deuxième...
 
Puis d’un troisième...

Ça persévérait, ça s’intensifiait, ça se cognait aux murs de la chambre pour prendre toute la place, pour chasser les miettes éparses de la nuit. De banale sonnerie, ça devenait soudain tocsin, glas mortifère de rêves. 
 
Agacé, Nils grommela – « Foutu téléphone » –, enfouit la tête sous son oreiller, comme si ce mince rempart de plumes et de coton pouvait vraiment l’isoler de tout ce vacarme, et tenta de se rendormir. Mais en vain : la sonnerie stridente de l’appareil persistait, encore et encore. Tentait de le ramener à la concrétude du réel comme une main de ménagère qui tire, tire, sur une corde à linge, tire à grands renforts de grincements de poulie avant que l’orage n’éclate.
 
Ça ne pouvait être qu’elle. C’était évident. Parce qu’il n’y avait qu’elle – l’effrontée ! – pour oser faire sonner ainsi ce sapristi de téléphone. Il n’y avait qu’elle qui se contrefichait des conventions, de ce qu’il qualifiait d’heure décente. Il n’y avait bien qu’elle qui ne craignait pas son humeur d’ours mal léché au réveil.
 
« Elle », c’était Maxim. Maxim Le Faure pour ceux qui ne connaissaient que la journaliste; Max, tout simplement, pour Nils qui avait grandi à ses côtés. Deux graines d’enfants qui s’étaient rencontrées sur un même palier, qui avaient germé dans un immeuble de béton aux fenêtres crevées, arrosées par la misère du Chêne Pointu. Deux adolescents complices qui aimaient se réfugier à la cave pour fumer des cigarettes, qui glissaient des sardines sous les poignées des portières des voitures. Deux êtres qui avaient poussé, entremêlés l’un à l’autre tel le lierre qui s’enroule à l’arbre. Une cueilleuse d’oiseaux tombés hors du nid. Un oisillon incapable de voler. Max et Nils.

Une main jaillit des couvertures, tâtonna le dessus de la table de chevet – réveille-matin, paquet de cigarettes, pied de la lampe, cendrier, emballage ouvert de préservatif – pour finalement s’emparer du téléphone.
 
— ‘Jour Max, grommela Nils, la voix enrouée.
 
— Je sais que tu avais un vernissage hier soir, je sais que je te réveille, je sais que je n’obtiendrai de toi que grognements et monosyllabes tant que tu n’auras pas bu ton café, mais je dois ab-so-lu-ment te parler, débita à toute vitesse son interlocutrice.
 
Max, c’était ça : une voix enjôleuse, des mitrailles de phrases sans point, de l’affirmatif. Tout le contraire de lui qui ménageait ses mots, les soupesait, les semait un à un, tels de petits cailloux jalonnant le chemin. Elle était paroles; il était la virgule qui l’apaisait, lui permettait de reprendre son souffle.
 
— C’est ce que tu es en train de faire, non ? répliqua-t-il en tentant de se dépêtrer du fatras de ses draps.
 
Il passa une main sur ses joues râpeuses. C’était foutu. Il ne parviendrait plus à se rendormir. Déjà, en posant un pied sur le sol, il avait amorcé son saut du lit, ce moment de la journée qu’il exécrait le plus.
 
— Oh, ne joue pas sur les mots, veux-tu ! Ce n’est... pas le moment...
 
Un frémissement, comme une égratignure sur un disque, s’infiltra dans les points de suspension, à peine perceptible, mais bien présent.
 
Nils fronça les sourcils. Il n’aimait pas cette dissonance dans la voix de Max.
                                      
— Ça va ?
 
— Je... j’ai besoin de te voir, de te parler. Tu es seul ?
 
Le lit se creusait encore de l’empreinte de deux corps; une note de parfum féminin flottait encore dans la chambre. Mais elle  – Stéphanie ? Nathalie ? – était partie plus tôt dans un tourbillon de vêtements enfilés à la sauvette. « Oh merde ! Je vais être en retard ! On se rappelle, ok ? » Ce départ précipité avait eu au moins le mérite de le sauver de ces instants de malaise qui découlaient invariablement de ces rencontres. Partager sa queue et son lit, ça allait, mais partager sa table de cuisine, son quotidien, c’était trop... impliquant. Et Nils fuyait comme la peste tout ce qui était synonyme d’engagement.
 
