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Sujet: Re: Révolution Française Mar 1 Sep 2015 - 13:18
La suite...
Depuis longtemps en fait Louis XVI a l'intention de s'échapper des Tuileries et de rallier des troupes fidèles stationnées dans l'est. Pendant plusieurs mois il a pris soin d'organiser ses allées et venues du soir afin que son départ passe pour celui d'un simple visiteur. Le soir du 20 juin tout est prêt: la famille royale va revêtir la fausse identité de celle de Korff émigrant avec sa suite. Le roi lui-même jouera le rôle de l'intendant mr Durand. Pendant la nuit le Roi laisse une lettre adressée aux députés pour justifier son geste. La reine, pour parvenir à la berline, se perd quelque peu et le départ est ainsi retardé de deux heures. Néanmoins tout se passe à la perfection et les premières lueurs du jour apportent joie et bonheur à la famille royale qui a pris ses dispositions pour devancer largement les éventuels poursuivants...
Dans le même temps, de la Fayette est tiré de son lit en sursaut et ce qu'il apprend le laisse pantois... Il fonce vers les Tuileries et il trouve un attroupement en légitime colère. Parmi les gens assemblés se trouve son pire ennemi, Danton, qui lui dit: "Mr de la Fayette, vous avez répondu du roi sur votre tête: nous voulons le roi...ou votre tête." De la Fayette sait qu'il n'a pas le droit à l'erreur et qu'il doit réagir très vite et très promptement. Il commence par envoyer des messagers dans toutes les directions pour prévenir de l'évasion du Roi et demander qu'il soit stoppé immédiatement. En parallèle il doit agir avec l'Assemblée pour sauver le Roi du mieux qu'il peut, quitte à mentir effrontément...
La berline royale prend néanmoins de plus en plus de retard: accidents de parcours divers, pauses déjeuner beaucoup trop longues, troupes de relai qui s'impatientent et qui finalement se disent que le voyage a été reporté: le chemin de Montmédy où de Bouillé attend le Roi est semé de désagréments, or les messager de de la Fayette ne sont plus très loin désormais. La berline arrive alors à Sainte-Menehould où le maître de poste change les chevaux, non sans une étrange méfiance envers ce trop imposant arrimage... Cet homme s'appelle Drouet et son destin est assez exemplaire de la Révolution: il se ralliera très vite à l'idée de République, revendiquera ses sympathies robespierristes puis s'engagera dans la bande à Babeuf. Obligé de vivre dans le clandestinité après le chute de celui-ci, il reviendra en grâce sous l'Empire où il sera nommé préfet, titre qu'il perdra sous la Restauration. Il mourra dans la clandestinité en 1824. Un vrai patriote engagé et fidèle à ses idées...
Une heure après, Drouet, qui a été surpris par le profil très "Bourbon" de mr Durand, verra arriver les messagers de de la Fayette et il comprendra tout. Filant à-travers bois il tente de devancer la berline... Le soir tombe et Louis XVI arrive à quelques lieues de l'endroit où l'attend de Bouillé et ses troupes: la ville de Varennes. Il est accueilli chez l'aubergiste, le temps que la municipalité vérifie ses (faux) papiers. L'auberge en question porte l'enseigne suivante: Au Grand Monarque: sinistre ironie quand on sait que c'est précisément là que va s'arrêter cette lamentable épopée... Drouet arrive juste après, impose son autorité pour faire sonner le tocsin et alerter le peuple. Il rentre dans l'auberge, aperçoit le Roi, et lui dit seulement: "Bonsoir, sire.." Le reste n'est que péripéties: l'arrivée des hommes de de la Fayette, puis le lendemain du marquis lui-même qui ordonne le retour à Paris. Le 25 juin le Roi rentre aux Tuileries dans le silence absolu. Il faut dire que de la Fayette a fait placarder cet ordre: "Quiconque applaudira le roi sera bastonné, celui qui l'insultera sera pendu."
Que voulait Louis XVI en tentant ce pitoyable périple, si pathétiquement conclu? Voulait-il émigrer comme ses frères (deux mois après le comte de Provence)? Le fait qu'il ait refusé un itinéraire plus court mais qui l'aurait fait passer un temps hors des frontières donne à penser que non: selon moi il voulait se réfugier à Montmédy, ville française toute proche de la frontière, protégé par les troupes de de Bouillé, afin d'imposer sa volonté à l'Assemblée. La lettre qu'il a laissée le matin va dans ce sens: c'est une condamnation en règle de toute la Révolution depuis 1789, et un appel au peuple où il dénonce l'oppression sur lui effectuée par l'Assemblée. Cette tentative de chantage sera, malheureusement pour lui, exactement prise pour ce qu'elle était: Louis XVI venait de perdre d'un seul coup toute sa popularité, et l'idée de République venait de germer dans la tête de certains...
Et que lui arriva-t-il après cette trahison? Rien. Les amis de de la Fayette réussirent à imposer officiellement ce mensonge grossier que le Roi avait été enlevé... Robespierre et plusieurs autres s'étranglèrent d'indignation mais la majorité était la majorité. Cette majorité, de la Fayette y tenait beaucoup car dix jours plus tard le nouvelle Constitution fut votée (nous y reviendrons ci-après). Mais la fuite à Varennes avait eu des répercussions dans les cœurs et les esprits bien plus importantes qu'un subterfuge grossier, cela nul ne l'ignorait (de Marat à de la Fayette) et la seule chance de faire triompher la cause du Roi était un coup de force sanglant! L'occasion ne tarda guère à se présenter...
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Sujet: Re: Révolution Française Mer 2 Sep 2015 - 0:00
Sudena. a écrit:
"Révolution tranquille" est une expression reconnue par les historiens, mais en soi elle est presque antinomique sur le plan politique: Mao écrivait: "la Révolution est un acte de violence" et je suis assez d'accord avec lui. Enfin, ce n'est que mon avis...
Personnellement, je crois qu'on pourrait parler de révolution en mesurant le changement entre la situation de départ et celle qui règne par la suite sans égard aux procédés utilisés.
Dans le cas du Québec, il y a bien eu changements majeurs en l'espace de quelques années seulement et ces changements sont restés pour définir le Québec d'aujourd'hui, à tel point qu'on parle sans cesse des "acquis de la Révolution tranquille".
Une question au sujet de la fuite vers Varennes que tu viens de décrire: Fersen n'y a-t-il pas tenu un rôle ou me trompe-je?
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Sujet: Re: Révolution Française Mer 2 Sep 2015 - 0:16
sudena en prof d'histoire, je signe tout de suite, tu nous apprends des chosrs ignorees e tous, notamment concernant la fayette et aussi la raison de l'anipathie de Robespierre envers la noblesse, ce sont des episodes jamais evoquees lors de nos cours d'histoire. pour tes recherches et merci pour ces infos.
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Sujet: Re: Révolution Française Mer 2 Sep 2015 - 0:53
Fersen a été l'un des agents de liaison entre Antoinette et les troupes de de Bouillé, pas le seul mais c'est lui qui transmettait les messages venant des Tuileries (habitant à Paris). Il s'est ensuite exilé, et d'abord en Autriche...
Ah... La question sur le sens et la légitimité des mots... Tout un débat qui en soi ne change pas grand-chose mais qu'il est intéressant de soulever au moment de nous exprimer: un même mot peut avoir deux sens différents selon les personnes qui peuvent se heurter et se méprendre sur les intentions de l'autre...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Mer 2 Sep 2015 - 0:57
TIGRESSE a écrit:
sudena en prof d'histoire, je signe tout de suite, tu nous apprends des chosrs ignorees e tous, notamment concernant la fayette et aussi la raison de l'anipathie de Robespierre envers la noblesse, ce sont des episodes jamais evoquees lors de nos cours d'histoire. pour tes recherches et merci pour ces infos.
Merci du compliment Tigresse : je suis prof mais pas d'Histoire (plus j'étudie l'Histoire plus j'ai du mal avec les historiens...) et je suis très heureux d'être utile. J'espère pouvoir continuer mais au fait, quelles sont ces choses que tu ignorais sur de la Fayette (j'avoue que j'ai tendance à oublier mes cours de jadis)?..
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COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Mer 2 Sep 2015 - 9:23
Encore bravo !
