Hop je m'y colle, je remet mon article ici

 

Oniisma E (ou He) traduit chez nous sous le titre de "Très Cher Frère" est paru au japon en 1974, en trois volumes à l'origine. Il se place après "La Rose de Versailles" parue en 1972. Un autre manga avait été publié entre les deux, "Yureru Soushun" qui est présenté dans la section "Autres oeuvres d'Ikeda" du site. Vous trouverez aussi des scans de cette histoire histoire de voir à quoi ça ressemble. 
Plus court que "La Rose de Versailles", "Très cher Frère" n'en est pas moins riche et intense en émotions. L'action se déroule sur le temps d'une année scolaire, ce n'est pas une saga comme l'histoire d'Oscar ni comme "Orpheus" qui lui est carrément fleuve. 
Les histoires de jalousies entre filles dans un Lycée sont un thème récurent chez Ikeda car elle à déjà traité du sujet sur une trame similaire dans une histoire de 1971 "Sakura Kyou" où il est question d'un club de chant avec une présidente charismatique, un professeur de chant... Quelques informations sur le site d'Hillary et sur le site français "Le Monde de Lady Oscar". C'est comme si l'auteur avait tourné autour du pot et laissé mijoter cette histoire pour en faire "Onnisama E" qui est très abouti tant graphiquement que niveau du scénario. 

Résumé de l'histoire : "Misonoo Nanako fait son entrée à la prestigieuse école pour fille Seiran. À peine arrivée elle est admise, contre tout attente au sein de la Fraternité, un cercle privé réunissant les filles les plus belles et les plus riches du Lycée. Ce club très fermé, est dirigé par une très belle jeune fille, Ichinomiya Fukiko, dites Mlle Miya, qui est l'une des plus irréprochables élèves de l'établissement. Nanako se retrouve tiraillée entre ses camarades qui la jalousent et l'ambiance étrange qui règne dans le club mais elle trouve du réconfort en écrivant à un étudiant qu'elle a rencontré quelques mois auparavant durant ses cours du soir et qu'elle considère comme le grand frère qu'elle n'a jamais eu…" (Résumé dérivé de celui du site Kaze)
Drame humain sensible, passionné et élégant, Très cher frère est l’un des chefs-d’œuvre de Riyoko Ikeda. Cette œuvre à l’esthétisme léché, plus maîtrisé sur tout son ensemble que "La Rose de Versailles" qui était graphiquement plus faible au début, nous entraîne dans un monde dominé par les violentes passions de jeunes filles en quête d'amour et de reconnaissance. Dans ce manga Ikeda traite sans tabou de sujets aussi difficiles que le suicide, les amours adolescentes, la drogue, la maladie, le divorce, l'homosexualité, les relations fraternelles et l'adultère. Les personnages sont dépeints avec beaucoup finesse et leur psychologie est complexe, loins des clichés manichéïstes qu'on retrouve trop souvent. On ne ressort pas indemne de la lecture d'Oniisama He, c'est un manga très fort, comme les émotions absolues et sans compromis qu'on ressent pendant cette période particulière qu'est l'adolescence. 
La série animée réussit la prouesse de sublimer le manga et les personnages y sont plus fouillés et plus complexes encore. Les émotions sont plus fortes, et pourtant un peu moins noires que dans le manga qui ne laisse aucune porte de sortie... La série comporte une quarantaine d'épisodes, comme "Lady Oscar" alors que le manga est beaucoup plus court. La série à développé de nombreux points laissés dans l'ombre ou à peine évoqués dans le manga, notament autour de Fukiko. Les personnages secondaires y sont aussi plus présents et plus travaillés, comme Tomoko ou Aya. 
Pour compléter cette brève pésentation, je vous conseille cette belle analyse de l'œuvre par Mariko Shinobu sur son site linké ci-dessous, en bas de page.
Lisez également l'article de Keikowolfgirl sur son blog "Le p'tit monde de Kay" qui détaille bien la série. 

Merci pour ce résumé Elbereth.

Je continue ce topic pour parler du manga en lui même, que je suis en train de relire en version anglaise et italienne. Et il est putain de bien écrit.

Oui oui je sais c'est vachement utile comme commentaire, mais je voulais vraiment le signaler. 

Déjà la mise en page est révolutionnaire: je n'ai jamais vu aucun manga pousser aussi loin la technique de l'éclatement des cases. Ikeda ne les dessine tout simplement pas, voir efface le contour des visages, quand elle montre un personnage qui réfléchit. D'autre fois elle superpose les cases, fait déborder son dessin des limites. Elle passe toujours d'une scène à l'autre en plein milieu de page, pour rendre la lecture fluide.

Je ne sais plus qui (peut être toi Elbereth) a dit à propos d'Orpheus que la composition de la page était lyrique. Je trouve que ça vaut aussi pour Oniisama e.


Ensuite ce manga est juste merveilleusement bien composé au niveau de la trame de l'histoire. 

Exemple: la scène de début. Nanako a choisit Seiran parce qu'on est pas obligé de mettre un uniforme. Sa mère la force à en mettre un quand même, et finalement Nanako est contente de le mettre parce que son père lui dit qu'elle est belle avec. 