— C’est bon, tu peux venir. Elle n’est plus là.
 
Max ne chercha pas à savoir ce que (ou plutôt « qui ») remplaçait ce pronom « elle ». Parce que c’était cette inconnue aujourd’hui, mais que demain, ce serait une autre. Les femmes défilaient dans la vie de son meilleur ami, l’une après l’autre, mais ne s’arrêtaient jamais. Oh, elles avaient bien essayé de dompter cet homme sauvage, de chasser cette lueur lointaine qui lui chagrinait l’œil, de l’assouplir pour qu’il leur prenne la main. Et alors qu’elles avaient été séduites par ses airs de mâle inconquis – la chevelure en bataille, les yeux gris de pluie et de villes embrumées, la mâchoire ombrée de barbe et l’ourlet boudeur de la lèvre –, elles s’en allaient toutes avec des mines de conquistadors vaincus. Sans continent, sans pays, sans Nils. Jamais elles ne s’appropriaient assez de lui, de son cœur, pour posséder un nom. Des corps interchangeables, des figurantes de moitié de lit, des divertissements d’une seule nuit. Voilà ce qu’elles représentaient pour lui. Rien d’autre.
 
— Je fais un saut chez Bread and Roses pour acheter des croissants et je m’en viens chez toi dans... disons... une demi-heure ?
 
— C’est une vraie question ou une question de rhétorique ?
 
Son premier sourire de la journée lui fleurit les lèvres alors qu’elle lui raccrochait au nez.
 
Elle. Max.
 
Celle qui réussissait, envers et malgré tout, à lui arracher un battement de cœur d’un seul bonjour.
 
:Star: :Star: :Star: 
 
 L’arôme délicieux du café lui chatouilla les narines alors qu’il sortait de la salle de bain embuée. Ça et...
 
Nils ferma un instant les yeux, huma l’air à la manière d’un chien pisteur, puis les ouvrit à nouveau. Ça sentait le café, les croissants encore chauds et... la framboise.
 
« Apparition ». Le parfum de Max.
 
La jeune femme s’était sans doute servie de sa clé pour entrer pendant qu’il se douchait. Il entendait d’ailleurs ses talons hauts claquer sur la céramique ainsi que les bruits de la vaisselle qui s’entrechoquait. Rapidement, il revêtit un vieux t-shirt blanc sur son torse encore humide  – ce qui eut comme résultat d’ébouriffer davantage ses cheveux en épis – et enfila l’étroit couloir qui menait à la cuisine.
 
Max était là, dos à lui, concentrée à disposer les couverts sur la table, essayant tant bien que mal de conférer un semblant de décorum à sa minuscule cuisine de célibataire: des essuie-tout avaient été savamment pliés, un peu comme ces serviettes de table en tissu qui ornaient les tables dans les grands restaurants, et des napperons de bambou avaient été placés sous les assiettes. Elle avait même pensé à présenter confitures et gelées dans des ramequins plutôt que dans leur pot d’origine. Le lait, faute de trouver un véritable pot à lait, avait été versé dans une coupe. Ces menus détails, tout ce cérémonial, aussi futile puisse-t-il paraître, importait à la jeune femme. Parce que ça lui permettait d’oblitérer le souvenir d’une table autrefois dégarnie; parce que c’était le pied de nez d’une fillette issue des bas quartiers à la vie. J’ai réussi ! Je m’en suis sortie !
 
Elle était maintenant bien loin cette gamine, pensa Nils en détaillant son amie. Malgré lui, son regard glissa sur sa chevelure auburn qu’elle avait nouée en catogan, sur sa nuque gracile où frisottaient quelques mèches humides, sur l’arrondi des épaules... S’attarda sur le soutien-gorge foncé que laissait deviner le tissu vaporeux du chemisier, sur la courbure des hanches que venait mouler une étroite jupe gris souris...
                                             
Oui, bien loin...
 