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Sujet: Re: Révolution Française Mer 2 Sep 2015 - 17:09
En réaction à la fuite à Varennes, les orateurs du club des Cordeliers, menés par Marat, appellent ouvertement à l'élaboration de la République. Eh! le pays n'a-t-il pas su agir sans roi pendant cinq jours? Et un roi qui fuit peut-il seulement être roi? Trois jours après la fête nationale (donc le 17 juillet 1791) une manifestation est organisée sur la Champ de Mars: les citoyens sont invités à signer et déposer une motion demandant la République. De la Fayette s'étrangle: pour lui une telle manifestation est une hérésie. L'Assemblée Constituante la déclare illégale et impose la loi martiale. Néanmoins le peuple se rend sur la Champ de Mars, dans un esprit tout à fait pacifique. Danton, prudent, a préféré s'éloigner de Paris quelques temps, mais Marat est là, ainsi que Manon Rolland (femme du député du même nom et hégérie de la Gironde [donc de la gauche]); Camille Desmoulins, sans y être directement, n'est pas loin, ainsi que Robespierre. Quand soudain de la Fayette apparait à la tête de la Garde Nationale. Il ordonne la dispersion. Personne ne bouge. Combien de temps dure ce défi silencieux? Très peu, presque trop peu pour être honnête... Les coups de feu partent. De la Fayette a-t-il donné l'ordre? Louis XVI était-il derrière? On ne le saura jamais, mais de la Fayette est quoi qu'il en soit responsable de ce sang: ou il a donné l'ordre de tirer sur une foule désarmée, ou il a été désobéi (ce qui est au demeurant très peu probable tant il a de charisme)... La panique se fait, la traque commence. manon Rolland écrira qu'il y a eu des centaines de morts: en vérité il n'y en a probablement eu qu'une cinquantaine, mais plusieurs centaines de blessés ça oui... Desmoulins fuit à la campagne: son journal sera interdit. Marat, traqué, réussit à s'enfuir par les égouts puis à fuir en Angleterre où Danton ira bientôt le rejoindre: il rapportera des égouts une grave maladie de peau qui l'obligera à prendre régulièrement des bains chauds pour calmer les démangaisons. Robespierre sera secouru par un membre du club des Jacobins: le riche menuisier Maurice Duplay qui le cachera chez lui pendant trois jours...et qui ne le laissera plus jamais repartir. Chez les Duplay, Robespierre trouvera une vraie famille où il sera vénéré politiquement et considéré comme le fils aîné, et l'affection des Duplay s'étendra à son frère Augustin quand il viendra à Paris, ainsi qu'à tous ses amis (dont Couthon ou le jeune Philippe le Bas), et lui-même se comportera envers les filles Duplay comme un grand-frère bienveillant et parfois complice...à l'exception de l'aînée Eléonore avec qui il va nouer des rapports beaucoup plus intimes... Ce Robespierre très humain, je tenais à le rappeler, car le traitement à lui généralement réservé par les manuels d'Histoire en donne souvent l'image d'un montre froid, sans sentiment, quasi-inhumain. Or il s'agit d'un mensonge grossier (ce qui explique peut-être pourquoi il est si bien passé)! Le Massacre du Champ de Mars est le premier de la Révolution: que le Roi ait été derrière ou non, cela importe peu: c'est quoi qu'il en soit pour lui que ce sang a été versé. La violence qui commence à naître entre la droite et la gauche a fait ses premières vicimes: elles ne seront pas les dernières...
nota: quand je parle de "droite" et de "gauche", c'est dans le contexte de l'époque, à savoir que qui dit "droite" dit "noblesse royaliste" e qui dit "gauche" dit "Tiers Etat, parfois républicain". Ces notions vont évoluer bientôt et je ne manquerai pas de le souligner...
Le 1er septembre 1791 la première Constitution de l'Histoire de notre pays est votée. Elle comprend une séparation stricte des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif même si tous, hormis l'exécutif, sont élus (selon le modèle américain). Nous n'allons pas nous y attarder outre-mesure mais souligner ses points principaux: l'Assemblée change de nom et devient "Nationale": elle détient le pouvoir législatif qui vote les lois (les députés ne sont pas rééligibles [une des rares propositions de Robespierre qui ait été acceptée, sans-doute pas la plus intelligente car le renouvellement risque de perturber totalement l'Assemblée dont les nouveaux députés doivent rapidement se mettre "au jus" des dossiers]), tandis que la Roi est le chef du pouvoir exécutif. Il est de loin l'homme qui possède le plus de pouvoir: outre son statut dynastique qui n'est pas remis en question, il bénéficie de l'immunité sur ses actions (une conséquence précuationneuse de la fuite à Varennes), et il a le droit d'opposer son véto à toute loi qui lui déplairait. Le système d'élection, assez complexe en soi, est de plus un véritable camouflet pour la classe sociale inférieure: seuls sont habilités à voter les "citoyens actifs": des hommes (pas des femmes bien-sûr...) de plus de vingt-cinq ans établis depuis au moins un an dans le canton (ce qui exclut les vagabonds et autres colporteurs) dont le montant d'imposition équivaut à trois jours de salaire. Au final, seule 15% de la population vote, un peu plus de 60% en ne comptant que les hommes (ce qui est quand-même plus honnête à dire dans le contexte de l'époque, tant les droits des femmes ont été piétinés longtemps en France...). néanmoins il faudra faire chanter Louis XVI pour qu'il condescende à ratifier cette Constitution, puis à accorder un pardon général aux victimes du Masacre du Champ de Mars (oui je sais: c'est aussi absurde que honteux; mais c'est ce qui s'est passé: les victimes étaient considérées comme coupables de sédition et le sang versé n'a pas été considéré comme suffisant...). De la Fayette a terminé son oeuvre, mais la Révolution, engoncée dans cette Constitution qui ne satisfait que les nobles libéraux et les plus fortunés, ne va pas tarder à exploser à nouveau...et à inquiéter les puissances européenes voisines...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Jeu 3 Sep 2015 - 17:19
1791 se termine assez calmement en France, mais la pression des émigrés commence à se faire sentir en Europe: ces invités fort encombrants pressent les monarchies d'Ancien Régime à envahir la France pour redonner les pleins pouvoirs au Roi. L'Angleterre, fidèle à son habitude, reste dans l'ombre, pesant soigneusement ses intérêts, mais l'Autriche et la Prusse commencent à inquiéter l'Assemblée. En vérité cette inquiétude est moins fondée que ce qui se dit: pour ces pays la France s'affaiblit ce qui ne peut être que bon pour eux. Sauf que la Révolution s'éternise, que les liens de parenté entre les princes commencent à jouer...et surtout que nombre de généraux ont émigré. La France est-elle une proie facile? Cette interrogation est plus sagace que les grands discours des Girondins qui commencent à envisager de détruire par une offensive préventive les amis des émigrés. De plus, pour eux, la Révolution a une portée universelle et la France ne doit pas rester seule dans son coin mais au-contraire guider les peuples vers la liberté. D'autres arguments ne tarderont pas à s'ajouter à ces esquisses mais la menace est réelle, fin 1791, de voir la guerre éclater prochainement. Nous y reviendrons.
1791 est également connue pour une autre raison: l'année la plus riche de chefs d'oeuvre pour Wolfgang Amadeus Mozart... Criblé de dettes le compositeur pourra compter sur ses amitiés maçonniques pour créer un opéra totalement nouveau, au livret baroque écrit par Emmanuel Schikanneder et où il fera jouer à la fois des airs très populaires et les voix les plus extrêmes du répertoire classique. Cependant il doit rapidement interrompre ce projet en mai: une commande urgente pour le couronnement de l'empereur d'Autriche François le pousse à composer en quelques mois La Clemenza di Tito: énorme succès qui coïncide à la "popularisation", à Prague, de l'étrange et génial Don Giovanni (premier opéra en mineur composé en 1787). En parallèle il a reçu une étrange commande d'un homme masqué: une messe pour les morts qu'il tarde, curieusement à honorer... Pour l'heure il se consacre à un concerto pour harmonica et à fignoler cet opéra populaire qui lui tient tant à coeur. Début septembre c'est chose faite: Die Zauberflötte (La Flûte Enchantée) est achevée...et le succès est absolument phénoménal! L'opéra, construit comme un conte de fée, est en fait une métaphore parfois tendrement moqueuse d'un rite d'initiation maçonnique. Normal: ainsi que je l'ai dit Mozart est Franc-Maçon, Schikanneder aussi, et cet engagement philanthropo-philosophique est très important dans l'oeuvre du compositeur, ainsi La Flûte Enchantée peut être qualifiée d'opéra maçonnique (au moins vous le saurez et c'est le seul qui puisse revendiquer ce statut...). Son introduction est la plus belle de tout le répertoire mozartien... Reste néanmoins cette messe pour les morts que Mozart doit composer alors que sa santée se dégrade rapidement (il s'agit en fait d'une acumulation de fragilités et de fatigues accumulées depuis des années, de plus la variole terrible qu'il a eu à l'âge de seize ans et à laquelle il a survécu par miracle l'a laissé très vulnérable)... Il compse encore un génial concerto pour clarinette destiné à son ami Stalder, puis il se met à son Requiem, son ultime Requiem...