Cette petite scène, qui n'a l'air de servir à rien, est en fait un résumé de toute l'histoire. Si le lycée de Seiran accepte la Sororité, et si la Sororité accepte de ses plier à des règles contraignantes voir cruelles, c'est parce que c'est la classe de faire partie d'une élite. Voilà contre quoi Nanako va devoir se battre.

Je me demande même si le manga n'a pas un deuxième niveau de lecture complet. On peut certes apprécier la trame apparente: des lycéennes qui se déchirent. Mais je me demande de plus en plus si Ikeda n'a pas fait ceci: raconter une révolution (au sens politique du terme) mais à l'échelle d'un lycée. Ici l'abolition de la sororité. Parce que finalement, les relations de pouvoirs sont les même quelque soit le cadre où elles ont lieu.

Ce qui me fait aussi penser ça c'est qu'il y a un manga qui est très inspiré de Oe: Utena. Et tout l'univers d'Utena justement est métaphorique (on ne comprend pas l'histoire si on ne tient pas compte du sous texte). 

Je trouve aussi que Sakura Chasseuse de Cartes fait référence à OE. Regardez Sakura et Tomoko! Elles ressemblent vraiment au duo Nanako/Mariko (là aussi Tomoko a une espèce d'obsession pour Sakura)

Je ne vais pas parler du rythme du récit (excellent, tout comme dans Orpheus). Oniisama e est aussi parsemé de jeux de contrastes et de jeux de miroirs. 

Ex de miroir: Quand Nanako sèche les cours elle rencontre son frère dans le parc. Mais elle est avec Rei et Takehiko est avec... le frère de Rei.

Ex de contraste: La blonde Rei qui veut mourir et se refuse à lâcher Fukiko est amie avec la brune Kaoru qui se bat pour vivre mais a abandonné son histoire d'amour.

La façon dont les scènes se suivent et se répondent: on voit d'abord une scène où Nanako voit Kaoru pleurer seule dans une classe. Celle-ci se demande pour quelle raison les humains doivent ils vivre. (phrase de la déprime ultime) mais la scène d'après est celle où Rei demande à nanako (qu'elle prend pour fukiko) de mourir avec elle. L'enchaînement entre les deux scènes est fluide même si on change de personnages parce qu'on file un même thème: parfois on a plus envie de se battre et on a envie de mourir. (purée c'est la joie ce soir!)

Bref peut être que je me prends trop la tête (mon côté lettrée de la sorbonne qui ressort), mais j'adore me pencher sur les oeuvres que j'aime pour trouver à quel point leur machinerie secrète est bien foutue! 

Et encore désolée pour le pavé, mais si j'arrive à bien décortiquer tous les niveaux de symboles, j'essayerai d'en faire un résumé. PS: Orpheus est pareil voir encore plus virtuose!

je croyais avoir laissé un commentaire, apparemment non... Belle présentation Elby !

Elelya, non tu ne délires pas, la preuve tout est justifié, étayé par des exemples, ça tient carrément debout, et avec Ikéda tout est toujours plus profond qu'il n'y parait.

2 000% d'accord pour la "révolution Serianienne" , mais aussi celle de Nanako à titre plus personnel.

ça me rappelle quand je faisais les analyses de texte en L. Tant de richesses à côté desquelles tu passes si tu ne creuses pas un peu
Avec l'anime il y a encore plus matière à disserter, voire divaguer...

Contente de voir que mon pavé est compréhensible. 

Oui effectivement il y a bien deux libérations: Nanako se libère elle même, puis l'école est libérée de la sororité.

Dans l'animé, les dessinateurs ont apporté encore plus d'eau au moulin! il faut que je le re-regarde...

Double sens, vraies tragédies, enjeux politiques... ah les 70's, l'époque où les shojos avaient des c...illes si je puis dire.

Je ne supporte que très peu les productions modernes. Ils font tellement fadasses à côté. 

Ex: tout le monde classe "Switch girl" comme une des meilleurs shojos récents, mais purée que c'est cu-cul! Dernièrement j'ai aussi vu Princess Jellyfish, qui est pas mal mais qui laisse de côté les persos secondaires intéressants pour se concentrer sur un triangle amoureux un peu bébête.

 J'ai largement préféré Vitamine (qui parle de harcèlement scolaire). J'aime bien aussi les mangas de Setuna Mizushiro, mais c'est plus du Josei que du Shojo.

En fait je déteste les shojos où on voit des filles piailler toutes les deux cases et dont l'unique ambition est leur réputation au lycée et de chopper les mecs qui leur plaisent. C'est chiiiiaaaant!!! Et surtout superficiel au premier sens du terme: il n'y a aucun conflit sérieux et aucune conséquence grave. Ikeda aussi traite de la vie de lycée, mais elle montre des personnages qui souffrent réellement, parce que la vie même au lycée n'est pas tendre.

C'est ça en fait: arrêter de nous coller des lycéennes de 5 ans d'âge mental qui se pâment d'admiration devant le premier machin rose bonbon ou le premier mec qui les regarde. Montrez nous des vrais personnages qui se bagarrent pour ce qu'ils veulent ou contre ce qu'ils craignent ou refusent.

Oh oui Jin est génial! Et méga bien documenté.

Ah bon Reika me fait des cachotteries!? Ouh la vilaine!

Elle me l'a dit quand on a vu des goodies avec Arale dans la boutique de manga dans laquelle on est allées.