Max avait dû sentir sa présence, car tel un petit oiseau, elle se mit soudain à pépier, à parler de la pluie et du beau temps, de l’augmentation du prix des viennoiseries chez le pâtissier – « Tu sais combien ça m’a coûté pour ces croissants ? Hein, tu sais ? Quinze euros ! C’est du vol. Il n’y a pas d’autre mot ! » –, de la circulation, et patati et patata. Une poignée de platitudes qu’elle lui lançait comme on donne de la monnaie à un clochard. Sans un regard.
 
— Oh ! Et tu as vu les nouvelles ? Cet écrasement d’avion, c’est terrible, oui, terrible...
 
Cette fausse note qu’il avait perçue un peu plus tôt dans sa voix... L’indifférence d’un dos qu’elle s’obstinait maintenant à lui présenter, cette barrière qu’elle élevait, brique par brique, mot par mot, entre eux...
 
Pourquoi est-elle ici ? Pourquoi ce discours creux qui ne trompe ni elle, ni moi ?
 
— Max... Regarde-moi.
 
Le babillage cessa. Brusquement. Mais la jeune femme ne se retourna pas. Elle demeurait là, muette, une cuillère à café dans la main gauche. Ressemblant à une de ces statues qui peuplaient le Jardin du Luxembourg : droite, le port de tête altier, immobile.
 
— Max... Qu’est-ce que tu me caches ? À quoi rime toute cette mascarade ? Et regarde-moi, bordel ! tonna Nils en s’emparant de son poignet pour la tirer à lui.
 
La cuillère à café tinta sur le sol alors que Max se retournait enfin.
 
Elle pleurait.
 
— Je... j’ai reçu mes résultats, Nils. La secrétaire du docteur Mendez m’a appelée et... et j’avais rendez-vous à son bureau... ce matin..., balbutia Max, les lèvres tremblotantes.
 
Résultats. Docteur. Deux mots qui, dans sa bouche, devenaient soudain voix d’outre-tombe.
 
— Je ne t’en avais pas parlé... Je ne pensais pas... Je croyais que c’était seulement dû au surmenage... Je couvrais cette série d’articles sur la politique énergétique et climatique, tu te souviens ? Je travaillais comme une folle, j’étais fatiguée... Bref, je pensais que ces petits incidents, ces maladresses étaient normales. Mais...
 
Max s’interrompit. Renifla. Tourna la tête comme si elle cherchait à fuir l’inquisition de son regard.
 
— Mais quoi ? la pressa Nils. Il farfouilla dans la poche arrière de son jeans, en ressortit un paquet de Gauloises tout fripé duquel il extirpa une cigarette, la porta nerveusement à ses lèvres puis l’alluma.
 
Une contenance, voilà ce dont il avait besoin ! Ce geste qu’il répétait jour après jour, ce vice auquel il pouvait se raccrocher alors qu’il sentait que, déjà, tout dérapait. 
 
Inhaler...
 
Exhaler...
 
Inhaler...
 
Le regard perdu au loin, Max poursuivit. Elle lui semblait si détachée soudain, si... résignée !
 
— Le couperet est tombé : maladie de Charcot. Je vais mourir, Nils. De la même maladie qui a emporté maman... Ironique, n’est-ce pas ? lui demanda-t-elle, railleuse, en se retournant vers lui.
 
Les yeux verts de la jeune femme étincelaient d’une lueur farouche; sa bouche s’était durcie. Un instant, le temps d’une bouffée, Nils revit l’enfant qu’elle avait été : ce menton pugnace qu’elle vous présentait en guise de salut, cette colère refoulée qui bouillonnait en elle, qu’elle serrait dans ses petits poings.
 
— On pense pouvoir échapper à notre passé, on pense avoir déjoué le destin, mais finalement, ça nous rattrape, ça nous aspire. Et on se souvient. De tout. De mon père qui donnait la becquée à ma mère, qui la lavait... Du fauteuil roulant qui cognait contre les murs... De la respiration sifflante de maman... De son regard pourtant si vif, si vivant alors qu’elle se mourait !
 