Au fur et à mesure qu'il compose se renforce en lui ce sentiment qu'il traine depuis longtemps de composer pour sa propre mort... La majesté du Requiem Aeternam est déjà emplie d'une terreur certaine, terreur qui se renforce dans l'effroyable et frénétique fuite du Kyrie, puis arrive l'apocalypse: un Dies Irae infernal, d'une violence inouïe: Mozart vient de se consacrer officiellement premier romantique. La pause mélodique du Tuba Mirum est visiblement un hommage à l'opéra qui entremèle une basse, un ténor, un contra-alto et un soprano. La terreur et plus encore une tristesse bouleversante prennent au coprs et aux tripes dans le Rex Tremendae qui détonne après le calme précédent, et qui amorce l'apaisement tout maçonnique du long et génial Recordare (en majeur), peut-être le meilleur mouvement mais qui dépend beaucoup de l'interprétation orchestrale. Mozart retrouve ses peurs à l'appel de la mort dans le Confutatis: il sait qu'il n'ira jamais jusqu'au bout de son oeuvre... Ses dernières mesures écrites intégralement sont, miracle du destin, celles du Lacrimosa, la musique dont chaque note est une larme, chaque portée un sillon, chaque rythme un sanglot, chaque chant un gémissement...Son élève Susmayr tentera de terminer son oeuvre, mais il ne réussira "réellement" qu'à bâcler le Sanctus et à massacrer le Benedictus. Car de toute évidence Mozart avait composé le squelette de l'Agnus Dei et Susmayr n'avait eu qu'à rajouter l'accompagnement cuivres de l'Offretorium. Le Requiem conclut la vie et l'oeuvre de Mozart en ouvrant la musique définitivement au mode mineur, comme avant lui la Symphonie n°40, Don Giovanni et le Concerto pour piano n°20 l'avaient amorcé: la musique est prête à la révolution romantique alors même que la France amorce, dans la sienne, son processus de non-retour politique qui va redéfinir le monde en profondeur...
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COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Jeu 3 Sep 2015 - 17:53
Bravo !!
Ah oui les grandes œuvres musicales aussi, c'est vraiment complet et très intéressant !
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Ven 4 Sep 2015 - 17:07
1792 est à tous égards l'Année de la Révolution. Celle où elle opèrera sa marche définitive vers le point de non-retour, celle des plus terribles bains de sang "spontanés", celle de toutes les générosités, celle de tous les dangers, celle des rancoeurs insurmontables... Il faut avant cela noter un fait que j'ai _excusez m'en_ oublié d'évoquer: depuis quelques mois, le club des Jacobins a vu le départ de de la Fayette et de ses amis: plus modéré que celui des Cordeliers il n'en devient pas moins une tribune "officielle" de la gauche, que les Girondins font leur...
Les tensions sont grandement avancées au début de l'année: les Girondins accusent les ministres "feuillants" (nom donné à la droite d'alors) de protéger les émigrés et les prêtres réfractaires, non sans raison d'ailleurs. Pour eux le Roi est leur complice, d'avantage encore que leurs collègues de l'Assemblée qu'ils espèrent convaincre. Le 10 mars l'obstination de Brissot et Vergniaud paie: l'Assemblée destitue les ministres feuillants et met en place un gouvernement Girondin: tout est prêt pour le processus de guerre...
Car Brissot, particulièrement au club des Jacobins, se déchaine à grands coups de verbes et de superbes phrases: pour lui la guerre est une occasion rêvée de circoncire la menace que représentent les émigrés fidèles au Roi, de prouver le double-jeu de celui-ci, d'exporter la Révolution aux différents peuples d'Europe qui, selon lui, n'attendent que ça... Son argumentation est belle, puissante, convaincante: elle soulève les foules et elle est appuyée par des amis tout aussi brillants que lui tels Vergniaud, Olympe de Gouges ou Manon Rolland. De plus elle n'est pas populaire dans toute l'Assemblée: la majorité des feuillants s'y oppose farouchement, mais leurs origines et leur statut de "complices du roi" produisent exactement l'inverse d'un appel à la réflexion. Tout le monde, à Paris, est pour la guerre et a envie d'en découdre avec cette droite réactionnaire qui ne cherche qu'à protéger ses amis émigrés de la punition qu'ils méritent! Tout le monde?.. Non: il y a un homme important, à gauche, qui s'oppose farouchement à la guerre. Cet homme, c'est Robespierre.
Commençons par rétablir une vérité: Robespierre n'est pas totalement le seul à s'opposer à la guerre: l'ancien associé de Danton passionné d'ornithologie Billaud-Varenne l'est aussi. Mais il est encore trop peu connu et ne bénéficie conséquemment pas de l'écoute populaire dont peut se revendiquer Robespierre... Pour celui qu'on commence déjà à surnommer "l'Incorruptible", la guerre est contre-révolutionnaire par nature et ne peut aboutir à moyen terme qu'à un coup d'Etat militaire, il dit à propos du grand projet brissotin d'exporter la Révolution: "Personne n'aime les missionnaires armés!". Il se bat jusqu'à l'épuisement avec un courage et une dignité qui forcent l'admiration, mais il n'est plus député (une conséquence directe de son décret interdisant leur réélection) et hormis ses plus proches amis il n'a aucun soutient: le combat est perdu d'avance. Robespierre a une autre raison d'être contre la guerre, raison qu'il doit taire en public mais qui l'effraie beaucoup plus que toutes les autres: il sait bien, lui, qui a réellement intérêt à ce que la guerre soit déclenchée...
Et de fait, à la grande stupéfaction des feuillants, la plus grand partisan de la guerre à ce moment-là n'est autre que le Roi...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 6 Sep 2015 - 16:06
Pour comprendre la position de Louis XVI il faut se remémorer le contexte d'alors: l'armée française n'est plus réservée aux nobles mais aux volontaires, ce qui est une première dans l'Histoire. Cette armée est dite "de roturiers" et ses chefs ont émigré massivement: les nouveaux seront donc à brève échéance élus par les soldats. Cette situation confère à l'armée une grande vulnérabilité...et le Roi le sait. Il est donc partisan de la guerre pour que la France la perde! C'est une situation incroyable, inouïe, et tellement inimaginable que quasiment tous les députés (de droite comme de gauche) ne l'aperçoivent même pas... Lorsque le 20 avril 1792 Louis XVI déclare devant l'Assemblée la guerre à l'Autriche et à la Prusse les acclamations sont assourdissantes et Robespierre, le seul à se rendre compte du terrible danger, doit se taire et plonge dans une grave dépression qui le tiendra presque deux mois éloigné des tribunes...
Et de fait les premiers engagement à la frontière belge avec les prussiens du duc de Brunswick se solde par un désastre: les soldats, mal synchronisés, mal commandés, très mal entraînés, succombent à la panique malgré une vaillance certaine, et les prussiens s'amusent à leurs dépends. Les déroutes se succèdent à la vitesse du vent et, pire, la suspicion gagne les rangs... Car les alliés de ce que l'Histoire retiendra sous le nom de "la première coalition" ne se contentent pas de gagner les batailles: ils semblent de plus parfaitement au courant des mouvements de notre armée, des stratégies mises en place, et les anticiper avec une lucidité quasi-surhumaine... Pour les soldats une seule explication possible qui se traduit par un cri de haine et de dépit: "Trahison!" Le général Dillon est massacré par ses propres hommes mais ça ne change rien à l'affaire. Car la trahison vient d'ailleurs!..
"Elle vient d'ailleurs?.." oui oui, et je réponds ce faisant à votre question suspicieuse: il y a bien trahison. Mais elle vient de beaucoup plus haut... Dès que l'Assemblée a déclaré la guerre de concert avec le Roi, Marie Antoinette s'est exclamée, ivre de bonheur: "Les imbéciles! ils ne voient pas qu'ils ne servent que nos intérêts!.." Et de fait c'est elle qui écrit personnellement aux alliés et qui leur communique les plans de nos armées sous la dictée du Roi. Les partisans aujourd'hui du couple royal omettent soigneusement ce fait-là, ou alors ils accusent la Révolution d'avoir poussé ces malheureux à cette extrémité. Il est vrai qu'ils ne détenaient que le pouvoir exécutif avec droit de véto et n'étaient rémunérés que 24 millions de francs par an, les pauvres... Ce que le Roi ne sait pas, c'est qu'en multipliant les provocations du genre d'utiliser à foison son droit de véto pour protéger les émigrés et les prêtres réfractaires, il oublie que le peuple n'a pas oublié, lui, le Massacre du Champ de Mars, la fuite à Varennes, ni même les journées d'octobre, et qu'il commence à en avoir plus que marre de donner éternellement une autre chance à ce roi dont il commence, de plus, à soupçonner la trahison quant aux armées. Paris bouillonne, Paris s'agite, Paris veut imposer sa loi... Les défaites successives permettent aux alliés de s'établir solidement en Hollande et en Belgique: on sent l'invasion proche et des hommes comme le boucher Legendre ou le général parisien Santerre (amis de Danton et proches de la frange la plus à gauche des Cordeliers ou des Jacobins) ont envie, à l'instar de beaucoup de leurs collègues ou simples voisins, d'en découdre et de demander des comptes à Louis XVI. Deux mois après la déclaration de guerre l'occasion se présentera...