C’était comme si une digue venait de se briser. Les mots dévalaient hors de la bouche de Max, s’intensifiaient, grondaient. Et lui qui restait bêtement là, le dos appuyé au comptoir, encore sonné par l’implacabilité de l’aveu, incapable de prononcer les mots à dire, incapable d’esquisser le moindre geste vers elle !
 
Il tira sur sa cigarette. Max, sa Max, allait mourir, pensa-t-il, horrifié, en avalant une goulée de fumée.
 
— C’est fou comme tous ces rêves, tous ces projets futiles que l’on caressait jour après jour en se disant « plus tard » prennent soudain toute la place. Parce qu’il n’y aura pas de plus tard. Il n’y aura pas de chaise à bascule où me bercer. Pas de cheveux blancs à arracher à la pince à épiler. Pas d’enfants à serrer dans mes bras...
 
— Combien de temps ? lui demanda doucement Nils, les paupières étrécies par la fumée de sa cigarette.
 
Combien de jours au compteur ? Combien de temps avant de mourir ?
 
— Deux ans, maximum trois, va savoir, lui répondit-elle en haussant les épaules. La vitesse d’évolution de la maladie est imprévisible m’a dit le docteur Mendez.
 
La mâchoire du jeune homme se contracta alors qu’il encaissait la réponse. Il écrasa sa cigarette dans le cendrier qui traînait sur le comptoir et franchit les derniers pas – la longueur d’un bras, la mesure d’un souffle sur la nuque, la frontière entre un « je t’aime bien » et un « je t’aime » – qui le séparaient encore d’elle.
 
Qu’avait-il à perdre ? Absolument rien. La vie venait brusquement de l’acculer au pied du mur. Je vais mourir, Nils. On lui brandissait sous le nez la menace d’un sablier presque vide afin de l’obliger à avouer ces mots qu’il n’avait jamais, au grand jamais, osé lui dire.
 
Je t’aime Max. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. J’aime tes mains de colombe qui volètent quand tu parles. J’aime tes rires en cascades et tes emportements. J’aime l’éclaboussement de ton sourire, tes dents du bonheur et l’amande de tes yeux. J’aime tes airs songeurs quand tu ne te sens pas regardée, la mélancolie qui t’enveloppe alors et ton regard chagrin... J’aime la musique de tes lèvres contre ma joue quand tu me donnes la bise, cette petite note d’instant fugace où je t’ai juste pour moi... Je t’aime.
 
La tête pleine de déclarations d’amour, de désirs muselés et de souvenirs en couleurs, il enlaça Max, la captura dans l’étau de ses bras. Comme si ses simples bras d’homme pouvaient défier la Mort elle-même, comme s’il pouvait la lui voler et la garder ainsi pour toujours : son corps chaud niché contre le sien; sa joue appuyée contre son cœur apeuré.
 
Dieu que je ne veux pas te perdre...
 
Ils restèrent ainsi quelques instants, étrange parenthèse de deux corps qui s’agrippaient l’un à l’autre. Sans parler. En plein milieu de la cuisine. Semblables à un couple enlacé qui évoluait sur une piste de danse.
 
— Tu sais à quoi je rêvais ? lui demanda finalement Max en levant un visage humide vers lui.
 
— « Rêve », Max. Au présent, pas à l’imparfait...
 
Du bout du pouce, il effaça une coulisse de mascara sur la joue de la jeune femme, tout doucement, par petites touches légères et furtives.
 
— Je rêve, corrigea-t-elle en accentuant la terminaison, de pique-nique en montgolfière, de safaris en Afrique et du Grand Canyon. De remporter le prix Albert-Londres* et de jouer Für Elise sur le piano géant de Schwarz... Je rêve de folies et d’audace...
 
Max s’interrompit, leva les yeux et croisa ce regard d’homme écorché posé sur elle. D’une main incertaine, elle lui caressa la joue, lui sourit, puis se mit à fredonner faiblement :
 
— « Tonight, we are young. So let’s set the world on fire. We can burn brighter than the sun... »**
 
Brûler bien plus fort que le soleil.
 