Une dernière chose par-rapport à l'armée. Son ouverture à tous les volontaires la fait accueillir en son sein des gens d'horizons sociaux et géographiques très différents que la langue française unira non par obligation mais par fait. Parmi ces volontaires on trouve un jeune noble qui n'a pas émigré et que la tournure de la Révolution pousse au-contraire du côté de la gauche: un certain d'Avout. Même âge mais venant du Gers, un tanneur patriote mais peu lettré, qui a connu la faim, tente de trouver sa voie au milieu de ces anonymes avec comme seuls armes son courage et une intelligence situationnelle très fine qu'il ne mesure absolument pas lui-même: il s'appelle Jean Lannes.
Cette armée de roturiers, sans entrainement, en loques, qui est la risée de toutes les monarchies d'Ancien Régime, qui subit défaite sur défaite, personne à ce moment-là ne se doute qu'il ne lui faudra qu'une décennie pour devenir la meilleure du monde, peut-être même de tous les temps...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Mar 8 Sep 2015 - 12:15
Le 20 juin 1792, le peuple de Paris envahit les Tuilleries, poussé par la colère des défaites et agacé au-delà du supportable par le refus du Roi de lever son veto sur les lois destinées à sanctionner les prêtres réfractaires. Les parisiens sont menés par Legendre et Santerre qui, militaire, a réussi à amener un canon. Devant la majesté du lieu les insurgés hésitent un peu et finisent par demander à parler au Roi. Celui-ci vient à eux poliment, accepte de crier "Vive la Nation!", de boire à la santé du pays, même de coiffer le fameux bonnet phrygien, il assure être au service du peuple, mais il de cède rien... Au bout de deux longues heures le municipalité (royaliste forcément car élue au suffrage censitaire) réagit enfin et envoie ses représentants disperser les manifestants. Louis XVI reste en place: la journée a été un coup d'épée dans l'eau.
Cependant la menace pour le Roi devient de plus en plus réelle: son impopularité grandit de jour en jour et ce ne sont pas ses amis qui vont lui faciliter la tâche... Car, grisés par leurs victoires, les immigrés proposent à leur ami, le duc de Brunswick, commandant en chef des armées prussiennes, de rédiger un manifeste en forme d'avertisement. Ce-dernier accepte de bonne grâce et envoie ce manifeste à l'Assemblée Nationale: le résultat est au-delà de ce qu'espéraient...les plus acharnés ennemis de la monarchie. Car dans ce document Bruswick menace de livrer Paris à une destruction totale et sanglante si le moindre mal est fait à la famille royale: la preuve de la duplicité du Roi est faite pour beaucoup et le réflexe patriotique agit sur tous. Vergniaud promet aux alliés une humiliante défaite...promesse qui à ce moment-là ressemble à un voeu pieux mais qui reflète bien l'opinion générale. Discrètement des ordres sont donnés. Au club des Jacobins, Robespierre déclare qu'il faut détruire les ennemis de l'intérieur pour pouvoir lutter eficacement contre ceux de l'extérieur; dans L'Ami du peuple, Marat ne dit pas autre chose. Des régiments marchent sur Paris...
Début août, Louis XVI fait doubler la Garde Suisse aux Tuilleries: il est prudent car ces régiments ont été appelés par les amis de Danton (qui cherche d'abord à prouver la trahison et à détruire de la Fayette), ils viennent l'un de Bretagne, l'autre de Marseille. Les marseillais amènent avec eux une chanson patriotique entrainante qu'ils ont apprise on ne sait trop comment car elle a été écrite en Alsace par un certain Rouget de Lisle... Le soir du 8 août les deux régiments rentrent dans Paris et sont accueillis par les membres les plus actifs du club des Cordeliers (Danton, Desmoulins, Marat, Hébert, Legendre...). Les Jacobins, eux, sont au courant mais se gardent d'intervenir: Robespierre n'est pas homme à soutenir activement ce qui ressemble quand-même à un Coup d'Etat: il est et il sera toujours un légaliste, bien qu'il soit de tout coeur avec les insurgés qui ne cachent même pas leur républicanisme. Le Roi a une Garde Suisse doublée, des canons entourent et protègent son palais, et surtout la municipalité parisienne lui est favorable (Danton n'ignore d'ailleurs nullement cette difficulté). L'Assemblée Nationale restera neutre. En cette journée du 9 août où les préparatifs vont bon train, presque tous les protagonistes principaux de la Révolution sont à quelques kilomètres de distance: manquent seulement quelques futurs députés et quelques futurs généraux; mais un Titan se tient dans l'ombre et observe de près les événements: venu à Paris pour régler des affaires de famille, Napoléon Bonaparte sera aux premières loges lorsque, le lendemain, le destin de la France basculera à-jamais...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Sam 12 Sep 2015 - 18:32
Dans la nuit du 9 au 10 août 1792, Danton mène ses amis jusqu'à la municipalité de Paris. Il est armé et les feuillants siégeant à l'Hôtel de Ville n'ont pas envisagé une seconde d'être attaqués: aussi il ne faut que quelques secondes pour que tout ce joli monde soit explusé et que la Commune Insurrectionnelle se mette en place. Il n'y a pas eu la moindre violence...
La violence elle arrive au petit matin: Mandat, commandant de la Garde Nationale, est appelé à l'Hôtel de Ville. A-peine arrivé il est massacré. Danton vient en deux temps trois mouvements de s'assurer qu'aucun contre-ordre ne viendra contrarier ses plans...et qu'aucun renfort ne sera envoyé aux Tuileries.
Alors que la journée avance, le peuple vient devant les grilles du Palais aux cris de "Vive la République!", "A bas le Gros Cochon!". Louis XVI est prévenu des événements de la nuit par le procureur syndic du département, Pierre Roederer. Il descend dans la cour et regarde la masse aux grilles. Peut-être, s'il faisait tirer ses soldats, aurait-il une chance de la disperser, car les régiments breton et marseillais ne sont pas encore arrivés. Mais il ne veut pas, ou n'y pense pas. Cette faiblesse face au danger fait s'exclamer au jeune officier corse qui observe la scène: "Che coglione!.." ("Quel couillon!.."). Peu après, on somme cet officier de crier "Vive la République!": il s'exécute de bonne grâce: il n'est pas royaliste et l'attitude du Roi vient de faire naître chez lui un mépris complet pour les Bourbons, mépris qui ne se démentira jamais. Napoléon Bonaparte (car c'est lui, vous l'auriez compris), regagne ensuite son logis et observe attentivement le reste de la journée...
A midi les régiments républicains commencent à arriver. Conseillé par Roederer, le Roi descend dans la cour passer en revue la Garde Nationale du palais dont la ceinture de canons est un obstacle majeur aux insurgés. Mais un soldat lui lance alors cette phrase terrible: "Ne compte pas que nous allons tirer sur nos frères!". La Garde Nationale, avec tous ses canons, rejoint spontanément les insurgés. A l'Hôtel de Ville, Danton sourit: il sait que le vent a tourné et que le combat ne pourra qu'entériner ce fait...
Aux Tuilleries l'heure est à la spéculation: que faut-il faire? La Garde Suisse est fidèle au Roi et jure qu'elle se battra jusqu'à la mort. Marie Antoinette est partisane de rester dans la palais mais Roederer déconseille vivement cette option... Louis XVI prend alors la décision de couper la poire en deux: il ordonne le combat, mais lui et sa famille quitteront le palais et iront se réfugier à l'Assemblée, seule à-même se leur assurer une protection. Roederer se présente alors à la foule, accompagné de quelques représentants, et demande de respecter les personnes du Roi et de la reine: on souhait sera exaucé.
A l'Assemblée Louis XVI déclare: "Messieurs, je viens ici pour éviter un grand crime." Vergniaud lui assure qu'il sera protégé, seulement il y a un problème: l'Assemblée n'a pas le droit de siéger et de délibérer en présence du Roi... On trouve alors un subterfuge: le dissimuler dans une petite loge sous la tribune présidentielle où personne ne pourra le voir.
Pendant ce temps, aux Tuilleries, le combat a commencé: bénéficiant de meilleures positions face à des insurgés obligés de traverser une centaine de mètres à découvert, les Suisses repoussent la première vague d'assaut. Mais les soldats, parmi lesquels se trouve Santerre, utilisent rapidement, et à bon escient, les canons, font leurs premières victimes, et lancent un assaut mordant dans la fumée. les Suisses tiennent quelques minutes, puis c'est l'hallali...
A l'Assemblée Louis XVI ne tient pas en place: il cherche à savoir ce qui se passe, comment tourne le combat, il n'arrête pas de faire les cent pas, attentif à la moindre rumeur. Il croit encore en la victoire et son attitude tranche radicalement avec celle de sa femme: Marie Antoinette, qui avait tant souhaité le combat, pleure depuis qu'elle est arrivée dans ce réduit, elle a perdu toute énergie. Quand les nouvelles arrivent, Louis XVI ordonne enfin à ses Suisses de se rendre. Les pauvres! Ils hurleraient de rire s'ils en avaient le temps: leur résistance farouche et inconsciente se retourne contre eux: les régiments républicains, aidés par le peuple, ont tout prévu pour qu'aucun ne s'en sorte vivant... Toutes les issues sont bouchées, aucune rédition n'est aceptés: les scènes se massacres et de torture spontanée s'enchainent. Le peuple, fou de colère et lancé sans contrôle, montre son côté le plus bestial et le plus sanguinaire. De sa fenêtre, Napoléon n'oubliera pas ces scènes atroces dont il est témoin. Mais ne peut-on pas voir en Louis XVI le principal responsable de ces massacres: lui qui a vloulu le combat et qui s'est planqué? lui qui avait tant multiplié les provocations avant, pendant, et après le fuite à Varrennes? lui qui avait grassement profité du Massacre du Champ de Mars?..
La folie n'a pas le temps de retomber: il faut dès la fin de l'après-midi décider de ce qui se passera désormais. L'Assemblée Nationale déclare immédiatement la déchéance du Roi. Louis XVI dit à son fils cette phrase historique: "A-partir de maintenant il n'y a plus de roi en France..." Et c'est vrai que si la monarchie n'est pas encore officiellement abolie, Louis XVI n'est plus roi et n'a plus aucun droit: il devient Louis Capet. Le 13 août il est enfermé avec sa famille dans la forteresse médiévale du Temple, où il a un train de vie de petit bourgeois (rien à voir avec une prison ordinaire). Il garde son valet, Cléry. Seule la princesse de Lamballe, favorite de Marie Antoinette, est séparée de la famille royale. Pendant ce temps, en attendant que d'autres élections soient organisées, elles au suffrage universel masculin, pour élire une nouvelle Assemblée parlementaire, un Conseil Provisoire tient les rennes de la France. De loin le ministère le plus important est celui de la Justice. Et c'est _bien sûr_ à Danton qu'il échoit...
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TIGRESSE Soldat Alain
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Sujet: Re: Révolution Française Sam 12 Sep 2015 - 23:34
Quelle folie meutriere cette revolution francaise. La facon dont tu narres les evenements j'ai l'impression de le voir de ma fenetre.
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Sujet: Re: Révolution Française Sam 12 Sep 2015 - 23:45
franchement pour moi c'est pareil ! Bravo de nouveau... Tu me réconcilies encore avec le cours de l'Histoire de la Révolution française (mais j'aurais pas aimé vivre là)...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 0:26
Merci les amis. J'espère juste que le sang des événement ne fait pas oublier les raisons et les explications que je tente de mettre en avant (je redoute plus que tout de passer pour un réactionnaire diabolisant la Révolution)...
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COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 0:59
Tu ne diabolises rien pour moi...
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TIGRESSE Soldat Alain
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 12:39
tu es realiste.
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COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 13:30
Exactement...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 14:01
Merci. Eh bien c'est reparti (faites-moi bénéficier de vos commentaires, questions, critiques: encire une fois on est là pour ça...)
La fin du mois d'août 1792 est à la fois d'une importance capitale pour la suite de la Révolution et une période généralement très méconnue, pauvre en événements "clinquants"...
Ca commence par la désertion massive de nombreux officiers nobles: certains passent carrément à l'ennemi, d'autres se rendent et refusent de se battre comme c'est le cas d'un protagoniste qui tire sa révérence: de la Fayette. Incapable d'accepter de se battre pour un pays qui a détrôné un roi il se rend aux prussiens avec son Etat Major et il est immédiatement fait prisonnier: on ne le reverra plus pendant longtemps et il ne tiendra plus aucun rôle majeur avant la Restauration...
Ces désertions permettent aux prussiens d'envahir la France: le nord est saccagé et Longouy tombe rapidement, ce qui énerve de plus en plus Marat et ses partisans aux Cordeliers, qui réclament de plus en plus la tête des traîtres de l'intérieur. Danton est de cet avis lui aussi: il ordonne l'arrestation préventive de cent mille suspects dans toute la France. De même il impose au Conseil de rester à Paris. Il justifie tout ceci par cette phrase mythique: "Il faut montrer de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée!"
La France? Elle est envahie de plus en plus, Paris est menacé et à la fin du mois la nouvelle arrive: Verdun est tombé!.. Paris est survolté, Paris est en colère, Paris bouillonne d'une violence qui inquiète même Marat. Aussi ses appels à la violence se font plus rares, moins véhéments: l'Ami du Peuple sait ce que signifie un peuple déchaîné: la suite va donner sinistrement corps à ses craintes...
Une affaire néanmoins est arrivée qui aurait dû défrayer la chronique de tous les spécialistes de la période et sur laquelle un étrange silence est tombé depuis tout ce temps: l'affaire du vol des bijoux des Tuileries. Que s'est-il passé? eh bien voilà: des cambrioleurs ont pendant trois jours scié les barreaux des fenêtres de ce château pourtant très bien gardé, en montant en rappel sur les façades s'il vous plait. Aucun garde n'a rien entendu... La troisième nuit ils ont pénétré dans le château, ont volé des kilos de bijoux ayant appartenu au roi et ont fait ripaille jusqu'à l'aube sans que personne n'ait rien remarqué. Chose encore plus curieuse: il n'a fallu que deux jours pour les arrêter... Ils ont été ensuite envoyé dans diverses prisons de Paris mais la quasi-totalité de leur butin avait disparu. Nul ne sait ce qu'il est devenu mais souvenez-vous des prisons parisiennes, des gardes aveugles et sourds...et du nom du ministre de la justice de cette époque. Nous y reviendrons dans très peu de temps...
Pour l'heure nous arrivons au mois de septembre. Septembre 1792! LE mois de la Révolution! son plus grand symbole, son plus terrible et son plus exaltant! Le mois de tous les paradoxes: les flots de sang, la cruauté, la gloire et la générosité extraordinaire de cette période: toute la Révolution portée à son paroxysme s'est déployée dans ces derniers jours d'été. Vous êtes prêts à commencer? Que les âmes sensibles détournent leur prude regard car le début fut le plus horrible moment de toute la Révolution...
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COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 14:30
La Terreur donc si je comprends bien... Ou c'était commencé avant ?
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 14:52
Non: la Terreur est un régime officiel venu environ un an plus tard pour des raisons bien particulières, mais c'est vrai que nous sommes dans les prémisses, tant au niveau de la situation que de l'action...
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COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 14:55
D'accord car il y a un personnage qui a servi de modèle à mon meilleur ami sur ma signature, LE MOURON ROUGE (THE SCARLET PIMPERNEL en VO) écrit pas la Baronne ORCZY en 1905, dont l'histoire se situe au début de la Terreur et les adaptations marquent "1792". Lord Percy BLACKENEY jeune aristocrate Britannique endosse un masque et lutte contre les Sans-Culottes et autres révolutionnaires pour sauver des nobles de la guillotine sous le nom de MOURON ROUGE...
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 16:07
Ce personnage est inspiré d'un conspirateur qui a tenté de libérer Antoinette, adapté et "déromancé" (si si c'est vrai...) par Alexandre Dumas: le Chevalier de Maison Rouge. Au vu de mon "portrait" et de la phrase signant mes posts tu comprendras que j'ai pour la Terreur une passion et une affection toutes particulières. Je saurai rester neutre, rassure-toi, mais je m'efforcerai de bien faire "saisir" cette période, probablement la plus généreuse de l'Histoire de notre pays (ce qu'on a tendance à oublier très facilement)...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 16:48
Le 2 septembre la prison de l'Abbaye est envahie par quelques patriotes surexcités par les événements militaires. Un tribunal factice présidé par Maillard (un des héros de la Bastille) juge rapidement les responsables d'un prétendu "complot des prisons" que personne n'a jamais prouvé... Ceux qui sont désignés coupables sont rapidement exécutés. C'est le début des "Massacres de Septembre"... Pendant cinq jours de folie des parisiens vons envahir les prisons, parfois juger sommairement les prétendus comploteurs, puis les exécuter sans pitié. L'horreur devient rapidement absolue: les gardiens qui tentent de s'opposer sont embrochés sans pitié. Faute d'armes assez nombreuses on balance parfois les malheureuses victimes du toit, ou alors on les tue en les projetant tête la première contre les murs. Sur le seul parvis du couvent des Carmes (envahi le 2 septembre) plus d'une cinquantaine de prêtres réfractaires sont passés par les armes. La prison du Châtelet, celle de la Salpêtrière, celle de la Conciergerie, celle de la Force (qui sera seule occuppée jusqu'au soir du 6), celle du Grand-Châtelet, celle de Bicêtre sont à leur tour envahies et leurs prisonniers massacrés avec une sauvagerie effroyable... Parmi les massacreurs célèbres on trouve Fournier (un autre héros de la Bastille) et surtout Hébert et le général Santerre. C'est Hébert qui fait, le 3 septembre, exécuter la princesse de Lamballe dont le tête est ensuite mise à bout de pique et amenée sous les fenêtres du Temple pour être présentée à Marie-Antoinette (qui s'évanouira avant même de la voir). Les massacres se calment vers le 5 et s'arrêtent définitivement au soir du 6. Le nombre de victimes reste aujourd'hui très incertain mais on peut l'évaluer à probablement près de cinq mille rien qu'à Paris.