Vivre. De folies et d’audace. Faire taire cette petite voix qui lui dictait sa conduite : serre les genoux, tiens-toi droite et souris. Dis « merci », « je vais bien », il ne faudrait surtout pas ennuyer les gens avec tes soucis. Métro, boulot, dodo et meurs à petit feu...
 
Commettre l’insensé aujourd’hui, maintenant, pendant qu’il était encore temps.
 
La jeune femme se hissa sur la pointe des pieds.
 
— Fais-moi brûler plus fort que le soleil, Nils..., lui chuchota-t-elle à l’oreille. Fais-moi vivre. Fais-moi l’amour...
 
:Star: :Star: :Star: 
 
Il existe de ces mots qui vous font perdre la tête, qui vous explosent le cœur. Des mots-artificiers, des impératifs auxquels on ne peut qu’obéir. De tout son corps. Et pas défendant.
 
Fais-moi l’amour...
 
Nils, les pupilles dilatées, la fixa un instant, interdit. Faire l’amour à Max. Rendre vrai, concret, ce qui se nourrissait jusqu’alors de chimères et de fantasmes. Incarner ce cœur qui battait maintenant follement à ses tempes. Délivrer enfin ces mots qu’il n’avait jamais su lui dire. Lui murmurer « je t’aime...» d’un baiser passionné, d’une main fébrile qui déshabille, d’un regard étoilé d’elle. Lui crier « je t’aime ! » d’un claquement de reins, d’un gémissement langoureux, de tout son corps tremblant échoué contre le sien...
   
Comme dans un film au ralenti, un vieux film d’amour en noir et blanc, il encadra le visage de Max de ses larges mains, se pencha vers elle et l’embrassa. D’une bouche impérieuse qui conquiert. D’une bouche d’assoiffé au goulot. Il l’embrassa, la bâillonna de ses lèvres, la poussa du bélier de son bassin contre la table en formica de la cuisine. Il se ficha de ce verre qui tombait en éclats sur la céramique, du lait répandu. Parce qu’il n’y avait plus qu’elle et lui qui existaient. Max qui se cramponnait à sa nuque, qui s’ancrait à lui d’une ondulation du ventre, qui soupirait son prénom – « Oh Nils ! » –, qui gémissait tout contre lui. Et lui qui signait tout de sa bouche d’égoïste, de cette bouche qui avait tant piaffé d’impatience ! Il embrassa tout, tout, tout : le front bombé, les joues enfiévrées, le menton effronté qu’elle tendait vers lui, le creux odorant du cou...
 
— Ce que tu sens bon ! grogna-il, les lèvres appuyées contre cette veine bleue qui lui palpitait au cou.
 
Et d’une lichée sur la nacre de sa gorge ployée, il revint à cette bouche offerte, entrouverte de soupirs. Cette bouche qu’il léchait, qu’il mordillait, qu’il forçait de sa langue, qu’il fouillait. Le corps fondant, les jambes défaillantes, Max se coulait contre lui, s’arrimait à lui. Ses doigts délicats couraient sur son torse, tiraient sur son t-shirt, le trituraient, pressés et impatients de l’en débarrasser.
 
— Enlève-moi ça. Je veux te toucher, ordonna-t-elle entre deux baisers.
 
Nils leva les bras au-dessus de la tête et Max tira sur le tissu, le malmena de ses mains fébriles jusqu’à ce que – enfin ! –, tel un oiseau qu’on abat, le vêtement chute mollement sur le sol. Déjà, elle penchait la tête sur ce ventre d’homme, cette peau nue, si chaude et encore moite, qu’elle caressait du bout des doigts, qu’elle explorait du bout des lèvres. Ça goûtait le savon. Ça sentait le cèdre et les agrumes. La jeune femme promena une main volage sur la découpe des pectoraux, suivit de la langue cette mince ligne pileuse qui s’étiolait sur la traverse des abdominaux pour disparaître, comme une invite, sous la frontière du jeans.
 
Que Max déboutonna.
 
Dans un froissement de jupe, elle s’agenouilla sur le carrelage froid de la cuisine. Elle releva un instant la tête. Au-dessus d’elle, la tête légèrement inclinée sur le côté, Nils la contemplait. Ses yeux, habituellement gris clair, s’ombraient maintenant d’une lueur de convoitise alors que les ailes de son nez frémissaient. Sans cesser de le regarder, elle se passa un bout de langue rose sur les lèvres, entrouvrit l’ouverture frontale du caleçon, puis en extirpa délicatement le sexe du jeune homme. Sous la caresse de ses doigts, la verge s’anima aussitôt de subtils tressaillements, se raffermit pour finalement s’incurver légèrement vers le haut.
 
Max s’en approcha.
 
Lentement...
 
Tout doucement...
 
Toujours en guettant son partenaire du coin de l’œil.
 
Elle passa une langue gourmande sur le gland découvert, si doux, si lisse, le titilla, l’exacerba d’une lichée plus prononcée sur le mince repli de peau qui le soulignait.  Encouragée par les gémissements sourds qu’elle entendait et par cette main qui se crispait sur son épaule, elle descendit la bouche vers les bourses, les parcourut de petits baisers agaçants, les lécha avant de revenir presser sa bouche contre la hampe frémissante. Ses doigts parcouraient toute la longueur du membre durci, sa main refermée en étau y coulissait en un lent mouvement de va-et-vient. Lentement, puis un peu plus vite alors qu’elle le cueillait dans sa bouche, qu’elle le faisait glisser tout contre la cloison de son palais, encore un peu plus vite, toujours plus vite...
 
— Max... Arrête..., l’implora Nils d’une voix rauque. Pas ici...
 
De la pointe de la langue, elle lapa cette minuscule goutte qui perlait maintenant au bout du gland, s’en humecta la lèvre supérieure, puis, la main en appui sur le dossier de la chaise placée à sa gauche, se redressa, la mine penaude. D’une main possessive, la main d’un amant – si différente de cette main timide qu’il lui tendait gamin –, Nils la cala étroitement contre lui.
 
— Dans... ma chambre, eut-il le temps de souffler avant qu’elle ne lui scelle les lèvres.
 
Tel un naufragé s’agrippant à la coque renversée d’un esquif, Max s’accrochait aux épaules dénudées du jeune homme. Elle l’embrassait à pleine bouche, sauvagement, affamée de lui et de ce sexe impérieux qu’il pressait contre sa cuisse, de cette paume qu’il imprimait dans le creux de ses reins dans une douce promesse de corps à corps. Et lui, étourdi de désir, un je-ne-sais-quoi lui avivant l’œil – Max ne lui connaissait pas un tel regard : celui d’un homme qui voit sa belle émerger des portes tournantes à l’aéroport, celui d’un soldat qui rentre au bercail, qui enlace tendrement sa femme. Était-ce bien Nils qui la mangeait ainsi des yeux ? –, la portait en titubant, l’emportait dans le berceau de son étreinte passionnée.
 
— Oh, Max..., lui murmura-t-il à l’oreille en s’attaquant à son chemisier. Ses mains, rendues gourdes par l’excitation, s’échinaient, tiraient, se battaient contre cette armée de petits boutons récalcitrants – Ce n’est pas un chemisier, ça ! C’est une ceinture de chasteté ! s’impatienta Nils. Il dénuda enfin une épaule, puis une deuxième. Le vêtement glissa le long des bras de la jeune femme, exposant à la caresse d’un rai de lumière que laissaient filtrer les rideaux mal fermés une gorge laiteuse, palpitante comme le ventre blanc d’un oiseau affolé. Les lèvres de Nils glissèrent sur la saillie de la clavicule, baisèrent ce grain de beauté qui parait l’épaule droite de Max, puis s’égarèrent dans le sillon entre les deux seins.  À travers la dentelle ajourée du soutien-gorge, il embrassa un sein, le mordilla légèrement alors que d’une main, il s’immisçait furtivement sous l’armature, palpait le deuxième, en caressait le mamelon durci, le pinçait doucement. Un petit cri lui fit lever les yeux vers le visage de Max : le menton qui se dressait, comme une  supplique au Ciel, vers le plafond; les joues empourprées; les lèvres entrouvertes, gonflées et luisantes de salive; les paupières mi-closes qui laissaient entrevoir la langueur de l'oeil. Puis, comme si elle se sentait observée, la jeune femme baissa les yeux et croisa le regard de Nils. Et alors qu’elle aurait dû qualifier la présente situation d’amorale ou, à tout le moins d’étrange, elle s’étonna de la trouver si... naturelle. Comme si tout ça, ça devait inévitablement arriver.
 