Pourquoi ces massacres? Marat évoqua (non sans raison) la situation militaire pour les justifier (quoique, contrairement à ce qui est généralement dit, il n'en ait nullement été l'instigateur et qu'il ne les approuva pas!) mais cette explication parait insuffisante: pourquoi à ce moment-là précisément et pourquoi ces gens-là?
Pourquoi ces gens-là? me demandez-vous. Parce-que ce n'était pas une émeute populaire qui se répandit partout dans la capitale?.. Eh bien non! Les massacreurs étaient au total quelques dizaines (deux cent grand grand maximum) et on savait très bien qui ils étaient. Le fait qu'ils n'aient subi aucune poursuite judiciaire est déjà très suspect et tend à impliquer fortement Danton dans cette histoire mais il y a autre-chose...
Vous vous souvenez du vol des bijoux royaux aux Tuileries? Eh bien sachez une chose de bizarre... D'abord qu'il est faux de dire que les massacres furent fait totalement à l'aveuglette: si la princese de Lamballe fut effectivement la seule victime "célèbre" les victimes furent à près de 90% des hommes: les femmes étaient généralement épargnées. Mais surtout les voleurs des Tuileries furent parmi les toutes premières victimes: la littérature policière a depuis longtemps pointé cette dissimulation du crime qui "compte" dans une série. Or qui avait intérêt à ce que ces voleurs furent tués et ainsi réduits au silence? Peut-être l'homme qui avait le plus de pouvoir à l'époque: celui qui s'est arrangé pour couvrir les massacres et qui pouvait parfaitement en ordonner certains, celui qui s'est enrichi comme pas autorisé (et qui a enrichi ses meilleurs amis dans le même mouvement) pendant cette période: Georges Jacques Danton... Il est d'ailleurs surprenant que juste après il ait nommé ambasadeur en Angleterre un homme déjà connu pour sa vénalité: Charles Maurice de Talleyrand Périgord...
Quoi qu'il en soit les Massacres de Septembre furent l'épisode le plus sanglant et les plus impardonable de la Révolution: ils nourirent pendant des années (sinon des décennies) les peurs des hommes politiques, et leurs conséquences furent à l'origine du futur affrontement très rapidement haineux entre les deux partis rivaux de la nouvelle assemblée gouvernementale. Mais comme la France n'est décidément pas un pays comme les autres la fin du mois fut comme un miroir à son début: à l'obscurité la plus totale succéda la lumière la plus divine...
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COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 17:11
Ah ok je ne me souvenais plus... Ironie, j'ai fait un dernier tour à la brocante près de chez moi... Je viens de trouver... LE MOURON ROUGE en roman !!
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Dernière édition par COWBOY PAT le Lun 14 Sep 2015 - 11:56, édité 1 fois
Elelya Rose éclose
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Sujet: Re: Révolution Française Dim 13 Sep 2015 - 23:54
Sudena tu as vraiment l'air de maîtriser ton sujet! Du coup je me permets de te demander ton avis sur cette conférence donnée par henri Guillemin que tu connais peut être. les autres: vous pouvez aller regarder c'est vraiment passionnant.
Etant donné que j'ai un master en histoire, je ne peux pas vraiment me dire historienne de métier, mais je sais comment la discipline fonctionne et je dois mettre une mise en garde.
Aujourd'hui on ne fait plus de l'histoire à la façon de Guillemin. Connaissant le personnage et le contexte dans lequel il a évolué, je comprends pourquoi il a choisit cette façon de faire, mais ce n'est pas celle qu'on nous l'apprends dans les cercles universitaires.
Guillemin fait plus du "politique historique", il essaye de retrouver les intentions des protagonistes pour peindre un portrait le plus juste possible. Mes professeurs à moi nous disaient: n'essayez pas de retrouver ce qu'un personnage pensait, vous n'aurez de toute manières aucun moyen de le prouver. Les historiens sont devenus beaucoup moins lyriques que du temps de Michelet, beaucoup plus factuels. Ils veulent se rapprocher de l'archéologie je crois, être une discipline scientifique sérieuse (après des siècles à s'être pris pour des littéraires); c'est à mon sens une bonne avancée, mais ça n'empêche pas d'apprécier le travail de guillemin.
Guillemin a un certain parti pris. Il est très à gauche (ce qui me plaît plutôt) et chrétien (ce qui avait surpris l'athée que je suis). mais il ne dissimule jamais ce parti pris, il le dit honnêtement. Donc on peut se lancer dans ses conférences sans avoir peur d'être manipulés et on peut ne pas être d'accord avec tout ce qu'il dit.
Enfin il y aurait surement des choses à dire sur le contenu même de cette conférence. Sans doute les recherches récentes mettraient à mal une partie de l'exposé, et je trouve qu'il passe un peu vite sur l'histoire de la vendée et le rôle de Robespierre dans tout ça. Il n'empêche que j'adore ses conférence et que je peux les écouter en boucle.
Voilà, j'ai déjà été trop longue. Sudena si tu as un commentaire éclairé, je suis vraiment preneuse.
PS: Guillemin a aussi fait une conférence sur Marie Antoinette. Vous pouvez la voir sur la même chaine.
Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Lun 14 Sep 2015 - 0:44
Déjà je ne suis pas d'accord quant au fait que l'Histoire est une science exacte. Et la preuve est que l'historien, depuis l'école des Annales, a pour fonction d'expliquer autant que de prouver. Mais un même fait peut être expliqué de diverses façons différentes et j'estime que l'approche de Michelet et de Guillemin est plus honnête (c'est un avis et c'est pour ça que j'ai arrêté d'étudier l'Histoire à-partir de mon DEUG).
Sinon...je suis d'accord avec tout ce qu'il dit (je suis membre de plusieurs "cercles" jacobins ou bonapartistes sur facebook) et c'est aussi pour ça que je vais m'attarder sur la Terreur, en essayant de mettre en avant ses lumières. Je vais aussi mettre en avant Saint-Just (dont j'ai lu absolument tous les écrits, discours, notes [j'ai bien dit TOUS]), mais sans trop choquer et en m'efforçant de parler de façon quelque-peu exhaustive (la religion et la Vendée auront la place qui leur revient)...
Désolé de n'avoir pas de commentaires plus "éclairés": j'essaierai de me rattraper dans la suite de mon petit exposé...
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Elelya Rose éclose
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Sujet: Re: Révolution Française Lun 14 Sep 2015 - 0:53
C'est déjà très intéressant ce que tu dis.
Pour ma part je pense que la volonté de l'université de faire une histoire "scrupuleusement fidèle aux faits" est une bonne base (ne pas donner une explication qui nous plait en dépit de certains faits). Mais ça m'a l'air assez utopique. comment peut on être parfaitement objectif alors qu'on "raconte" quelque chose. Parce que l'Histoire reste un récit en fin de compte.
Pour ce qui est de Saint Just, on peut dire que tu as bien travaillé! C'est un personnage que le grand public connaît assez mal au final. Je serais bien intéressée de comprendre d'avantage sa pensée.
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Traductions ikediennes: http://ikedafiles.tumblr.com/ Bara Yashiki no Shoujo En cours: Sakura Kyo (script anglais) 5/11 Yureru Soushun (script anglais) 1/3 En stand by: Ayako 1/6
Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Lun 14 Sep 2015 - 1:17
L'armée prussienne qui pénètre en France et dont l'avancée semble irrésistible n'est néanmoins pas tout à fait aussi bien en point qu'elle ne le laisse paraître... En-effet l'accueil des français n'est pas à la hauteur des attentes de Brunswick: les populations du nord sont froides, peu enclines à aider, et _chose inouïe!_ elles n'apprécient pas du tout d'être pillées, soumises à des meurtres sommaires et des viols en série. On est loin de l'enthousiasme que les nobles français émigrés prévoyaient à la vue de l'armée qui va rétablir le roi sur son trône: le peuple de France semble s'être fait à l'idée de la Révolution et préférer cette République à un roi sous tutelle étrangère... Mais il y a plus grave encore que cet accueil très "révolutionnaire" qui oblige de sécuriser la ligne de ravitaillement et conséquemment à laisser des effectifs sur place: la dysenterie ravage les troupes ce qui affaiblit le moral déjà bas des soldats. Déjà bas dis-je car les français commencent à tirer des leçons de leurs défaites: les soldats sont un peu plus disciplinés et les chefs, un peu plus respectés, commencent à avoir un coup d'œil certain. De plus les armes commencent à arriver côté français, particulièrement l'artillerie qui se regroupe. Brunswick continue à avancer mais c'est plus lent, plus poussif, et les mouvement des troupes françaises commencent à l'inquiéter quelque peu...