Nils... Son ami, son presque frère, son ombre.
 
L’homme qu’elle aimait.
 
Ça lui avait pris ce terrible coup de théâtre pour s’en apercevoir.
 
La vie avait décidément de drôles de façons de se faire comprendre.
 
Où était-ce en fait la Mort qui lui laissait une dernière chance ?
 
:Star: :Star: :Star: 
 
Brûler bien plus fort que le soleil. Vivre. De folies et d’audace.
 
Si Max se trouvait à présent à quatre pattes, presque nue et menottée à la tête du lit, c’était justement à cause de cette espèce d’urgence de vivre qui l’animait.  Ça et le fait que son regard avait capté l’éclat métallique d’une paire de menottes accrochée aux montants du lit.
 
— Dis..., avait-elle demandé en les désignant du menton, tu utilises vraiment ces menottes ou il s’agit uniquement d’un accessoire décoratif ?
 
Elle n’avait pas attendu que Nils lui réponde: à elle seule, la rougeur qui lui avait empourpré les joues s’était révélée suffisamment éloquente.
 
— Et... tu t’en es servi avec...
 
— Oui, l’avait-il coupée.
 
Avec elle. Cette femme avec qui il avait passé la nuit. Tel un parfum désagréable, l’implicite de cette idée avait un instant flotté entre eux, puis s’était évaporée, délitée peu à peu par un baiser au goût de framboise.
 
 
La jalousie n’avait aucunement motivé Max lorsqu’elle avait demandé à Nils de la menotter. Elle avait seulement désiré se sentir... vivante, normale. Comme toutes les autres. Tout simplement. Et non pas comme une poupée de porcelaine que l’on manipule avec soin par crainte de la casser.
 
Le foulard dont elle s’était servie pour nouer sa chevelure lui bandait maintenant les yeux. Dorénavant privée de sa vue, elle prêta une attention toute nouvelle à ce qui l’entourait : le métal froid des menottes contre la peau de ses poignets, le cliquètement que ces dernières produisaient lorsqu’elles s’entrechoquaient contre les barreaux en fer forgé du lit; les sons de la ville qui lui parvenaient de la fenêtre située à sa droite – les voitures qui roulaient, qui klaxonnaient, le jappement sourd d’un chien, puis, plus loin, le hurlement d’une sirène d’ambulance; le ronron du réfrigérateur dans la cuisine; les plis du drap qui s’imprimaient sur ses avant-bras et ses genoux; le grincement du matelas sous le poids de Nils; l’odeur boisée et acidulée du savon qu’il utilisait ainsi que celle, plus ténue, de ses Gauloises; la texture rêche du jeans qui frottait sur la peau nue de ses fesses et celle, légèrement piquante, de ses joues lorsqu’il lui effleura les cuisses de ses baisers, qu’il frôla le liséré de dentelle de ses bas; les chatouillements agréables que lui procuraient les touches de ses doigts sur sa colonne vertébrale...
 