Car les généraux Dumouriez et Kellermann se sont concertés et ils ont vu qu'à part quelques places fortes les prussiens progressent "à vue" et n'ont pas pensé sérieusement à consolider leurs arrières. Les deux généraux conviennent d'une manœuvre synchronisée pour menacer la ligne de ravitaillement ennemie. Mais Dumouriez a quelques difficultés à rassembler ses troupes et il se dirige trop au nord; aussi seul Kellermann est en ordre de marche quand il contourne l'armée prussienne et menace ses arrières. Le 19 septembre, Brunswick s'arrête: le risque de se faire surprendre pendant une marche est trop élevé et il choisit d'accepter une bataille "à front renversé" (c'est à dire que les prussiens tourneront le dos à Paris et que les français se trouveront entre eux et leurs arrières) pour le lendemain. Les positions sont favorables à Kellermann qui a réussi à prendre position sur les hauteurs, près du moulin de Valmy...
Le 20 septembre le canon retentit: la bataille de Valmy a commencé. Les français, supérieurs en nombre et en canons, déclenchent les hostilités. Les prussiens répliquent. Il doit y avoir une centaine de morts côté prussien, pareil côté français. La canonnade s'éternise, les prussiens s'aperçoivent que les français ne lâcheront pas. Brunswick décide de lancer son infanterie. Kellermann met alors son chapeau sur son sabre dégainé et passe en revue ses troupes en criant "Vive la nation!" Les prussiens sont surpris et décontenancés, leur charge ne fait qu'une cinquantaine de morts supplémentaires et eux mêmes perdent une vingtaine d'hommes. Brunswick juge inutile d'insister: c'est gagné!
"Fausse bataille!" arguent les pisse-froid amers. C'est vrai que la bataille de Valmy n'a rien, en soi, de spectaculaire: elle s'est résumée pour l'essentiel à une canonnade. Mais qu'importe. Car la victoire, elle, est réelle! Tellement réelle que lorsque Brunswick demande à l'écrivain Goethe, présent sur les lieux, ce qu'il pense de cette bataille, ce-dernier répondra qu'une page d'Histoire s'est tournée. L'armée républicaine vient de remporter sa première victoire! Et le lendemain les députés de la Convention apprennent la nouvelle. "Les députés de la Convention??." Oui, car c'est le lendemain, 21 septembre, que la Convention s'est réunie pour la première fois: c'est pas beau le destin quand-même?..
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Chez les peuples vraiment libres, les femmes sont libres et adorées." Louis Antoine Saint-Just
COWBOY PAT Capitaine
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Sujet: Re: Révolution Française Mar 15 Sep 2015 - 15:52
DES FOIS EN EFFET FAUT PAS CHERCHER A COMPRENDRE ! Très intéressant nouveau résumé !!
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Mer 16 Sep 2015 - 18:23
Le 21 septembre 1792, la Convention Nationale se réunit pour la première fois à la Salle du Manège. Cette assemblée législative a été élue au suffrage universel masculin, mais si l'élection a semblé parfaitement légale un point particulier va être déterminant pour comprendre la suite des événements: il n'y a pas eu de secret du vote. Cette chose était parfaitement courante à cette époque mais quelques résultats s'en sont ressentis, en-particulier dans les villes industrielles où les ouvriers avaient intérêt à voter comme le patron sous peine d'être virés...
La Convention se réunit dans le liesse populaire qui a saisi Paris à l'annonce de la victoire de Valmy: Danton arrive porté en triomphe, Robespierre est également très applaudi, la Marseillaise retentit, les drapeaux tricolores sont partout. La première décision est la plus historique: la Convention Nationale vote à l'unanimité l'abolition de la monarchie! Le lendemain, 22 septembre, la suite logique arrive à-savoir la proclamation de la République! Cette fois ça y est: à l'unanimité, les représentants légaux de la France mettent à bas un système vieux de plus de mille ans et font entrer le pays dans l'erre républicaine. En trois ans le chemin a été vertigineux mais les députés savent qu'il ne s'agit que de mots aussi longtemps que la patrie sera en danger. Oui peut-être mais quels mots!.. Et qui se prolongent le lendemain quand, pour en finir définitivement avec l'Ancien Régime, les députés déclarent que tous les actes officiels doivent désormais dater de l'an I de la République. Ces députés, jeunes pour la plupart, sincères aussi pour la plupart, sont je pense conscients que la tâche qui leur incombe est titanesque. Nourris à la philosophie des Lumières et à l'héroïsme de Rome, ils sont prêts à mourir pour leurs idéaux. Mais quels sont ces idéaux? quels sont ces démons qui s'apprêtent à les faire s'entre-déchirer? d'où leur vient cette force et cette générosité phénoménales qui vont leur permettre de soulever des montagnes et de sauver la France...en s'exposant à des haines vivaces encore aujourd'hui? Pour répondre à ces questions il va maintenant être nécessaire d'ouvrir une parenthèse pour détailler un peu cette Convention Nationale, ses partis, ses divisions, ses acteurs. Car certains se tiennent dans l'ombre et s'apprêtent à entrer en scène de façon fracassante...et grandiose.
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Ven 18 Sep 2015 - 19:50
La Convention qui se réunit en cette fin septembre 1792 est la première assemblée totalement et résolument républicaine qu'ait connu la France et il faudra attendre le XXème siècle pour qu'un tel fait se reproduise... Elle est divisée en trois groupes distincts qui se sont reconnus par une pensée commune, des priorités politiques. En temps de guerre les tensions exercées vont rapidement atteindre un niveau de passion qui les changeront en haines, conduisant à un fatal _ mais inévitable_ affrontement. Les groupes, les voici:
-la Gironde: alors qu'elle formait la gauche de l'Assemblée Nationale, elle se retrouve à droite de la Convention. Comme toutes les droites qui vont lui succéder dans les divers pays, la valeur la plus importante à ses yeux est la liberté. Ce groupe a des visions économiques sur le moyen terme et croit en l'ordre et à la prudence. Fédéralistes, ils se méfient tous de Paris (bien que beaucoup de leurs leaders soient parisiens) et croient aux compromis. Il ne faut pas croire qu'ils arrivent absolument unis et qu'ils partagent les mêmes points de vue sur tout, que nenni! Brissot (l'homme qui a voulu et prôné la guerre) est ce qu'on pourrait appeler la "branche droite" tandis que leur égérie, Manon Rolland (femme du député du même nom et amante du jeune Buzot) forme la "branche gauche". Au milieu de cela il y a Vergniaud qui fait en quelque sorte le lien et qui va s'affirmer de plus en plus comme le vrai chef de l'ensemble. D'autres députés complètent le tableau: Héraut de Seychelles, Lanjuinais, Bailly, Pétion, Guadet, Gensonné, Miranda. L'un de leurs benjamins, le marseillais Barbaroux, va s'affirmer come leur étoile montante. Principales forces: ils avancent relativement unis dans leurs revendications, ils sont majoritaires par-rapport à leurs adversaires Montagnards, ce sont de fabuleux orateurs, leur prudence naturelle flatte l'esprit conservateur et leur donne pour beaucoup (et c'est le cas souvent encore aujourd'hui) une légitimité intellectuelle, les grandes dames de la Révolution sont avec eux (Manon Roland, Olympe de Gouges, Thérouagne de Méricourt [même si celle-ci commence de plus en plus à prendre ses distances]). Principales faiblesses: ce sont eux qui ont voulu la guerre, Paris leur est hostile, le petit peuple ne les soutient pas, et surtout ils manquent de génie comme de clarté politique derrière leurs beaux discours: on peut les soupçonner de lâcheté dans ce domaine...
-la Plaine: groupe majoritaire dans l'absolu, dénommé ainsi parc qu'ils siègent en bas de l'hémicycle, la Plaine n'a aucune ligne politique claire et ses députés mémorables se comptent sur les doigts de la main: Barrère est indiscutablement leur leader et en dehors de lui on peut distinguer Cambacérès ou Sieyès. A part leur républicanisme ils vont où le vent tourne, sans conviction réelle, ce qui leur vaudra un surnom méprisant mais parfaitement juste qui va s'imposer et avec lequel nous les désignons plus volontiers aujourd'hui: le Marais...
-la Montagne: elle siège à gauche de la Convention, sur les places du haut ce qui lui vaut son nom. Comme toutes les gauches, la valeur la plus importante à ses yeux est l'égalité. Elle se distingue de la Gironde d'abord et avant tout par sa définition de la République: alors que la Gironde est fédéraliste (sur le modèle américain), la Montagne est centralisatrice: pour elle la République doit être une et indivisible...et son épicentre est conséquemment Paris. N'ayant pas voulu la guerre (ils peuvent brandir à cet effet Robespierre ou Billaud Varenne) ils sont déterminés à la gagner et ils sont prêts à y mettre les moyens. Par-rapport aux Girondins, ils ont incontestablement des idéaux plus généreux: ils voudraient supprimer la pauvreté, qu'il n'y ait plus de misérables... C'est peut-être le fait qu'ils y croient sincèrement qui les rend si dangereux...et si merveilleux. Comme la Gironde ils n'avancent pas unis: Marat forme l'"aile gauche", Danton l'"aile droite", avec Robespierre au milieu. Les députés mémorables sont légion: Couthon, Desmoulins, Fabre d'Eglantine, Collot d'Herbois, Fouché, Carnot, David, Legendre... Le benjamin de ce groupe comme de la Convention est le député de l'Aisne Louis Antoine Saint-Just, totalement inconnu...jusque là. Principales forces: Paris les soutient à 100% que ce soit la municipalité ou les clubs populaires, ils ont comparativement plus de "plumes" que la Gironde (avec Desmoulins, Marat ou Hébert), le courage politique ne leur fait, à eux, certainement pas défaut et s'ils ont comparativement moins d'orateurs ils sont plus "percutants", plus "vrais" que leurs adversaires. Principales faiblesses: quoique plus populaires ils sont minoritaires, leurs idéaux d'égalité font peur aux possédants, avec eux les espoirs de compromis diplomatiques semblent quasiment nuls... A noter aussi: à part Marat les Montagnards sont comparativement plus jeunes que les Girondins (environ cinq à sept ans).
Le point d'accroc le plus symbolique date d'avant même le début de la Convention: il s'agit des Massacres de Septembre. Si tous les députés les condamnent sans ambigüité la frontière est très marquée entre Girondins et Montagnards pour éviter qu'ils se reproduisent: pour les premiers il faut museler le petit peuple (la "canaille") et donner du pouvoir aux plus riches qui savent l'utiliser, pour les seconds il s'agit d'anticiper la colère du peuple et d'agir en conséquence pour qu'il n'ait pas à le faire ("Soyons terrible pour empêcher le peuple de l'être!" dira Danton). C'est parce que cet argument lui semblera plus judicieux à la réflexion que Thérouagne de Méricourt s'éloignera de plus en plus de la Gironde (alors qu'Olympe de Gouges ne tardera pas à éprouver une véritable haine pour le petit peuple). Mais pour l'instant la question brûlante est: "qu'allons-nous faire du roi?"...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Ven 25 Sep 2015 - 2:28
La question de l'ancien roi divise profondément la Convention et met pour la première fois en exergue l'opposition entre Montagnards et Girondins. Pour la faire courte, les premiers voudraient le juger, le seconds non. Il y a dans cette opposition autant de problèmes de fond que de forme: la Montagne juge Louis Capet responsable des crimes commis ces trois dernières années, en particulier celui, intolérable à ses yeux, d'avoir voulu la guerre pour que la France la perde. Elle argue que Louis peut être jugé comme n'importe quel citoyen _au nom du principe d'égalité_ et sait que la haute trahison dont elle l'accuse peut le mener à l'échafaud... La Gironde, elle, est effrayée par cette idée et argue non-seulement le manque de preuves indiscutable mais aussi un point précis de la Constitution de 1791, à-savoir l'immunité de la personne du roi. Si Louis a commis des crimes, dit-elle, il faut qu'ils aient eu lieu après le 10 août pour être sous le coup de la loi. En fait elle joue la montre, convaincue de la folie d'une telle initiative, et sa majorité à la Convention la sert: à coups d'arguments juridiques, de trainailleries dans les recherches (car la Montagne demande de chercher les preuves de la duplicité de Capet, certaine de les trouver), elle réussit à étouffer le débat petit à petit... Cependant la peur que peut inspirer la coalition et qui pourrait être un argument massue pour les députés modérés devient petit à petit moindre à mesure que la situation militaire évolue favorablement...
Les prussiens, qui se replient en assez bon ordre, laissant les autrichiens dans une situation assez peu enviable: la négligence des alliés à établir des places fortes réelles durant leur avancée de l'été se retourne contre eux, car ils se trouvent à la merci d'une attaque française qui, s'ils se débrouillent bien, peuvent compter sur une supériorité numérique ponctuelle. Les autrichiens sont en effet disposés sur toute la frontière des Pays-Bas Autrichiens (l'actuelle Belgique), mais s'ils perdent une seule de leurs places fortes leur armée risque d'être prise en tenaille... Or Dumouriez a très bien vu ça et il convainc la Convention d'accepter d'attaquer massivement. La place forte qu'il choisit d'attaquer en priorité (mais les autrichiens ne peuvent pas le deviner avant) est Mons.
Les autrichiens sont 13 000, lui dispose de 40 000 soldats. C'est dans le sillon du village de Jemappes que va se dérouler la bataille, le 10 novembre 1792. Dumouriez pourrait choisir la finesse, c'est à dire contourner l'ennemi par la gauche et l'attirer dans une zone marécageuse plus propice au déploiement des forces, mais il refuse (soit qu'il juge ses soldats pas assez "mûrs" pour ce genre de manœuvre, soit qu'il se méfie des renforts autrichiens, soit les deux) et décide de passer "en force". Ce qui donne une bataille classique qui se termine par la victoire des français plus nombreux et plus hardiment commandés. Jemappes, c'est aussi la première victoire d'une armée française "offensive": Dumouriez devient le héros du pays et il a cette particularité de manger à tous les râteliers politiques. Il est _il ne s'en cache pas_ Girondin, mais c'est aussi un ami personnel de Danton, ce qui lui vaut une certaine unanimité.
Mais alors que l'armée passe à l'offensive dans le nord, les Girondins croient avoir réussi leur coup et être bien partis pour sauver l'ancien roi avec leurs arguments à la fois alambiqués et implacables du strict point de vue légal. Sauf que le 13 novembre, à-peine trois jours après la victoire de Jemappes, un tout jeune député va tout changer et rentrer dans l'Histoire par la plus grande des portes...
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Sudena La rose de l'ombre
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Sujet: Re: Révolution Française Mar 29 Sep 2015 - 15:38
Le 13 novembre 1792 donc un député monte à la tribune de la Convention. D'emblée les têtes se tournent: ce député que personne ne connait avance tête haute, d'un pas très droit et "raide", mais c'est son physique plus que sa démarche ou son port de tête qui fait s'ouvrir les mirettes: très jeune, grand, mince, les cheveux clairs, longs et blonds, le regard bleu, une grande boucle à l'oreille gauche, il est beau comme un dieu. Son nom commence à circule qui surprend encore plus les députés: Saint-Just. Mais il est encore plus saisissant quand il prend la parole: sa voix est froide comme la glace, tranchante comme un rasoir, et ce qu'il dit dans un discours d'un petit quart d'heure fige les députés et les met face à eux-mêmes et à leur responsabilité...
Pour lui Louis ne doit pas, comme le proposent les députés de la Montagne, être jugé en citoyen mais en ennemi de la nation! Et son crime le lus impardonnable est à ses yeux d'avoir été roi: "On ne peut point régner innocemment. _dit-il_ La folie en est trop évidente...", et juste après: "Tout roi est un rebelle et un usurpateur!". Et tandis que les députés se regardent, effarés par tant d'audace, il conclut en rappelant une vérité évidente mais que personne n'avait osé dire à haute voix: "Si Louis est innocent nous sommes tous rebelles; s'il est coupable, il doit mourir." Les députés de la Montagne eux-mêmes sont stupéfaits par tant de verve, tant de détermination, tant de courage et par cette intelligence foudroyante qui émane de ce confrère. Les Girondins, eux, sont effondrés par tant de cruauté mais surtout ils se sentent pris en flagrant délit pas ce gamin... Saint-Just vient de recentrer le débat, proposer une solution alternative devant laquelle leur rhétorique légaliste n'a que peu de poids et semble d'une désolante vacuité intellectuelle...
Et cela se traduit par des investigations plus poussées que la municipalité parisienne se fait un plaisir d'effectuer. Avec pour conséquence une découverte décisive qui va mettre définitivement hors-course la rhétorique girondine quant à la question du procès du roi...
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