Et la chaleur qui émanait de ce corps d’homme légèrement penché au-dessus du sien, les saccades de sa respiration qui s’accordaient à la sienne, ce crescendo de leurs souffles qui se mêlaient. C’était comme si soudain, elle ne devenait que corps exacerbé, que sensations, que plaisir. Qu’elle ne vivait que pour cette bouche masculine qui dévalait sur son dos, qui le baisait, qui en parcourait la courbure en violon, de haut en bas, de bas en haut, qui – agaçante, va ! – contournait l’attache du soutien-gorge. Ces mains qui semblaient décuplées, ici et partout à la fois : sur son ventre frémissant; sur ses reins qu’elle cambrait involontairement à chacun de ses frôlements; sur ses fesses; sur son entrejambe humide qu’il caressait à travers le fin tissu de sa petite culotte; sur sa chevelure qu’il avait empoignée. Ça chatouillait, ça embrasait, ça tirait. « Ça », cet homme créateur de tout ce maelström de sensations, de ce plaisir qui s’entremêlait confusément à la douleur.  Les menottes s’incrustaient dans la chair délicate de ses poignets et ses avant-bras, dû à sa position, s’engourdissaient. Mais à chaque caresse qu’il lui infligeait, à chaque baiser qu’il lui prodiguait, le plaisir revenait, toujours grandissant, comme le ressac de l’eau qui érodait les berges.
 
— Ohhh, ne put-elle s’empêcher de gémir lorsqu’il lui dénuda la fesse, qu’il se pencha sur son sexe offert.
 
Dans un mouvement irrépressible, elle arqua le bassin, se tendit vers cette bouche qui l’envahissait, vers cette langue qui lui lapait les lèvres, qui la lacérait de ses coups de flagelle. Elle ondulait, elle tirait sur les menottes, elle se rendait à cette bouche vorace. Elle s’arc-boutait, rejetait la tête vers l’arrière, se contorsionnait, devenait souplesse, plaisir et fer rougeoyant à chaque battement de cette langue sur son clitoris. Elle n’était plus que cœur tambourinant, halètements, spasmes et...
 
— Oh mon Dieu ! Oh...oui...oh...
 
...cette immense vague de plaisir qui montait, montait, toujours plus haute, grondante de jouissance...
 
Elle n’eut que vaguement conscience de ces mains qui la délivraient, qui dénouaient le foulard, qui la retournaient. 
 
— Et maintenant, laisse-moi te faire l’amour comme moi, je l’entends..., lui murmura-t-on à l’oreille. À toi, uniquement à toi...
 
Le jeans tomba dans un bruit mat sur le sol. Le caleçon se perdit dans le désordre mousseux des draps.
 
— Je veux te voir, souffla Nils, la bouche tout contre la sienne.
 
 
Soudé à elle par l’ancre de son regard voilé de plaisir, il s’immisça d’un coup de reins en elle. Tout doucement. Amoureusement.
 
Et alors qu’il lui faisait l’amour, que ces trois mots s’incarnaient en leurs deux corps entremêlés, il put enfin lui dire :
 
— Je t’aime, Max... Moi, c’est à toi que je rêvais...
 
— « Rêve », Nils. Au présent, pas à l’imparfait, le reprit-elle avant de l’embrasser.
 
 
Comme dans un film au ralenti, un vieux film d’amour en noir et blanc.
 
 
 
 
17 août 2013
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


* Ce prix est remis chaque année au meilleur « Grand Reporter de la presse écrite » et, depuis 1985, au meilleur « Grand Reporter de l’audiovisuel » (source Wikipédia).
 
** « Ce soir, nous sommes jeunes. Donc mettons le feu au monde. Nous pouvons brûler bien plus fort que le soleil. » Refrain de la chanson « We are young » du groupe Fun.

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MessageSujet: Re: Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée]   Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée] EmptySam 31 Aoû 2013 - 23:31

très chaud avec photos explicites à la clé. Bien écrit.

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MessageSujet: Re: Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée]   Comme dans un film au ralenti, un vieux film d'amour en noir et blanc [terminée] EmptyDim 1 Sep 2013 - 3:53

Merci beaucoup, Tigresse, pour ton commentaire. La photo qu'on m'avait attribuée appelait ce genre de scènes - scènes que je ne suis pas du tout habituée de décrire. Elle m'a donc causé quelques sueurs froides, car j'avais un laps de temps pour pondre mon histoire et ça n'aboutissait pas.

Alors, je suis bien contente si tu as aimé. Merci ! Smile 

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